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Elections européennes
A l’approche des élections européennes, Claude Turmes dresse un bilan relativement positif de l’action des Verts au Parlement européen mais rappelle que les défis s’annoncent nombreux face à des tentatives de renationalisation des compétences de l’UE
24-02-2014


turmes-bilanA désormais à peine un plus de trois mois des élections européennes, l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts/ALE) a dressé le bilan de ses cinq dernières années d’action au sein du Parlement européen lors d’une conférence de presse à Luxembourg, le 24 février 2014.

Membre de l’institution législative de l’UE depuis 1999, l’élu écologiste, qui briguera un quatrième mandat de parlementaire européen lors de l’échéance électorale du 25 mai estime que les eurodéputés ont "atteint beaucoup" d’objectifs et ce très souvent sous l’impulsion des Verts  "qui jouent un rôle central" au Parlement européen.

Les Verts comme "force de proposition" au Parlement européen

Ainsi notamment dans le cas de la politique commune de la pêche, qui était jugée "désastreuse", le Parlement européen s’est très clairement prononcé contre la surpêche en approuvant en plénière en janvier 2013 l'interdiction des rejets en mer dès 2014 et une reconstitution des stocks dès 2015 dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche. "Ce n’est pas uniquement un problème écologique mais de très nombreux emplois ont été perdus en Europe", explique le député européen qui souligne le rôle central de l’eurodéputée verte suédoise Isabella Lövin "pour trouver une majorité au Parlement et réorienter la politique de la pêche sur d’autres bases".

Au niveau social, la législature qui s’achève a été particulièrement marquée par la crise financière, économique et sociale, mais un élément positif serait malgré tout l’introduction de la garantie jeunesse. "L’idée de cette garantie trouve sa source dans un amendement déposé par les Verts en commission des affaires sociales du Parlement", relate Claude Turmes. "Parti d’un rapport d’initiative du Parlement, le projet a été endossé par la Commission européenne" et introduit dans la législation européenne, se satisfait-il.

En termes de régulation bancaire, les Verts au Parlement européen n’ont pas été en reste. Deux eurodéputés écologistes, l’allemand Sven Giegold et le belge Philippe Lamberts, ont été particulièrement actifs sur ce dossier. "Philippe Lamberts a été présenté dans un article du Financial Times comme le député le plus actif en matière de régulation financière et notamment d’encadrement des bonus", ajoute encore Claude Turmes. Et de souligner l’impulsion des députés verts dans des textes qui font désormais peser la responsabilité des risques davantage sur les banques elles-mêmes, via les actionnaires et les créanciers, que sur les contribuables.

Au sujet de la protection des données, dossier devenu d’autant plus sensible que s’égrainaient les révélations sur le scandale des écoutes massives d’un des services de renseignement des USA, c’est cette fois le vert allemand Jan Philipp Albrecht qui a joué un rôle central. "En tant que rapporteur du texte au Parlement européen, il a réussi à trouver une majorité parmi les députés pour aller au-delà de la proposition initiale de la Commission européenne", se félicite Claude Turmes, qui reconnaît néanmoins qu’il faudra encore "gagner le match contre le Conseil".

Dans le domaine de l’énergie et de la protection du climat, l’eurodéputé luxembourgeois relève plusieurs "législations importantes" mises en place ces dernières années. Tout d’abord en termes d’efficacité énergétique avec le vote en 2010 de la directive 2010/31/UE qui introduit l'application d'exigences minimales en matière de performance énergétique aux bâtiments neufs et aux nouvelles unités de bâtiment, établissant, par exemple, qu'au 31 décembre 2020, tous les bâtiments neufs devront avoir une consommation d'énergie proche de zéro. "Cela entraîne un changement de paradigme complet dans l’économie de la construction", estime le député vert.

La participation citoyenne renforcée grâce à l’initiative citoyenne intégrée dans le traité de Lisbonne serait aussi en partie à mettre au crédit des Verts qui ont d’ailleurs largement soutenu l’initiative Right2Water. "Grâce à la pression citoyenne face aux craintes de privatisation du secteur de l’eau, le sujet a été sorti de la directive sur les marchés publics", souligne Claude Turmes. Le projet de règlement polémique sur les semences qui a été rejeté en commission de l’agriculture du Parlement européen, après notamment une campagne des Verts, est un autre succès selon l’eurodéputé luxembourgeois.

Il estime par ailleurs que "le test ultime" de cette législature sera l’évolution dans le dossier des OGM, dont la Commission entend prochainement autoriser la culture d’un maïs génétiquement modifié.

"85 % des citoyens européens sont contre leur autorisation, tout comme le Parlement européen et une majorité d’Etats membres, mais ces derniers n’atteignent pas le quorum pour la super majorité nécessaire à la décision. La balle a été renvoyée dans le camp de la Commission européenne à laquelle les Verts se sont adressés pour lui rappeler qu’elle ne pouvait pas se cacher derrière des arguments de procédure pour aller contre la démocratie. Si elle devait s’entêter à pousser ce dossier politiquement hautement sensible contre vents et marées, nous demanderions un vote de défiance au Parlement européen", précise Claude Turmes.

