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Statistiques - Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Dans sa note de conjoncture 1-2013, le STATEC décrit un contexte européen récessif qui persiste en 2013 et qui a conduit à la stagnation de l’économie et des salaires au Luxembourg
21-05-2013


STATEC"Nous sommes en récession, et cela risque de durer." C’est par ces mots que Serge Allegrezza, le directeur du STATEC, a introduit la présentation de la note de conjoncture 1-2013 de son office, et il a ajouté : "Les programmes d’ajustement et les politiques d’austérité n’ont pas apporté tous les effets visés." La récession qu’ils ont soit renforcée soit induite a creusé les déficits budgétaires et contribué à la hausse des dettes publiques, pense le directeur du STATEC, qui n’a pas manqué de souligner que "malgré leur langue de bois", les grandes organisations internationales qui opèrent dans le domaine économique comme l’OCDE et le FMI commencent à changer de direction. Et de citer le président de la Commission européenne à cet égard, qui a déclaré le 22 avril 2013 : "Même si les politiques de correction des déficits sont fondamentalement justes, nous pouvons toujours discuter d’un réglage plus fin de leur rythme."

Serge Allegrezza, directeur du STATEC, lors de la présentation de la note de conjoncture 1-2013, le 21 mai 2013Quant au Luxembourg, Serge Allegrezza a évoqué cinq années perdues à cause de la stagnation économique, le déficit budgétaire qui pose problème vu la perte d’ici 2015 des revenus TVA provenant de l’e-commerce (700 millions d’euros ou 1,4 % en termes de PIB, ce qui éloigne le Luxembourg de son objectif d’atteindre un excédent  structurel de 0,5 %), et le fait que l’on a réussi à freiner la hausse des coûts salariaux, et ce malgré l’indexation des salaires, et sans que cela affecte outre mesure le pouvoir d’achat des salariés. Reste que le coût salarial unitaire croît plus rapidement au Luxembourg que dans le reste de la zone euro. Serge Allegrezza a aussi parlé de l’immigration massive en provenance des pays en crise de la zone euro, qui pèse sur le bilan du chômage en hausse. Un autre fait nouveau est que ce sont les résidents qui occupent maintenant le plus rapidement les emplois nouvellement créés, alors que pendant longtemps, c’étaient les frontaliers qui étaient les plus rapides. Ces nouveaux emplois relèvent majoritairement du secteur non-marchand, sont féminins et à temps partiel.

La situation en 2013

Ce fut ensuite à Bastien Larue de faire le point sur la situation de 2013 dans le détail.

Bastien Larue du STATEC, lors de la présentation de la note de conjoncture 1-2013, le 21 mai 2013Malgré une récession marquée et une stagnation de l’économie allemande qui s’annonce, il y a des points positifs qui émanent entre autres des marchés. Si le plan de sauvetage élaboré pour Chypre et le blocage politique en Italie ont entraîné une perte de confiance temporaire des investisseurs, celle-ci n'a pas dégénéré en mouvements de panique. Les marchés boursiers sont même à la hausse depuis la mi-2012, et le risque d’éclatement de la zone euro paraît selon Bastion Larue "nettement diminué". Les avancées obtenues au niveau de la gouvernance européenne concernant les mécanismes d'aide aux Etats en difficulté ont "apparemment" permis d'améliorer la résistance aux chocs.

 Luxembourg : une croissance réduite à 0,3 % en 2012

L’économie luxembourgeoise a connu une année de très faible croissance en 2012, qui se conclut cependant par une hausse relativement forte du PIB au 4e trimestre. Ce rebond en fin d’année repose largement sur la bonne performance des services non financiers, notamment des services aux entreprises et des activités immobilières, où l’emploi qualifié a continué de croître. Le secteur financier continue à montrer une absence de dynamisme, en particulier dans le domaine bancaire, ce qui ne permet pas d’envisager à court terme un retour vers un rythme de croissance élevé. L'industrie et la construction, lourdement impactées par le ralentissement économique de 2012, poursuivent sur une tendance baissière au début de 2013. Le commerce et le secteur HORECA ont eux aussi subi un certain impact.

