A l’occasion des réunions de l’Eurogroupe et du Conseil Ecofin, les ministres des Finances de la zone euro et de l’Union européenne se sont retrouvés à Bruxelles, les 5 et 6 mai 2014. A l’ordre du jour figuraient notamment la décision du gouvernement portugais de quitter son programme d’assistance financière en se passant d'une ligne de crédit préventive, l’analyse des progrès dans le programme grec, les lignes directrices de l'instrument de recapitalisation directe du MES ou encore l’analyse des projets de plans budgétaires actualisés du Luxembourg, de l'Allemagne et de l’Autriche, ainsi que les derniers développements en matière de coopération renforcée voulue par 11 Etats membres relative à la taxe sur les transactions financières (TTF).
Lors de la réunion de l’Eurogroupe, la Commission européenne a présenté ses prévisions économiques de printemps pour 2014, selon lesquelles la reprise économique graduelle se confirme. La Commission prévoit une croissance de 1,2 % du PIB en 2014 et de 1,7 % en 2015 dans la zone euro et de 1,6 % en 2014 et de 2 % en 2015 dans l’UE dans son ensemble.
Le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, a constaté "avec satisfaction que la Commission a révisé ses prévisions à la hausse pour le Luxembourg, estimant le taux de croissance à 2,6 % en 2014 et à 2,7 % en 2015", souligne un communiqué de presse du Ministère des Finances. Celui-ci relève que la Commission estime que le secteur financier luxembourgeois semble s’adapter plus rapidement que prévu au nouvel environnement réglementaire, mais qu’il "conviendrait cependant de rester vigilant et de suivre de près les développements dans le secteur financier, qui, eu égard à son importance relative, conditionnerait dans une large mesure les perspectives de l’économie luxembourgeoise".
La Commission européenne et la plupart des Etats membres ont souligné que le cycle de croissance qui s’annonce pour l’Europe doit être saisi comme une opportunité continue pour rééquilibrer les finances publiques et pour opérer des réformes et des ajustements structurels nécessaires ainsi que cela est prévu dans le pacte de stabilité et de croissance (TCSG), note encore le Ministère.
Les réunions ministérielles des 5 et 6 mai ont aussi été l’occasion d’examiner les projets de plans budgétaires de l'Allemagne et de l’Autriche, qui, comme le Luxembourg, étaient en train de former un nouveau gouvernement lors du précédent examen en novembre 2013.
Dans le cadre de cette analyse, l'Allemagne et le Luxembourg ont été jugés "pleinement conformes avec les règles du pacte de croissance et de stabilité (PSC)", comme le relate un communiqué diffusé à l’issue de l’Eurogroupe. "La Commission européenne estime par ailleurs que le Luxembourg est conforme aux exigences de la procédure de déséquilibres macro-économiques. Une surveillance rapprochée au titre de cette procédure ne s’avère donc pas nécessaire", s’est félicité le ministre des Finances Pierre Gramegna par voie de communiqué.
En revanche, en ce qui concerne l’Autriche, si les ministres de la zone euro ont salué que les prévisions de printemps de la Commission indiquent "qu'une correction durable des déficits excessifs de l'Autriche a été atteinte", dans le même temps, ils ont indiqué partager "les préoccupations de la Commission sur le fait que le projet de plan budgétaire autrichien pour 2014 prévoit un écart significatif de la trajectoire d'ajustement, ce qui constituerait un risque de non-conformité avec les règles du PSC", relève le communiqué de l’Eurogroupe.
Les ministres se sont dès lors félicités de "l’engagement ferme du gouvernement autrichien à prendre des mesures supplémentaires le cas échéant pour réduire ce risque".
Lors de la réunion de l’Eurogroupe, son président, le ministre néerlandais des Finances, Jeroen Dijsselbloem, a par ailleurs mis sur la table une proposition relative à la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité (MES). "J’ai déposé une proposition finale qui a été largement soutenu et qui permet aux ministres de demander le cas échéant un mandat parlementaire en vue d'une décision politique que nous pouvons prendre avant notre prochaine réunion ordinaire le 19 juin 2014", a-t-il précisé lors de la conférence de presse à l’issue de l’Eurogroupe. Le ministre luxembourgeois des Finances confirme cet "accueil favorable sous réserve d’un aval politique dans les prochaines semaines".
