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Nouvellement créée, "l’Alliance européenne pour un Semestre européen démocratique, social et durable" fait ses recommandations alternatives aux Etats membres
07-04-2014


Semester-Alliance-logoLe 7 avril 2014, une coalition de quatorze ONG actives dans l’environnement, la justice sociale ou encore l’égalité des genres et de deux syndicats (voir liste ci-dessous) ont lancé "l’Alliance européenne pour un Semestre européen démocratique, social et durable".

Cette initiative intervient sciemment au moment où la Commission européenne prépare son examen à mi-parcours, de la stratégie Europe 2020, suite à sa communication en date du 7 mars 2014. Soulignant l’échec en cours de cette stratégie, comme l’avait d’ailleurs récemment fait la Confédération européenne des syndicats, membre elle aussi de cette alliance, l’Alliance entend apporter sa contribution pour retrouver les moyens de tenir les engagements de la stratégie Europe 2020 mais aussi relancer l’implication des ONG et des syndicats dans la formation des politiques européennes.

L’Alliance rappelle que la communication de la Commission européenne fait état d’'un échec avec un retour en arrière' sur les objectifs en termes de pauvreté et d’emploi, puisque 10 millions de personnes de plus sont tombés dans la pauvreté par rapport à 2009 (soit 124 millions) et le taux d’emploi va décroissant, de 70,3 % en 2008 à 68,4 % en 2012. Il existe toutefois des progrès 'limités', sur le décrochage scolaire ou la sortie prématurée du système scolaire (passés de 15,7 % en 2005 à 12,7 % en 2012), la part de jeunes finissant des études supérieures (de 27,9 % en 2005 à 35,7 % en 2012) et la réduction des émissions de CO2 (- 18 % dans l’UE, bien que treize Etats membres ne devraient pas atteindre leurs objectifs nationaux).

Dans sa communication, la Commission a aussi reconnu la nécessité d’avoir une plus grande participation et une plus grande implication des partenaires. "La réussite du processus passe obligatoirement par la prise de conscience de tous les acteurs concernés - gouvernements, parlements, autorités régionales et locales, partenaires sociaux et toutes les parties prenantes - et par un sentiment d'adhésion à ce processus. Dans de nombreux États membres, la participation des différentes parties prenantes à la mise en œuvre de la stratégie pourrait encore être renforcée", écrit-elle en effet dans sa communication. 

"Engager réellement les partenaires de la société civile dans ces processus est la clé pour trouver des solutions de politique durable aux niveaux national et européen, comme pour renforcer la légitimité dont a tant besoin l’UE. Nous offrons le partenariat de milliers de nos organisations membres à travers l’UE pour rendre cela possible", a dit, dans un communiqué de presse, Barbara Helfferich, la directrice du Réseau européen anti pauvreté (EAPN) qui coordonne l’Alliance.

Le jour de son lancement, l’Alliance a d’ailleurs apporté sa première contribution, sous la forme de recommandations alternatives aux Etats membres, qui sont à voir comme "une liste d’actions prioritaires au niveau national qui pourraient aider à prévenir une nouvelle détérioration négative et assurer un réel progrès vers les objectifs". Elles ont été recueillies auprès des membres nationaux de ses diverses composantes, lesquels "essaient d’engager un dialogue structuré et sérieux avec les gouvernements nationaux dans le cadre du Semestre européen". Elles reposent ainsi sur les témoignages de citoyens sur le terrain. "Nous pensions qu’en écoutant les voix des citoyens, des organisations de la société civile et des syndicats, la Commission peut améliorer la manière dont elle formule ses recommandations politiques au gouvernement national et, sur un plan plus large, dont les politiques sont mises en œuvre localement", soulignent les auteurs de l’initiative.

Sept domaines-clés

Le nombre de de recommandations ayant trait aux aspects sociaux, environnementaux et d’égalité des genres a certes augmenté en 2013, constate l’Alliance dans son document. Toutefois, "le plus grand nombre des recommandations a continué à se concentrer sur les exigences de gouvernance économique", débouchant principalement "sur des mesures d’austérité". De plus, "l’impact social, en termes d’égalité et environnemental, n’a pas été évalué en amont".