Ralentissement modéré de l'emploi, salaires réels à la baisse, hausse du chômage

Le marché du travail luxembourgeois marque à nouveau des tendances moins favorables. Depuis 2012, le chômage a sensiblement augmenté, tandis que l'emploi a ralenti. Avec une croissance de 2,3 %, il n’a pas pu contribuer à la baisse du chômage. Toutefois, comparé aux autres pays de la zone euro, le Grand-Duché résiste toujours assez bien à la crise.

La relative résilience de l'emploi s'explique notamment par certains facteurs d’ajustement. La rétention de l’emploi par les entreprises est un fait notable, dans la mesure où il est difficile de recruter du personnel de sorte qu’elles préfèrent garder leur personnel même en cas de difficultés. La baisse de la durée moyenne du temps de travail (en partie reliée au développement plus important de l'emploi féminin et à la baisse des heures supplémentaires), la modération salariale – Bastien Larue a parlé d’une "dynamique salariale en baisse" - et le chômage partiel sont d’autres variables d’ajustement.

Mais le STATEC aborde la question du maintien dans l’emploi de manière sceptique. On peut ainsi lire en page 131 de la note de conjoncture : "L’enseignement en matière de politique économique et budgétaire qu’il faut en tirer est que le maintien dans l’emploi, pratiqué actuellement par les entreprises, se traduit favorablement sur les finances publiques, et un relâchement de cette stratégie, prônant une amélioration de la productivité, se ferait très probablement au détriment des finances publiques. Mais ce raisonnement ne tient évidemment qu’à court terme : à défaut de pouvoir licencier une partie du personnel, nombre d’entreprises concernées par le maintien en emploi devraient probablement cesser leur activité en cas de nouvelle dégradation de l’activité, ce qui aurait des conséquences bien plus graves en terme d’emploi (destruction de l’ensemble des postes)."

Le marché du travail reste par ailleurs caractérisé par une inadéquation entre l'offre et la demande : la plupart des postes vacants sont destinés à des travailleurs relativement qualifiés, alors que beaucoup de demandeurs d'emploi ne possèdent qu'une faible qualification. On peut lire, page 53 de la note : "La hausse du chômage s'explique pour moitié par les chômeurs de nationalité portugaise, population qui représente désormais plus d'un tiers de l'ensemble des chômeurs inscrits à l'ADEM, évolution qui n'est probablement qu'en partie attribuable à la population résidente issue de la première vague d'immigration (des années 1970) et active surtout dans les secteurs les plus touchés par la crise (l'industrie, les transports et la construction)."

L'inflation résiste mieux que les salaires

Au début de 2013, la hausse des prix à la consommation ralentit sous l'effet majeur de la stabilisation des produits pétroliers. La composante hors énergie de l'inflation suit une tendance – lente – de repli au niveau européen et ce dans un contexte économique relativement déprimé, mais elle affiche une résistance plus forte au Luxembourg.

Cette rigidité à la baisse de l'inflation sous-jacente domestique est liée d'une part à l'augmentation de certains tarifs administrés – ils ont contribué pour 20 %  à l’inflation - et d'autre part à une hausse des prix de l'alimentation, générale en Europe, mais un peu plus prononcée au Luxembourg, où elle est de 4 % (pain, céréales, viande, fruits et légumes).

La progression du coût salarial moyen a quelque peu rebondi au 4e trimestre 2012, mais principalement sous l'influence d'une remontée des frais de personnel dans le secteur financier, elle-même liée au paiement d'indemnités exceptionnelles versées dans le cadre de mesures de réduction des effectifs. La tendance de fond concernant l'évolution des salaires reste marquée par un net ralentissement et même une baisse – prononcée et inédite – si l'on raisonne en termes réels (i.e. en tenant compte de l'inflation).

