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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Politique étrangère et de défense
Votation du 9 février 2014 contre "l’immigration massive" - A l’issue de discussions avec l’UE, la Suisse prend des mesures pour relancer les négociations suspendues sur sa participation à des programmes européens
30-04-2014


suisse-logoLe Conseil fédéral suisse, autrement dit le gouvernement suisse, "veut relancer les discussions et les négociations relatives à la participation de la Suisse aux programmes-cadres et à l'accès au marché,", lit-on dans un communiqué officiel publié le 30 avril 2014. Le Conseil fédéral y dit avoir approuvé " une déclaration prévoyant plusieurs mesures", parmi lesquelles "figure notamment une solution à la question de l'admission de contingents de ressortissants croates au marché suisse de l'emploi." En même temps, le Conseil fédéral a confirmé le versement de la contribution à l'élargissement en faveur de la Croatie et "indiqué que les droits acquis par les ressortissants des pays de l'UE ou de l'AELE, qui vivent ou travaillent déjà en Suisse, sont maintenus en vertu de l'art. 23 de l'accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), même en cas de dénonciation de l'ALCP. Les ressortissants suisses sont soumis aux mêmes conditions au sein de l'UE."

Le gouvernement suisse déclare que "la mise en œuvre des mesures prévues devrait relancer les négociations dans les différents dossiers concernant notamment la recherche, la formation, l'électricité et l'échange de quotas d'émission."

Cette déclaration a été annoncée par le quotidien "Le Temps" de Genève avec le titre "La Suisse donne des gages à l’UE et à la Croatie". Les mesures qu’elle propose sont en tout cas "le résultat des discussions menées par des représentants du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et du Département fédéral de justice et police (DFJP) avec l'UE et ses Etats membres, dont la Croatie."

Pour rappel

Le 9 février 2014, les Suisses s’étaient prononcés dans le cadre d’une votation à une courte majorité contre "l’immigration massive". Ce vote a obligé la Suisse à renégocier avec l’UE l’accord de libre circulation des personnes qui lie les deux parties.

Le 12 février, le Conseil fédéral suisse, autrement dit le gouvernement suisse, avait publié un communiqué dans lequel il fixait les étapes pour la mise en œuvre du "nouveau système d’immigration" qu’il était obligé d’élaborer suite à ce qu’il qualifiait de "oui du peuple et des cantons à un changement de système dans la politique d'immigration". Parallèlement, le Conseil fédéral disait qu’il allait "engager sans délai des discussions exploratoires avec l’UE, dans la perspective d’ouvrir des négociations au sujet de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), et aussi pour clarifier la procédure concernant les négociations bilatérales en cours", dont celui avec la Croatie.

Le 16 février 2014, l’Union européenne suspendait les négociations sur la participation suisse aux programmes européens de recherches "Horizon 2020", et d’échanges académiques "Erasmus +". Ce gel était la première conséquence directe de la votation suisse "contre l’immigration de masse" du 9 février et, plus concrètement, de la décision prise en conséquence par Berne de ne pas ouvrir son marché du travail aux Croates, comme le gouvernement suisse l’avait encore une fois confirmé le 15 février. "Vu les circonstances et l'absence de signal politique clair jusqu'à présent, les prochaines négociations ont été suspendues jusqu'à ce que la Suisse signe" avec la Croatie un accord ouvrant l'accès de son marché du travail aux Croates, avait notamment expliqué le 16 février Joe Hennon, un porte-parole de la Commission.

Avec ses décisions du 30 avril 2014, le Conseil fédéral dit vouloir poursuivre "sa stratégie de coordination et de développement, dans leur ensemble, des négociations actuelles et futures menées dans différents dossiers de politique européenne, en vue de parvenir au meilleur résultat possible pour la Suisse." Cette dernière expression exprime le dilemme du Conseil fédéral dans ses relations avec l’UE. Son explication officielle du problème se lit ainsi : "Les discussions et les négociations menées dans plusieurs dossiers ont été suspendues, étant donné que le Conseil fédéral n'était pas en mesure, après l'acceptation de l'initiative sur l’immigration de masse, de signer le protocole sur l'extension de la libre circulation à la Croatie dans sa version initiale. Le Conseil fédéral était depuis lors en quête de solutions visant à ne pas discriminer la Croatie."

La Suisse plus touchée qu’elle n’ose le dire par la suspension des négociations sur la participation suisse à "Horizon 2020" et "Erasmus +"

Le communiqué suisse fait transparaître l’espoir que "la reprise, le cas échéant, des discussions et des négociations permettra de trouver des solutions appropriées à la question de la participation de la Suisse aux programmes-cadres de l'UE dans les domaines de la recherche et de l'innovation, mais aussi de la formation générale et professionnelle, de la jeunesse et du sport, ainsi qu'en matière de soutien au cinéma (MEDIA)."

Il dit explicitement que "la formation, la recherche et l’innovation (FRI) sont des conditions essentielles pour le maintien de la capacité concurrentielle et de la stabilité de la Suisse; la collaboration internationale dans ces domaines est donc primordiale." D’Horizon 2020, le communiqué dit encore que "le programme-cadre pluriannuel de recherche constitue l'instrument-clé de l'UE pour encourager la recherche et l'innovation". Et de sa participation au programme MEDIA, le gouvernement suisse s’attend à ce que le cinéma helvétique "recevrait des subventions directes et tirerait profit de l'appartenance à un réseau international".

