A l’horizon 2020, les fabricants de voitures devront respecter des objectifs d’émission de CO2 plus contraignants qui limiteront, sauf exception, à 95g/km les émissions maximales des voitures neuves particulières, selon une décision du Parlement européen lors de sa séance plénière du 25 février 2014.
En adoptant par 499 voix pour, 107 voix contre et 9 abstentions le rapport de l’Allemand Thomas Ulmer (PPE) sur le projet de règlement de la Commission relatif aux normes d’émission de CO2 des voitures particulières neuves permettant d'atteindre l'objectif européen de réduction de ces émissions à l'échéance 2020, les eurodéputés ont ainsi suivi à une large majorité l’avis favorable de leur commission de l’environnement (ENVI) sur l’accord qui avait dû être renégocié avec le Conseil sur ce projet.
Le projet de règlementation proposé par la Commission en juillet 2012, dont la mesure phare consiste à limiter à maximum 95g/km les émissions de CO2 des voitures particulières en 2020 (contre 130g/km en 2015), a fait l’objet d’âpres négociations entre les institutions européennes. Le vote du 25 février fait en effet suite à une réouverture inattendue du dossier après qu’un premier accord interinstitutionnel de compromis, dégagé en juin lors de négociations en "trilogue" (Parlement européen, Commission européenne et Conseil), a été repoussé à plusieurs reprises par les ministres européens en Conseil, sous pression de l’Allemagne.
L’Allemagne, inquiète de l’impact d’une telle mesure sur son secteur industriel automobile national – dominé par des producteurs de voitures "haut de gamme" –, s’était en effet désolidarisée de l’accord de juin auquel elle avait pourtant donné son consentement. Fin septembre, Berlin avait même proposé un report de l’objectif à 2024 en introduisant celui-ci progressivement au parc automobile à partir de 2020, suscitant la réprobation d’autres Etats membres, dont le Luxembourg, opposé "à toute tentative de dilution du texte".
Les députés européens du groupe des Verts/ALE avaient alors dénoncé l’influence du lobby des constructeurs allemands, ce que l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes rappelait d’ailleurs lors de son bilan parlementaire, le 24 février 2014. "Et on apprend quelques semaines plus tard que l’actionnaire principal de BMW a fait un chèque de 600 000 euros à la CDU [le parti chrétien-démocrate de la chancelière Angela Merkel]. Je ne crois pas que c’était un hasard."
Finalement, le Conseil Environnement du 14 octobre 2013 avait dû se résigner à une réouverture du dossier afin d’examiner "les possibilités de trouver la façon de rencontrer les préoccupations d’ordre industriel exprimées par certaines délégations, tout en préservant l'équilibre global du compromis conclu pour une solution satisfaisante pour tous". Fin novembre, la présidence lituanienne et le Parlement européen étaient parvenus à un compromis, qui vient donc d'être adopté au Parlement, mais devra encore être approuvé par le Conseil.
Le nouvel accord prévoit bien le maintien de l’objectif contraignant de 95g/km de CO2 en 2020, mais introduit une période transitoire d’un an, en 2020, pendant laquelle seules 95 % des nouvelles voitures seront concernées. "Pendant les pourparlers avec le Conseil, les négociateurs du Parlement ont limité l'application proposée de l'objectif contraignant de 95g/km à 95 % des nouvelles voitures et à une seule année", se félicite le communiqué diffusé à l’issue du vote sur le site du Parlement.
L’accord introduit des bonifications aussi appelées "super-crédits", soit des pondérations favorables pour les voitures plus propres dans la gamme d'un fabricant, qui seraient autorisées de 2020 à 2022 (mais pas entre 2016 et 2020) mais elles seront plafonnées à 7,5g/km par constructeur pour cette période.
L’introduction de ce système vise à inciter les constructeurs automobiles à développer de nouvelles technologies avec de faibles niveaux d'émissions (moins de 50g/km). Les critères appliqués seront les suivants: une voiture émettant moins de 50g/km sera comptée pour deux voitures particulières en 2020, pour 1,63 voiture particulière en 2021, pour 1,33 voiture particulière en 2022, et pour une voiture particulière en 2023.
Les députés européens appellent aussi à la révision du contrôle des émissions. La nouvelle procédure d’essai mondiale pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers (WLTP), définie par les Nations unies, devrait entrer en vigueur au plus tôt, affirme le texte voté par le Parlement européen. Les eurodéputés y rappellent que la Commission européenne a indiqué soutenir un délai pour 2017. La WLTP reflèterait au mieux les conditions réelles dans lesquelles les voitures sont utilisées.
Les députés font en effet remarquer que, selon des récentes études, les fabricants ont exploité les faiblesses de la procédure actuelle pour tester les performances environnementales des voitures, de sorte que les chiffres officiels de consommation et des émissions sont loin de ceux obtenus dans les conditions de conduite quotidiennes.
Le rapporteur du texte, Thomas Ulmer, s’est félicité de la décision du Parlement européen. "Grâce à ce vote, l'Europe continuera d'être à la pointe du progrès en ce qui concerne la réduction des émissions de CO2 des voitures. L'objectif de 95g/km représente une économie de 15 millions de tonnes d'émissions de CO2 par an. Cependant, le coût de l'innovation doit être socialement acceptable et économiquement réalisable, tant pour les consommateurs que pour les fabricants".
La réaction est en revanche plus amère du côté des Verts/ALE selon lesquels ce "vote manque terriblement d'ambition".
"Le règlement CO2 des voitures tel que voté par le Parlement européen est la caricature du conservatisme industriel qui règne en Europe aujourd’hui. Alors que toutes les études confirment que des objectifs CO2 ambitieux sont indispensables pour lutter contre le dérèglement climatique, qu’ils permettraient de très importantes réductions de la facture énergétique des ménages et inciteraient à l’innovation industrielle en Europe, l’Union européenne se plie largement aux injonctions de l’industrie allemande des grosses berlines. Angela Merkel a une fois de plus privilégié sa diplomatie 'Mercedes et BMW', soutiens par ailleurs généreux de la CDU, au détriment du climat et des automobilistes européens", a réagi l’eurodéputé français Yannick Jadot dans un communiqué diffusé suite au vote.
Et de poursuivre : "Si l’objectif de 95g de CO2/km est maintenu pour 2020, il est assorti de nombreuses flexibilités qui le vident largement de son ambition. En outre, aucun objectif pour 2025, fixant le cadre de l’innovation industrielle, n’est retenu pour le moment". Les députés souhaitent en effet que soit fixé dans le règlement un objectif pour 2025 situé dans une fourchette indicative allant de 68 à 78 g de CO2/km de niveau moyen d'émissions applicable au parc de voitures neuves.
L’eurodéputé Vert conclut que "le climat et les automobilistes sont toujours victimes d’une fraude scandaleuse quant aux tests sur les émissions de CO2, la réalité de la consommation et des émissions étant parfois supérieure de 25% aux chiffres annoncés. Cette escroquerie peut représenter pour un conducteur régulier un surcoût de 135 euros de carburant chaque année. La différence entre la consommation réelle et la consommation affichée atteint 30% pour une BMW, 28 % pour une Audi, 27 % pour une Opel et une Mercedes, 16 % pour une Renault ou une Peugeot".
Pour mémoire, dans le cadre de ses engagements pour limiter le réchauffement climatique à 2° C par rapport à l’ère préindustrielle, l’UE s’est donné pour objectif de réduire de 80 à 95 % ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à leur niveau de 1990. Le secteur des transports serait à lui seul responsable de près de 20 % des émissions de CO2 de l’UE.