Le 27 mai 2014, le STATEC a présenté sa première note de conjoncture de l’année 2014. Il y souligne l’accentuation de la reprise économique entamée en 2013, année à l’issue de laquelle le PIB du Luxembourg a affiché une hausse de 2,1 %. L’exercice en cours devrait s’achever avec une hausse du PIB de 2,9 %, en raison d’une accélération de la croissance au second semestre, comme l’indique l’indice PMI. "La reprise annoncée s’est muée en reprise confirmée", affirme le communiqué de presse diffusé par le STATEC.
Cette dynamique de croissance devrait se renforcer durant les années suivantes pour atteindre 3,5 % - 4 % à moyen terme, soit un taux supérieur à la croissance dite potentielle que le STATEC établit désormais à 2 %. Ce qui fait dire à l’économiste du STATEC, Ferdy Adam, que le Luxembourg se situe dans une "configuration de haut de cycle".
Pour la zone euro, la croissance devrait s’élever à 1 % en 2014, puis entre 1,5 % à 2 % en 2015, et enfin, comme le projette l’OCDE, à 1,7 % pour la période 2016-18. Ce bon résultat est notamment dû au fait que les politiques conjoncturelles pèsent désormais moins fortement sur les performances économiques. En 2014, la politique conjoncturelle devrait occasionner une impulsion budgétaire de -0,2 % du PIB dans la zone euro contre encore -0,8 % en 2013 et -1,4 % en 2012, signale le STATEC. En 2015, cette impulsion devrait même être légèrement positive.
Pour que la reprise soit durable, il faudra néanmoins que des pays encore en crise en sortent et que la consommation des ménages et surtout l’investissement reprennent, souligne le Statec. "L’Union économique et monétaire qu’on a construit avec enthousiasme avait des erreurs de naissance", dit Serge Allegrezza mais la création de mécanismes de stabilité et de l’Union bancaire notamment autoriserait l’optimisme.
L’Allemagne reste le moteur de la zone euro tandis qu’Italie et France ne verraient toujours pas venir d’amélioration nette. La zone euro pourrait toutefois recevoir le soutien plus important d’économies avancées comme le Royaume-Uni et les USA, note l'économiste du STATEC Bastien Larue.
La croissance de 2014 serait due aux branches marchandes hors secteur financier, notamment l’industrie, la construction et les services aux entreprises, ainsi qu’au secteur non-marchand. "Il y a un bel effet de rattrapage dans la production industrielle", même s’il existe "encore de nombreuses capacités de production inutilisées", a notamment commenté Bastien Larue. La production industrielle est ainsi revenue à son niveau du début de l’année 2011.
Ce redressement économique national tire vers le bas le ratio dépenses publiques / PIB, tandis que certaines mesures prises par le passé commencent à exercer des effets de freinage du déficit. Le STATEC constate ainsi le ralentissement des dépenses publiques, tel que prévu au PSC. Ces dernières passeront de 43,5 % du PIB en 2013 à 41,5 % en 2018.
Le solde des finances publiques devrait atteindre + 0,2 % du PIB en 2014 avant de repasser dans le négatif en 2015 en raison de la perte de recettes de TVA sur le commerce électronique en 2015.
L’amélioration de la situation économique nationale s’opère ainsi en 2014 malgré "un renforcement modeste" de la consommation des ménages. Or, "on n’attend pas du tout de miracle à ce sujet", prévient l’économiste, tandis que Serge Allegrezza signale tout de même que "la modération salariale devrait s’achever en raison de la hausse de la productivité". A une consommation qui stagne s’ajoute un "investissement peu dynamique", hormis dans l’aéronautique et les satellites. Il faudra donc que la consommation se renforce et que l’investissement reparte pour que la croissance économique soit vraiment acquise.
Le taux de chômage ne devrait être positivement affecté par cette évolution économique qu’à partir de 2016. "Le STATEC part de l’hypothèse que la croissance de la population va ralentir, alors que suite à la situation dégradée dans les pays en crise, des afflux de main-d’œuvre étrangère accrus ont été enregistrés sur les quelque 5 dernières années", dit-il dans son communiqué. La croissance de la population devrait se stabiliser entre 2 et 2,5 % et en 2018, le chômage devrait atteindre 6,5 % contre 7,3 % en 2014.
La situation est touefois marquée par une croissance de l’emploi de 2 % en 2014, "remarquable" dans l’UE. "Le rôle des frontaliers a assez fortement reculé", note par ailleurs Serge Allegrezza. Dans sa note, le STATEC observe aussi l’augmentation à un rythme soutenu de l’emploi à temps partiel en 2013 (+ 5,9 %). Il constitue désormais 19,1 % des emplois en 2013 contre 16,1 % des emplois un an plus tôt, tandis que la moyenne dans la zone euro s’élève à 22,1 %.
Dans le secteur financier, "la contraction des bilans bancaires se poursuit dans un contexte de restructuration lié à l’évolution de l’environnement budgétaire", dit le STATEC. Le Luxembourg s’inscrit en cela dans la tendance générale à la baisse observée dans la zone euro, ou encore en Belgique et Irlande. L’emploi ne baisserait toutefois pas dans le secteur financier, malgré les restructurations en cours.
