Dans sa formation "Développement", le Conseil Affaires étrangères a réuni les ministres de la Coopération et du Développement de l’Union européenne à Bruxelles, le 19 mai 2014, afin d’examiner, entre autres, le programme pour l'après-2015, le nouveau cadre général pour l'action de la communauté internationale dans le domaine du développement au cours de la période qui suit l'année d'expiration des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
Ce nouveau cadre "est une des priorités en matière de développement au cours des deux prochaines années et notamment aussi sous la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, au deuxième semestre 2015", précise le Ministère luxembourgeois de la Coopération dans un communiqué diffusé à l’issue du Conseil.
Les ministres ont fait le point sur les travaux en cours dans les différentes instances à New York et se sont interrogés sur la meilleure manière de faire progresser les priorités de l’UE, comme l’éradication de la pauvreté, mais aussi les droits de l’homme, la gouvernance et la paix et la sécurité, et sur le meilleur moment d’aborder la question du financement de ce nouveau cadre de développement durable. Sur ce point, le ministre luxembourgeois de la Coopération et de l’Action humanitaire, Romain Schneider, a dans son intervention "demandé à la Commission européenne de faire prochainement de nouvelles propositions pour fournir ce cadre, tout en gardant une certaine flexibilité dans les questions de détail pour la négociation intergouvernementale à venir", relate le communiqué du Ministère luxembourgeois.
En juin 2013, le Conseil avait adopté la position de l'UE en la matière, dans les conclusions relatives au programme général pour l'après-2015. Le Conseil y soulignait que l'éradication de la pauvreté et la promotion du développement durable se renforcent mutuellement et qu'elles devraient être intégrées dans un cadre général unique pour l'après-2015. Ce cadre devrait s'articuler autour d'un ensemble unique d'objectifs généraux. Il devrait contribuer au développement durable afin d'éradiquer la pauvreté, notamment en mettant fin à l'extrême pauvreté en une seule génération, et d'assurer une prospérité et un bien-être durables à tous les êtres humains dans les limites des ressources de la planète. Le cadre devrait aussi prendre en compte la gouvernance démocratique, les droits de l'homme, ainsi que la paix et la sécurité.
Des informations actualisées ont été présentées par Andris Piebalgs, le commissaire en charge du développement, concernant les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’agenda pour le changement, en particulier le processus de programmation de l’aide pour la période du prochain cadre financier 2014-2020, et l’évaluation des résultats ainsi que l’avancement de la programmation conjointe de l’aide au développement.
Pour mémoire, le Conseil avait exposé le programme pour le changement dans des conclusions adoptées en mai 2012. L'objectif est de renforcer l'incidence de l'aide au développement fournie par l'UE, qui devrait reposer sur deux grands piliers: d'une part, les droits de l'homme, la démocratie et la bonne gouvernance et, d'autre part, une croissance durable et inclusive en vue du développement humain. La coopération bilatérale de l'UE devrait se concentrer sur trois secteurs au maximum par pays partenaire. Les ressources doivent aller prioritairement aux pays qui en ont le plus besoin. Le programme pour le changement a ainsi pour effet de réorienter le processus vers les pays les plus pauvres; par conséquent, la coopération avec d'autres partenaires a été ajustée en fonction de certains critères, à savoir les besoins, l'engagement, les résultats, les capacités et l'impact potentiel de l'aide de l'UE.
Le commissaire Piebalgs a par ailleurs présenté aux ministres une nouvelle communication sur le rôle que le secteur privé peut jouer afin d’obtenir une croissance inclusive et durable dans les pays en développement, qui a été adoptée le 13 mai. La Commission y propose un cadre stratégique pour le renforcement du rôle du secteur privé en vue de parvenir à une croissance inclusive et durable dans lequel elle suggère douze actions de coopération avec le secteur privé dans des pays en développement censées tirer parti de la contribution potentielle du secteur privé à une croissance inclusive et durable.
Il s'agit notamment de créer un environnement des affaires favorable, d'apporter un soutien aux micro- et petites entreprises, d'améliorer l'accès au financement et de faire participer le secteur privé à des projets dans les domaines de l'énergie, de l'agriculture et des infrastructures. Il est proposé en outre de promouvoir des pratiques commerciales responsables selon des directives de responsabilité sociale des entreprises qui seraient reconnues au niveau international. "Le secteur privé fournit environ 90 pour cent des emplois dans les pays en développement, ce qui en fait un partenaire essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Il est également nécessaire en tant qu'investisseur dans la production agricole durable, si nous voulons relever le défi de nourrir 9 milliards de personnes d'ici 2050", détaille la Commission.
L’examen de cette proposition sera "l’une des priorités de la future présidence italienne qui en fera un des sujets de discussions lors de la rencontre informelle des ministres à la mi-juillet", précise le Ministère luxembourgeois.