"Ma proposition de recapitalisation directe prévoit en 2015 un 'bail-in' de 8% du passif total et l'usage de fonds de résolution nationaux, jusqu'à concurrence des niveaux visés en 2015", a encore expliqué le président de l’Eurogroupe. Cette proposition serait valable pour 2015 uniquement, la nouvelle directive européenne de résolution et de rétablissement bancaire (BRRD) devant prendre effet dès 2016, tout comme le Mécanisme de résolution unique (MRU).
Dans le domaine de la fiscalité, les ministres ont eu un bref échange de vues sur la proposition de directive révisée relative aux "sociétés mères-filiales", qui vise à "combler une lacune qui a permis à des sociétés d'exploiter l’incompatibilité entre les règles fiscales nationales afin d'éviter de payer des impôts sur certains types de bénéfices distribués au sein du groupe", précisent les conclusions du Conseil.
Pour mémoire, l’objet de la directive "mères-filiales" initiale était de veiller à ce que les groupes transfrontières ne soient pas désavantagés, par rapport aux groupes nationaux, en raison de la double imposition de leurs bénéfices. Par conséquent, des dispositions avaient été prévues pour exiger que les États membres exonèrent d'impôt les bénéfices reçus par des sociétés mères de la part de filiales situées dans d'autres États membres.
Toutefois, cela s'applique actuellement même si la distribution des bénéfices est considérée comme une dépense fiscalement déductible dans l'État membre où est établie la filiale qui effectue le paiement. Certains États membres considèrent les paiements effectués dans le cadre de dispositifs de prêts hybrides comme des remboursements d'"emprunts" fiscalement déductibles. Cette lacune a permis à certaines sociétés d'exploiter les asymétries entre les différents systèmes fiscaux nationaux afin d'échapper à l'impôt dans quelque État membre que ce soit (double non-imposition), détaille encore la note d’information du Conseil.
La proposition d’élimination de la double non-imposition en cas de prêts hybrides consiste ainsi à préciser que si les bénéfices distribués par la filiale se trouvant dans un État membre à sa maison mère se trouvant dans un autre État membre sont fiscalement déductibles dans l'État membre de la filiale, ils doivent être taxés par le pays dans lequel la maison mère est établie, dans la mesure où ces bénéfices découlent de dispositifs financiers présentant des caractéristiques qui relèvent à la fois des emprunts et des fonds propres. Grâce à cette mesure, les sociétés transfrontières ne pourront plus planifier leurs paiements intragroupes en vue de bénéficier de la double non-imposition.
À la lumière des commentaires des ministres, le Conseil a invité les experts nationaux à examiner le dossier plus en avant et à clarifier le texte comme nécessaire. L'intention de la présidence est de demander l'adoption de la directive modificative à la réunion du Conseil le 20 juin. De son côté, le ministre des Finances luxembourgeois a indiqué que le Luxembourg "pouvait souscrire" à la proposition de la présidence qui "consiste à éviter que la directive mère/filiale soit utilisée pour aboutir à une double non-imposition des produits hybrides", note le communiqué du ministère luxembourgeois.
L’annonce du Portugal de mettre un terme, à la mi-mai, au plan de sauvetage financier triennal sans demander une aide préventive du Mécanisme européen de stabilité (MES) a été saluée par Jeroen Dijsselbloem, qui a estimé que le Portugal avait "pris la bonne décision". "Le Portugal a travaillé dur et en sort renforcé", a-t-il affirmé à son arrivée à la réunion de l'Eurogroupe. Même s'il a "encore du travail à faire", le pays dispose d'"un énorme potentiel".
Selon lui, les efforts douloureux fournis permettent au pays de ressortir "plus fort" de cette épreuve au cours de laquelle la richesse portugaise aura chuté de 6 % entre 2010 et 2013. En témoignent les prévisions économiques de la Commission européenne qui tablent sur un retour de la croissance: + 1,2 % du PIB en 2014 et + 1,5 % en 2015. Le ministre néerlandais a néanmoins appelé le gouvernement portugais à maintenir l'élan des efforts structurels conformément à la stratégie budgétaire à moyen terme qu'il a présentée fin avril, lit-on dans le communiqué diffusé par l'Eurogroupe consacré au Portugal.