L’Alliance fait ses recommandations dans sept domaines-clés.

Le premier concerne les politiques macroéconomiques sociales et durables. "La plupart des recommandations se concentrent sur des objectifs de consolidation budgétaire à court terme, ne prenant pas en compte coûts et bénéfices sociaux", répètent les auteurs. Or, "l’impact social et en terme d’égalité des mesures de consolidation budgétaire a été particulièrement dur, contribuant à augmenter l’exclusion sociale et la pauvreté". En la matière, l’Alliance propose notamment la mise en place d’une "politique fiscale durable et inclusive", qui impliquerait un transfert de la fiscalité, qui pèse actuellement sur le travail, vers le risque environnemental.

Ensuite, en termes de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’Alliance recommande  d’œuvrer à des systèmes de protection sociale universelle. Ainsi, les propositions de réduction des contributions sociales ne devraient être possibles que si elles n’ont pas d’impact négatif sur le financement durable des systèmes de protection sociale.

L’Alliance regrette par ailleurs la "faible ambition et transparence de nombreux objectifs nationaux concernant la pauvreté" et rappelle le "manque de progrès visibles ans la réduction de la pauvreté". La question du logement fait l’objet d’une attention particulière de sa part. "L’accès au logement à prix abordable est un prérequis de base pour la participation à la société" et constitue "une mesure-clé pour réduire et prévenir le sans-abrisme et réduire la pauvreté et l’exclusion sociale".

L’Alliance déplore aussi le manque d’une approche spécifique et globale de la pauvreté chez les jeunes, qui s’intéresserait donc aussi à leur accès aux services de protection sociale et non seulement à leur accès au travail, avec la Garantie jeunesse par exemple.

Le troisième domaine-clé est constitué par la qualité de l’emploi. L’Alliance met en garde contre la progression du phénomène des travailleurs pauvres tandis que les hauts salaires continuent de progresser. Cette contradiction "mine la cohésion sociale et une relance durable", dit-elle. L’Alliance propose d’investir dans les emplois verts et sociaux. Il faudrait également défendre l’emploi en général et les droits sociaux.

"Les mesures actives du marché du travail sont le principal focus des recommandations visant à augmenter l’employabilité, souvent combinée avec des sanctions liées à la condition de presser les gens à accepter toute offre d’emploi, sans que ne soit pris en compte le manque de qualité des emplois disponibles ou sans qu’il n’y ait eu de travail avec les employeurs pour qu’ils ouvrent leurs portes aux groupes exclus", fait-elle par ailleurs remarquer.

Pour ce qui est du domaine de la promotion d’une éducation inclusive, l’Alliance recommande des réformes du système scolaire complètes, en veillant à garantir l’accès universel à une éducation de haute qualité, à prendre des mesures contre les ségrégations et à développer l’accès aux services de la petite enfance. Ce dernier point serait essentiel "pour réduire les inégalités dans réussite à l’école, pour le développement de l’enfant et pour faciliter l’accès au travail des parents".

Le cinquième domaine est la promotion de l’égalité des genres. La stratégie Europe 2020 ne propose pas d’objectif en la matière et cette dimension n’est pas assez prise en compte dans ses recommandations, déplore l’Alliance qui recommande la réduction des différences de salaires et de pensions, accompagnée de stratégie à long terme contre la ségrégation de genres dans l’éducation et le travail.

Pour ce qui est de l’investissement dans l’efficacité énergétique et la lutte contre le changement climatique, c’est principalement par la réforme de la politique fiscale et des aides d’Etat, qu’il y a lieu, selon l’Alliance, d’agir, mais aussi en investissant par exemple dans les unités de productions d’énergie décentralisées, et dans l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Enfin concernant le dernier point-clé, celui d’une gouvernance participative, il est recommandé de développer des lignes directrices européennes avec les Etats membres pour assurer le débat dans les parlements nationaux et "un dialogue sérieux et structuré" avec les partenaires concernés, dont les partenaires sociaux, civils et les personnes vivant dans la pauvreté et l’exclusion, à toutes les étapes du Semestre européen. L’Alliance considère aussi que les contributions des partenaires devraient, à l’image de ce qui est l’usage en France, être annexées aux Programmes nationaux de réformes (PNR).