A partir de 2015, les activités financières progresseraient davantage, de l’ordre de 3,5 % par an, soit bien en-dessous des 7 % de moyenne avant crise. Le STATEC souligne par ailleurs qu’il n’a pour l’instant pas inclus "d’effet négatif additionnel" dû à l’introduction de l’échange automatique d’informations. Il a étudié l’évolution des dépôts des ménages depuis l’annonce en avril 2013 du passage à l’échange automatique d’informations. Or, il observe que la baisse des dépôts des non-résidents, ressortissants des quatre pays voisins (Allemagne, Pays-Bas, Belgique et France), de l’ordre d’un peu plus de deux milliards d’euros, a été en grande partie compensée par la hausse des dépôts par les résidents du Luxembourg. Interrogés par un journaliste à ce sujet, les économistes du STATEC ont souligné que les produits financiers n’étaient pas pris en compte dans ces chiffres, et qu’il s’agissait d’indications dont il faudra par la suite surveiller la validité. Néanmoins, selon eux, cette tendance qu’ils n’avaient pas anticipée pourrait être le fait de déposants non-résidents qui ont pris une adresse au Luxembourg ou de déposants luxembourgeois qui ramènent au Grand-Duché les dépôts dont ils disposaient en Suisse, pays qui va lui aussi s’ouvrir à l’EAI.
Dans sa note, le STATEC constate une certaine déconnexion entre "l’évolution très heurtée" du coût salarial moyen et la performance en termes de valeur ajoutée brute des activités financières depuis 2012. L’évolution du coût salarial moyen est fortement influencée par les hausses de coûts du personnel en raison des plans sociaux signés dans le secteur. Les plans sociaux seraient responsables d’un tiers de la hausse des salaires dans le secteur financier. Serge Allegrezza qualifie ce fait d’"effet pervers".
Au final, en 2013, les plans sociaux sont responsables d’une hausse de 2,2 % des coûts salariaux dans ce secteur et d’une hausse de 0,4 % des coûts salariaux sur l’économie totale. Et encore, faute de données plus vastes, seuls ont été pris en compte les plans sociaux, et donc pas les licenciements individuels, et seuls les plans sociaux qui ont été mis œuvre dans les banques, et donc pas dans les autres institutions du secteur financier. A l’inverse, en 2014, il pourrait y avoir un contrecoup en raison de coûts liés aux plans sociaux devenus moins élevés que l’année précédente, qui pourrait représenter une baisse de 0,6 % sur l’ensemble des coûts salariaux.
La TVA sur l’e-commerce représente 30 % des recettes totales de TVA et 5 % des recettes publiques totales disparues en 2013-14 avec les changements de régime de la TVA sur le commerce électronique, à partir du 1er janvier 2015. L’impact est dépendant du comportement des consommateurs et des entreprises présentes. Le STATEC part de l’hypothèse que la plupart des sociétés resteront immatriculés au Luxembourg mais signale « une incertitude élevée » à ce sujet. Malgré cela, de 1,05 milliard en 2014, ces recettes devraient chuter à moins de 200 millions d’euros en 2018.
Si les finances publiques devaient afficher un solde légèrement positif en 2014, elles seront fortement impactées à la baisse l’année suivante suite à la disparition de ces recettes. L’effet prévu est évalué à 800 millions d’euros, soit 1,6 points de PIB en 2015, et à 1,3 milliard d’euros en 2018, par rapport à la situation qu’il y aurait eu à régime inchangé. Pour l’année 2015, au lieu de progresser de 0,8 % à régime inchangé, le solde budgétaire devrait s’orienter à la baisse de 0,7 %. Il remontera par la suite à la faveur de la hausse de la TVA et être positif (+ 0,7 %) en 2018.
Concernant la hausse de TVA de deux points, sauf sur les taux super réduits, le STATEC fait remarquer que 45 % du panier de l’Indice des prix à la consommation n’est pas concerné, soit parce que des biens et services ne sont pas soumis à la TVA, comme les loyers et prix administrés, soit parce qu’ils sont soumis au taux super réduit de 3 %. Ainsi, l’impact de la hausse de la TVA sur l’inflation sera de 0,8 point, en intégrant le renoncement par les entreprises à une partie de la marge pour compenser cette hausse.
L’impact sur les finances publiques est un regain de recettes de 380 millions d’euros et une hausse des dépenses publiques de 40 millions soit un solde public qui bénéfice à hauteur de 340 millions d’euros, soit 0,7 % du PIB, de cette hausse.
Les prix à la consommation affichent depuis le début de l’année "une tendance déflationniste assez lourde", après celle déjà marquée en 2013, année durant laquelle la hausse des prix administrés et de produits frais notamment a caché cette tendance sous-jacente.
L’inflation devrait atteindre 1 % en 2014, ce qui a ouvert une porte pour une hausse de la TVA prévue par le gouvernement. L’inflation devrait ainsi atteindre 2,2 % en 2015, en raison de cette hausse. La TVA est en ce moment portée majoritairement par entreprises car le système d’indexation fonctionnera pour préserver les dépenses de la consommation. Une première tranche d’indexation devrait ainsi survenir au début de l’année 2015, selon le STATEC.
Serge Allegrezza a fait remarquer qu’à terme les règles européennes, introduite par le Pacte budgétaire, demandent un solde structurel budgétaire positif de 0,5 % du PIB, afin de garantir le financement des dépenses sociales notamment. Or, les mesures qui permettront de remplir cet objectif sont encore imprécises.
Cette nouvelle gouvernance budgétaire implique la création d’un nouvel organe économique au Luxembourg, à savoir un Conseil supérieur des finances publiques chargé d’examiner la validité du scénario macro-économique utilisée dans le gouvernance économique nationale. Pour l’heure, il existe déjà un comité de prévision sans existence légale. Serge Allegrezza a profité de la présentation de la note de conjoncture pour souligner la nécessité de mettre sur pied cette nouvelle entité et de lui donner les moyens d’étudier une question complexe et nécessitant la création de nouvelles données macro-économiques.
Enfin, parallèlement à la publication de sa note de conjoncture, le STATEC a également publié un numéro de sa série "Regards" consacré à l’intégration de nouvelles normes mondiales dans le calcul du PIB.