"Personnellement, je suis très favorable à la décision du gouvernement portugais", a déclaré Siim Kallas. Le vice-président de la Commission européenne a souligné la capacité du Portugal à réduire de moitié son déficit public (9,8 % du PIB en 2010 contre 4,9 % en 2013) et à restaurer une balance positive des comptes courants en trois ans. Il a néanmoins reconnu que la faiblesse de la demande intérieure constituait "une inquiétude" alors que la Commission avait préalablement fait part de sa préférence pour une aide préventive du MES au Portugal.
Pour ce qui concerne la Grèce, "les Etats de la zone euro réaffirment leur engagement à fournir le soutien adéquat à la Grèce jusqu'à ce qu'elle ait à nouveau pleinement accès aux marchés, à condition qu'elle respecte entièrement les exigences et les objectifs de son programme d'ajustement", a indiqué l'Eurogroupe dans un communiqué.
"Nous avons reconnu que la Grèce avait atteint un excédent primaire selon la définition adoptée dans le programme. Les mérites relatifs de possibles mesures concernant la soutenabilité de la dette, comme évoqué lors de l'Eurogroupe du 27 novembre 2012, seront étudiés dans le contexte de la prochaine revue" de la troïka des créanciers (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), ajoute le texte.
Athènes ne cesse d'espérer une nouvelle restructuration de sa dette en évoquant la décision de novembre 2012, quand l'UE s'était engagée à aborder l'allègement de la dette du pays si ce dernier arrivait à dégager un excédent primaire en 2013. Or, Athènes a dégagé en 2013 un excédent primaire correspondant à 0,8 % du PIB, ce qui "ouvre la voie à la discussion sur l'allègement de la dette", a rappelé la semaine dernière le ministre grec des Finances, Yannis Stournaras, rapporte l’AFP.
Pour mémoire, Athènes a reçu le 28 avril 2014 la plus grande partie d'une tranche d'aide de 8,3 milliards d'euros du Fonds de soutien de la zone euro, le FESF, soit 6,3 milliards d'euros. Ce versement devrait être complété par un milliard en juin et un autre en juillet. De son côté, le FMI devrait décider en juin du versement de 3,6 milliards d'euros, lié au respect par la Grèce de ses engagements.
Les ministres ont en outre été informés sur les derniers développements en matière de coopération renforcée relative à la taxe sur les transactions financières (TTF). Les 11 Etats participants ont présenté leurs vues sur les développements de ce dossier.
En marge du Conseil Ecofin, le 6 mai, le ministre des Finances autrichien, Michael Spindelegger, a confirmé qu’une TTF verra le jour en Europe au 1er janvier 2016 au plus tard et concernera, dans un premier temps, les actions et quelques produits dérivés.
Une semaine après le rejet par la Cour de Justice de l'UE du recours introduit par le Royaume-Uni contre la décision autorisant onze Etats membres à établir une coopération renforcée en vue d’introduire cette TTF, le ministre autrichien a indiqué qu'un consensus avait été trouvé sur ce point entre les pays participant à cette coopération renforcée, dont font partie l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne, mais pas le Royaume-Uni où se trouve la principale place financière en Europe.
"Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que cela devait être une approche par étapes, en commençant par les actions et certains dérivés", a expliqué son homologue allemand, Wolfgang Schäuble. "D'ici la fin de cette année devra avoir été élaborée une nouvelle directive qui permettra de rendre applicable ce nouveau dispositif au 1er janvier 2016", a encore précisé le ministre français Michel Sapin.
Michael Spindelegger a assuré que la mise en place de cette taxe devrait "prendre en compte les préoccupations" des pays non participants, mais son annonce s'est heurtée à l'opposition de deux des principaux opposants au projet, le Britannique George Osborne et le Suédois Anders Borg. A l’instar de certains de ses collègues non participants, Pierre Gramegna a également déploré "que les propositions sommaires proposées par les 11 pays ayant décidé d’introduire une TTF aient été élaborées sans la nécessaire transparence avec les pays non-participants, ainsi que le prévoit le traité". Il a conclu en soulignant qu’il incombait à la Commission et aux 11 États membres, de faire la démonstration que la TTF n’aurait pas d’impact extraterritorial sur les pays qui veulent rester en dehors de cette initiative qui sera négative pour la croissance et aura un impact sur les marchés financiers de l’Europe.
Pierre Gramegna est également intervenu en soulignant qu’il convient de limiter, voire d’éviter, des retombées négatives de la TTF sur les coûts de financement de la Banque européenne d’investissement.