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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Justice, liberté, sécurité et immigration
Jean Asselborn, interpellé par le député Claude Wiseler, fait le point sur le contexte dans lequel des citoyens de l’UE peuvent perdre leur droit de séjour parce qu’ils représentent une "charge déraisonnable pour l’Etat luxembourgeois"
28-03-2014


Le 26 mars 2014, le député Claude Wiseler (CSV) adressait au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration une question parlementaire dans laquelle il attirait l’attention sur le retrait d’attestations d’enregistrement à des citoyens de l’UE.

"Depuis quelques mois, plusieurs citoyens de l'Union Européenne résidant au Luxembourg ont reçu un courrier de la Direction de l'immigration, dans lequel était annoncée la possibilité de retrait de l'attestation d'enregistrement, ce qui, dans la pratique, vaut retrait du droit de séjour", relatait le député. Il précisait que la raison invoquée serait "une ‘charge déraisonnable pour l'État luxembourgeois’, du fait de percevoir le RMG ou d'être inscrit au chômage depuis un certain temps ".

Claude Wiseler souhaitait avoir confirmation de ces informations et savoir, le cas échéant, quels sont les critères adoptés par l’administration luxembourgeoise pour prendre une telle décision. Le député souhaitait aussi savoir combien de citoyens de l’UE étaient concernés, et combiChambre des Députésen avaient dû quitter le territoire luxembourgeois suite à  cette décision. Il posait aussi des questions sur les profils des personnes concernées.

Les textes de loi

Dans sa réponse datée du 28 mars 2014, Jean Asselborn fait le point sur la libre circulation des personnes tel qu'elle résulte de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration transposant la directive 2004/38/CE sur la libre circulation des personnes en droit national.

Le citoyen de l'Union bénéficie d'un droit de séjour au Luxembourg pour une durée supérieure à trois mois s'il remplit les conditions prévues par l'article 6, paragraphe 1 de la loi de 2008 précitée, à savoir :

  • S'il exerce en tant que travailleur une activité salariée ou activité Indépendante ;
  • S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille (tels que définis à l'article 12 de la même loi) de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ;
  • S'il est inscrit dans un établissement d'enseignement public ou privé au Grand-Duché de Luxembourg conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, d'une formation professionnelle, tout en garantissant disposer de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d'éviter de devenir une charge pour le système d'assistance sociale et d'une assurance maladie.

Cependant, rappelle le ministre, "le droit à la libre circulation n'est pas un droit absolu". Les limitations au droit de séjour du citoyen de l'Union sont également précisées dans la loi de 2008.

Ainsi, l'article 24 de la loi indique dans quels cas le citoyen perd son droit de séjour. Il en va notamment ainsi pour la personne qui devient une "charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale".

Le recours au système d'assistance sociale n'entraîne pas automatiquement une décision de refus de séjour à l'égard du citoyen, explique le ministre qui précise que la charge pour le système d'assistance sociale est évaluée conformément à l'article 24(4) de la loi, en prenant en compte le montant et la durée des prestations sociales non contributives qui ont été accordées, ainsi que la durée du séjour.

Le ministre précise par ailleurs que la personne qui se trouve en chômage involontaire conserve la qualité de travailleur et les prestations qu'elle reçoit ne sont pas considérées comme prestations susceptibles de constituer une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale.

La procédure

Le ministre détaille ensuite la procédure qui est appliquée par l’administration luxembourgeoise.

Si la Direction de l'Immigration constate que les conditions de séjour ne sont pas ou plus remplies et que le citoyen de l'Union constitue une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, cette personne reçoit dans une première phase une information conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes (PANC) que la Direction de l'Immigration estime qu'elle a perdu son droit de séjour alors qu'elle ne remplit plus les conditions de séjour ainsi que des motifs à la base de cette procédure. Les concernés disposent ensuite d'un délai d'un mois pour apporter leurs observations.

La procédure se poursuit soit par une suspension de la procédure de retrait pour une durée de trois à neuf mois, au cas où les personnes concernées présentent des observations pertinentes, soit par un arrêt de la procédure du moment que les personnes concernées remplissent de nouveau les conditions pour un séjour de plus de trois mois.

L'absence d'une réaction des personnes concernées ou le non-respect continu des conditions prévues par la loi du 29 août 2008 entraîne une décision de retrait du droit de séjour.

Les retraits du droit de séjour sont donc opérés en application des dispositions de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration. Cette procédure est appliquée depuis l'entrée en vigueur de la loi précitée en date du 1er octobre 2008

Personne n’est éloigné par la contrainte, un citoyen peut récupérer son droit de séjour et la question ne se pose plus une fois acquis le droit au séjour permanent après cinq ans de résidence

Le ministre précise dans sa réponse que les citoyens de l'Union auxquels le droit de séjour a été retiré peuvent à tout moment récupérer leur droit de séjour en remplissant de nouveau les conditions prévues pour un séjour de plus de trois mois.

Autre remarque faite par le ministre, le citoyen de l'Union qui a le statut de travailleur bénéficie de l'égalité de traitement, y compris en matière d'aide sociale et ne perd pas son droit de séjour si il touche des prestations relevant de l'assistance sociale.

Par ailleurs, il est indiqué dans la réponse à la question parlementaire qu’après un séjour légal et ininterrompu de cinq ans sur le territoire luxembourgeois, le citoyen de l'Union acquiert le droit au séjour permanent (article 9 de la loi précitée). Ce droit n'est pas soumis aux conditions prévues à l'article 6, paragraphe 1 pour le séjour d'un citoyen pour une durée supérieure à trois mois. Ainsi, les citoyens de l'Union bénéficiant d'un droit de séjour permanent ne perdent pas le droit de séjour en cas de recours au système d'assistance sociale.

Dans l'hypothèse de la perte du droit de séjour au motif d'être une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, le citoyen reçoit l'ordre de quitter le territoire. Cela signifie qu'il n'a plus de droit de séjour et ne bénéficie donc plus des droits découlant du séjour légal. La personne n'est cependant pas éloignée par la contrainte, précise le ministre.

Une quarantaine de décisions de retrait ont été prises en 2013

En 2013, une quarantaine de décisions de retrait de droit de séjour ont été prises à l'égard de citoyens de l'Union qui sont pour la plupart des personnes seules. Le ministre ne manque pas de souligner qu’en 2013, 16.079 citoyens de l'Union ont procédé à une première déclaration d'enregistrement.

Des statistiques détaillées, y inclus sur les nationalités des citoyens concernés, sont proscrites en raison de la protection des données des personnes concernées, précise le ministre qui ajoute que, dans la mesure où les personnes concernées ne sont pas éloignées du territoire et peuvent par conséquent récupérer leur droit de séjour, des statistiques fiables seraient quasiment impossibles à établir.