La Suisse prévoit "des contingents séparés pour la Croatie"

Après des discussions entre le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le Département fédéral de justice et police (DFJP) avec l'UE et ses Etats membres, dont la Croatie, la Suisse a donc décidé d’accorder "aux ressortissants croates des contingents séparés dans le cadre de l'admission de ressortissants d'Etats tiers au marché suisse de l'emploi."  Il s'agit de 50 autorisations de séjour à l’année et de 450 autorisations de séjour de courte durée. La Suisse reconnaîtra également "les diplômes professionnels croates qui relèvent du domaine de compétence de la Confédération". Il s’agit "de certains diplômes relevant des domaines de la santé, des soins, de la formation, de l'agriculture, du sport et de la construction." Cette mesure vaut jusqu’en février 2017.

La Suisse va verser sa contribution à l'élargissement

Le Conseil fédéral a également confirmé la contribution à l'élargissement de 45 millions de francs (36,9 millions d’euros), proposée en mars 2013, en faveur de la Croatie, et approuvé un mémorandum avec l'UE à cet effet. Il entend ainsi traiter la Croatie de la même manière que les ‘nouveaux’ Etats membres de l'UE, c'est-à-dire ceux qui y ont adhéré depuis 2004." La Suisse voit cette contribution comme "un geste de solidarité" mais "comme pour les précédents élargissements de l'UE, la décision revient en fin de compte au Parlement, qui doit accorder le crédit-cadre nécessaire."

Maintien des droits acquis en matière de libre circulation

Dans un autre communiqué, le Conseil fédéral indique que "les discussions menées avec des représentants de l'UE et leurs Etats membres dans l'optique de trouver une solution concernant l'ALCP sont par ailleurs poursuivies, conformément à l'approche globale adoptée par le Conseil fédéral et à sa décision du 12 février 2014."

Le communiqué  indique aussi que "jusqu'à nouvel avis, l'accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) reste en vigueur dans sa teneur actuelle. En outre, les ressortissants de l'UE et de l'AELE qui vivent ou travaillent déjà en Suisse pourront, dans le cadre de l'article 23 ALCP, continuer à se prévaloir de l'ALCP même si cet accord venait à être dénoncé. En effet, cet article prévoit expressément que les droits acquis ne peuvent pas être touchés. Il en va de même pour les Suisses qui vivent ou travaillent dans les pays de l'UE/AELE. La disposition prévoit également que les parties contractantes régleront d'un commun accord le sort des droits en cours d'acquisition."

Par ailleurs, la Suisse a levé "la clause de sauvegarde invoquée à l’égard des travailleurs en provenance de 25 pays de l’Union européenne", comme on peut le lire dans un troisième communiqué du 30 avril du Conseil fédéral. Les ressortissants des nouveaux Etats membres, sauf ceux de la Bulgarie et de la Roumanie, "bénéficient donc de nouveau de la libre circulation pleine et entière, pour autant qu'ils viennent en Suisse pour y prendre un emploi ou, s'agissant de non-actifs, qu'ils disposent de moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins."  Par contre, "en ce qui concerne la Roumanie et la Bulgarie, qui ont adhéré plus tard à l'UE, des délais transitoires continuent de s'appliquer." Le Conseil fédéral tranchera sur la question de les prolonger ou non jusqu'à la fin du mois de mai 2014.

Il faut savoir qu’en avril 2013, la Suisse avait étendu à tous les ressortissants de l'UE le contingentement des permis de travail. Ce dispositif était en effet déjà en place depuis 2012 pour les ressortissants de huit pays d'Europe centrale et orientale, soit l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque.

Une conférence de presse pour l’usage interne

Dans une conférence de presse donnée au cours de l’après-midi du 30 avril 2014, le président suisse, Didier Burkhalter, a exposé tous les efforts que son gouvernement avait dû déployer pour expliquer "la décision du peuple" à ses partenaires qui "ne comprennent pas la démocratie directe" et ce que représente le "mandat constitutionnel" issu de la votation qui n’entraîne pas de décision qui s’applique immédiatement. Mais il a aussi déclaré qu’il avait exposé l’importance des relations UE-Suisse pour les deux parties, de sorte que "les yeux s’ouvraient". De l’autre côté, le président suisse a admis qu’il y avait incompatibilité entre le principe de contingents et celui de la libre circulation des personnes, alors que c’est le premier qui règle de manière transitoire la question des ressortissants croates. Mais devant son public national, il surtout insisté sur le fait que la Suisse n’avait pas signé le protocole ouvrant l'accès de son marché du travail aux Croates. Par ailleurs, l’échéancier interne sur la mise en œuvre du mandat de la votation est maintenu

Pour Didier Burkhalter, il s’agissait de "relancer le moteur pour avoir le meilleur résultat possible". L’accès au marché, surtout à celui de l’électricité, est pour lui "le cœur même" des relations avec l’UE, avec un accord qui a été pratiquement complètement négocié, tout comme la participation à des programmes-cadre de l’UE. Pour ce "redémarrage qui n’est pas à grande vitesse mais très prudent", il a fallu l’accord des 28 Etats membres de l’UE, a insisté Didier Burkhalter, ce qui a retardé l’annonce de l’accord de deux semaines. Maintenant, la Suisse devra  "discuter d’un rôle qui ne sera certainement plus aussi bon qu’avant, mais qui sera un rôle quand même".

Confusion à Bruxelles

Alors que la Suisse publiait sa série de mesures, les représentants permanents des Etats membres de l'UE ont "adopté le mandat de négociations relatif à un accord institutionnel" entre la Suisse et l'UE, selon une source de la Commission européenne. De l'autre côté, Maja Kocijancic, porte-parole de la chef de diplomatie européenne Catherine Ashton, a estimé selon l'AFP que la solution présentée par la Suisse ne permet pas une reprise des négociations sur sa pleine participation aux programmes de recherche Horizon 2020 et Erasmus.