Les recommandations pour le Luxembourg

Des sept domaines précités, la liste de recommandations au Luxembourg n’aborde pas ceux de "l’égalité entre les genres" et de "l’investissement dans l’efficacité énergétique et la lutte contre le changement climatique". Les recommandations reposent notamment sur les suggestions faites par la Caritas, l’EAPN et la FEANTSA.

En termes de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, il est recommandé de :

  • Renforcer le dispositif de salaire social minimum, de manière à mieux prendre en compte les prix du logement, d’orienter le niveau de revenu minimum sur le seuil de risque de pauvreté mais aussi d’établir des budgets de référence
  • Etendre le système national de protection sociale et de solidarité à tous les types de migrants, y inclus les réfugiés et demandeurs d’asile, aussi longtemps qu’ils sont sur le territoire national, et installer une fédération de bureau d’assistance régionaux et locaux.
  • Améliorer la réforme des pensions, entre autres par la sauvegarde des droits sur les petites pensions et en réduisant le montant de la pension maximale (7 250 euros)
  • Prendre une action forte en matière de logement social et logement à prix accessibles. Il est mentionné comme "mesure intermédiaire" minimale, l’introduction d’aides au logement pour les personnes qui ne peuvent pas se permettre de hauts prix du logement mais aussi un fort contrôle des loyers, tandis que l’agence immobilière sociale devrait être davantage promue.
  • Mettre en œuvre la "stratégie nationale contre le sans-abrisme et l’exclusion liée au logement" annoncée. Et, en droite ligne avec le paquet Investissement social, mettre l’accent sur la prévention et l’intervention précoce pour soutenir les voies de sortie du sans-abrisme et d’accès au logement abordable.

Pour ce qui est du développement d’emplois de qualité, l’Alliance recommande notamment la mise en place de la Garantie Jeunesse, avec une approche individualisée, et de mener la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale à travers les fonds structurels.

En termes d’éducation inclusive, elle recommande d’adopter et mettre en oeuvre une "stratégie d’éducation réelle et réaliste avec des ressources suffisantes pour s’attaquer aux faibles niveaux d’éducation du pays". De même, elle préconise de mener les actions nécessaires vers une éducation en bas âge et augmenter la qualité des services d'éducation et les services de la petite enfance.

Au chapitre de la mise en œuvre de politiques macroéconomiques sociales et durables, le Luxembourg se voit recommander de réformer son système fiscal pour le rendre "plus juste socialement et écologiquement". De même, il devrait taxer la pollution de l’environnement plutôt que la force de travail, et calculer les contributions sociales des travailleurs en fonction des profits des employeurs plutôt que des salaires des travailleurs.

Enfin, pour ce qui est de la gouvernance participative, il est suggéré de faire du Programme national de réforme un "programme stratégique intégré" et impliquer les parties prenantes dans la préparation, le contrôle et la gestion de ce programme. A cela s’ajoute la recommandation de "combiner les objectifs en termes d’emploi, de recherche, de climat/énergie et d’éducation avec celles de réduction de la pauvreté et évaluer pour chaque mesure sa contribution à l’objectif lié à la pauvreté et à l’exclusion sociale, et s’assurer que la somme des effets de toutes ces mesures atteint les objectifs", lit-on enfin.

Cette Alliance est coordonnée par le Réseau européen anti-pauvreté (EAPN) et constituée par : Age Platform Europe, Caritas Europe, CECODHAS Housing Europe, Eurochild, Eurodiaconia , l’ Association Européenne des Prestataires de services pour Personnes en situation de Handicap (EASPD), le Bureau européen de l’environnement (EEB), la Fédération européenne des banques alimentaires (FEBA), la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri (FEANTSA), La Fédération des syndicats européens du service public (EPSU), la Confédération européenne des syndicats (CES), le Lobby européen des femmes (LEF), Green Budget Europe, la Plateforme Internationale pour la Coopération sur les Migrants Sans-papiers (PICUM) et Social Platform.