Le Conseil a par ailleurs adopté des conclusions sur une "approche de la coopération au développement fondée sur les droits", qui intègre l'ensemble des droits de l'Homme. Cette approche fondée sur les droits "vise à promouvoir l'ensemble des droits de l'Homme, tant civils que politiques, notamment en s'appuyant sur la coopération au développement; les droits de l'homme sont ainsi à la fois un moyen et un objectif d'une coopération au développement efficace", précisent les conclusions du Conseil. L'application de ces droits doit ainsi devenir "partie intégrante du processus de détermination, de conception, de mise en œuvre, de suivi et d'évaluation de toutes les politiques et tous les projets dans le domaine du développement".
Le Conseil a en outre tenu à souligner que "les investissements et les activités du secteur privé dans des pays partenaires doivent s'effectuer dans le respect des droits de l'homme et de l'adhésion aux principes de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises", lit-on dans ses conclusions. Dans ses conclusions, le Conseil note que la mise en œuvre d'une telle approche de la coopération au développement devrait reposer sur l'universalité et l'indivisibilité des droits humains, ainsi que sur les principes d'inclusion et de participation aux processus décisionnels, de non-discrimination, d'égalité et d'équité, de transparence et d'obligation de rendre des comptes. Il note aussi que l'application de ces principes devrait être au cœur de la politique de développement pour donner aux plus pauvres et aux plus vulnérables - en particulier les femmes et les enfants - la possibilité de prendre en main leur destin.
Les ministres ont salué, à cet égard, l'utilité de la "boîte à outils" que vient de leur présenter la Commission européenne pour aider à intégrer les principes des droits de l'homme dans les activités opérationnelles de l'UE en faveur du développement. Une évaluation de sa mise en œuvre dans ce domaine, et de l'intégration de l'approche fondée sur les droits dans la coopération au développement de l'UE sera effectuée en 2016.
Le Conseil a approuvé son rapport annuel destiné au Conseil européen sur les objectifs d'aide publique au développement (APD) de l'UE. En 2013, l'UE est restée le plus grand donateur mondial en matière d'aide au développement. Mais si l’aide publique au développement de l'UE a augmenté pour atteindre 56,5 milliards d’euros contre 55,3 milliards en 2012, son niveau reste à 0,43 % du RNB de l'UE, loin de l’engagement collectif d’y consacrer 0,7 % du RNB de l’UE.
"Il faut se féliciter qu’en 2013 l’APD de l’UE ait augmenté, mais aussi regretter que seulement 4 États membres, dont le Luxembourg, aient atteint ou dépassés la barre des 0,7 % RNB", a notamment souligné Romain Schneider, selon le communiqué diffusé par son Ministère.
"Les estimations propres des Etats membres et celles la Commission montrent que, sans de nouveaux efforts considérables de la plupart des États membres en vue de respecter leurs engagements individuels, l'APD collective de l'UE n'augmenterait que de 0,45% du RNB d'ici 2015. Pour atteindre l'objectif collectif de l'UE de 0,7% du RNB d'ici 2015, l'UE et ses États membres devraient mobiliser un montant supplémentaire d'environ 41,3 milliards d’euros", lit-on dans les conclusions du Conseil. "Les Etats membres qui n'ont pas atteint leurs objectifs d'APD ont été invités à respecter leurs engagements et à partager les informations sur leurs dépenses prévues en la matière".
Les ministres ont par ailleurs confirmé que l'UE va rétablir une pleine coopération au développement avec Madagascar, après le rétablissement de l'ordre constitutionnel dans le pays au lendemain des élections présidentielle et législatives qui se sont tenues en 2013 et sont considérées comme "une étape importante dans le retour à l'ordre constitutionnel et un point de départ pour la consolidation de la démocratie, de l'État de droit, de la bonne gouvernance et de la stabilisation politique", lit-on dans les conclusions du Conseil. Les ministres y précisent encore que les élections ont été surveillées par une mission d'observation électorale de l'UE et "jugées crédibles".
Le Conseil a ainsi décidé d'abroger sa décision en vertu de l'article 96 des accords de Cotonou sur Madagascar, qui était en vigueur depuis 2010. Pour mémoire, la coopération au développement de l'UE avec Madagascar avait été officiellement suspendue en juin 2010, lorsque le Conseil a institué des mesures appropriées à la suite du transfert forcé de pouvoir à Madagascar le 17 mars 2009, que l'UE considérait comme une violation flagrante de la démocratie et de la primauté du droit. L'aide humanitaire et le soutien direct à la population n’avaient cependant pas été touchés par le gel de la coopération.
La France a finalement informé les États membres de la tenue du sommet à Paris le 17 mai sur le Nigeria et les mesures retenues visant à renforcer la coopération pour répondre à l’enlèvement de plus de 250 jeunes filles dans le nord-est du Nigeria.