Les défis de la prochaine législature

Selon Claude Turmes, le dossier prioritaire de la législature à venir sera celui d’un budget propre, autonome et substantiel pour l’Union européenne. L’absence de budget autonome et la dépendance "aux chèques des Etats membres" qui en résulte serait une des causes principales ayant mené à une gestion largement intergouvernementale de la crise et de ses conséquences. "Cela nous a fait sortir d’un processus équilibré entre l’exécutif et le législatif pour revenir 30 ans en arrière avec des décisions prises par certains grands Etats membres de concert avec la Commission et la BCE en absence de toute légitimité démocratique", estime Claude Turmes.

Le député Vert note que la mauvaise gestion de la crise a favorisé le discours de certaines forces politiques "à droite et à l’extrême droite" qui prônent une renationalisation des compétences de l’UE. "C’est également une politique défendue par les grands groupes industriels : moins de régulation il y a, plus simple c’est pour les multinationales", juge Claude Turmes, qui appuie que "la volonté de la Commission de renationaliser le choix de l’autorisation des OGM signifie moins d’Europe et donc la porte grande ouverte pour Monsanto". Il dénonce par ailleurs le poids des groupes de pressions en matière d’objectifs énergétiques et climatiques, ceux-ci ayant notamment, selon le député écologiste, réussi à empêcher la mise en place d’un cadre européen pour prévenir l’exploitation des gaz de schiste.

Les priorités de Claude Turmes

L’eurodéputé Vert continue de plaider pour un meilleur contrôle des lobbies, notamment via l’introduction du caractère obligatoire de l’inscription sur le registre européen des lobbies ainsi que l’extension du registre aux lobbies qui agissent directement dans les Etats membres. Il cite le cas de la réduction des émissions de CO2 par les voitures qui a été repoussée suite au revirement de l’Allemagne sur le sujet, attribué à des pressions de l’industrie automobile allemande. "Et on apprend quelques semaines plus tard que l’actionnaire principal de BMW a fait un chèque de 600 000 euros pour la CDU [le parti chrétien-démocrate de la chancelière Angela Merkel]. Je ne crois pas que c’était un hasard."

Pour le nouveau Parlement européen issu des élections du 25 mai, Claude Turmes voit trois dossiers prioritaires : la conclusion d’une législation climat/énergie ambitieuse, une vérification attentive de l’accord de libre-échange avec les USA (TTIP) actuellement en négociation et sur lequel le Parlement devra se prononcer et le vote de la réforme sur la protection des données.

L’image et la place du Luxembourg dans l’Union européenne devraient également être revues selon l’eurodéputé luxembourgeois. Il estime notamment que le dernier gouvernement s’est contenté de "camper sur une position défensive". "La seule chose qui l’intéressait était la défense du secret bancaire pour le compte de l’ABBL et du secteur des fonds", estime-t-il, avec pour conséquence une détérioration "désastreuse" de l’image du pays en Europe. "Nous devons travailler avec le nouveau gouvernement pour une meilleure image en montrant au niveau de la politique européenne que l’on travaille ensemble pour aller de l’avant."

L’eurodéputé estime par ailleurs que, la politique du siège de Luxembourg doit être jouée de manière plus proactive et constructive, avec des arguments positifs et sans se contenter de mettre en avant le traité ou d’être à la suite de la France qui défend le siège de Strasbourg. "Il faut positionner positivement le pays avec ses atouts, son capital, notamment humain", poursuit-il. Le soutien à la France n’est cependant pas remis en question, assure-t-il encore.

Enfin Claude Turmes a commenté les possibilités de coalition qui pourraient émerger du prochain scrutin, marquant sa préférence pour une coalition de centre gauche. Il a notamment souligné que "tous les grands dossiers qui avancent au Parlement sont le fait d’une association des partis de centre gauche contre les conservateurs", jugeant donc qu’une grande coalition entre les deux principaux groupes, PPE et S&D, serait peu efficace.

Selon lui, c’est avant tout la tendance dans le groupe des libéraux (ALDE) qui pourrait mettre en péril une future coalition de centre gauche au Parlement européen. "Si [à l’issue des élections] les libéraux devaient être dominés par les libéraux de droite contrairement aux libéraux de gauche, comme c’est le cas actuellement, là il y aurait un risque", juge-t-il.

Quant à la probabilité d’une percée de l’extrême droite et des populistes au Parlement européen, Claude Turmes tient à relativiser. "L’extrême droite tente de constituer un groupe depuis quatre législatures, or il est très difficile de faire s’entendre un nationaliste anglais avec un nationaliste roumain."