Forte progression des recettes publiques au début de 2013 : un phénomène temporaire

Les recettes publiques sont marquées par une forte progression des rentrées fiscales au début de 2013 : celles-ci affichent en effet une hausse de l'ordre de 12 % sur un an. Ce résultat est cependant largement dû au fait qu'elles avaient été particulièrement faibles au dé but de 2012, sous l'effet de phénomènes à caractère exceptionnel (concernant notamment la perception de TVA). L'image a priori très favorable de l'évolution des recettes au début de 2013 devrait ainsi se ternir considérablement au fur et à mesure de l'avancée dans l'année.

Prévisions pour la zone euro : récession en 2013 et reprise de l’activité à partir de 2014

Ferdy Adam a ensuite présenté les prévisions au-delà de 2013.

Ferdy ADAM du STATEC, lors de la présentation de la note de conjoncture 1-2013, le 21 mai 2013Les prévisions du STATEC ont été établies sur base d’une baisse du PIB de la zone euro de 0,3 % en 2013, suivie d’une hausse de 1,4 % en 2014. En 2015 et 2016, l’activité dans la zone euro devrait croître à un rythme légèrement inférieur à 2 %. Cette évolution a comme hypothèse de base un dénouement de la crise financière" sans heurts majeurs". Les hypothèses sur les dépenses publiques sont établies "à politique inchangée". La part des dépenses publiques devrait passer de 43 % en 2012 à 44.4 % en 2015. La politique budgétaire serait ainsi de nature expansive, c'est-à-dire viendrait soutenir la conjoncture.

Le scénario sur les finances publiques du STATEC se distingue ainsi de celui figurant dans le Programme de stabilité (PSC) qui prévoit un certain nombre de mesures destinées à rétablir l’équilibre des finances publiques ("scénario à politique changée"). Le STATEC intègrera ces mesures dans son scénario central dès qu’elles seront connues avec plus de précision et quantifiables.

Un dénouement "sans heurts majeurs" de la crise financière permettrait à l’économie luxembourgeoise de se rétablir progressivement dans une configuration de reprise progressive de l’activité dans la zone euro, l’économie luxembourgeoise éviterait la récession (PIB en vol.: + 1 % en 2013) et pourrait croître, à moyen terme, à un taux proche de 3.5 %.

Mais, souligne le STATEC, la croissance potentielle ou tendancielle ne s’élèverait pas au-dessus du rythme actuellement enregistré, soit quelque 1,5 %. Les 3,5 % de croissance à moyen terme ne sont donc pas à percevoir comme un retour aux tendances historiques d’avant la crise, qui tournaient autour et au-dessus de 4 %, mais plutôt comme l’expression d’un dénouement sans heurts majeurs de la crise financière, avec un secteur financier qui devrait se remettre à croître à partir de 2015.

Dans ce contexte, il importe de préciser que le STATEC n’a pas intégré les récentes déclarations sur le passage à l’échange automatique entre administrations des contributions dans son scénario de base du STATEC, mais qu’elles le seront à un stade ultérieur.

Le marché du travail réagit selon le STATEC avec retard sur les fluctuations de l’activité. Le point bas, en termes d’évolution de l’emploi intérieur, serait ainsi atteint en 2014 (+1,3 %) et le chômage se mettrait à baisser à partir de 2015. Le recul du chômage est certes à voir dans le contexte de la reprise progressive de l’activité, mais il est également conditionnel à un certain nombre de facteurs : une stabilisation du taux d’activité et de la part des frontaliers dans l’emploi intérieur et une baisse progressive du taux de migration nette.

Nonobstant, le chômage resterait élevé en 2016, à près de 6,5 % de la population active, voire même 8,5 % en tenant compte des personnes bénéficiaires de mesure pour l'emploi. Cette prévision est également établie "à politique inchangée".

L’inflation est traditionnellement rythmée par les prix pétroliers ; les facteurs conjoncturels, bien que présents, ne jouent qu’un rôle secondaire. Dans cet ordre d’idées, la stabilité présumée des prix pétroliers (une hypothèse récurrente) et la persistance d’une situation conjoncturelle globalement déprimée, du moins à court terme, expliquent la décrue projetée de l’inflation.

L’IPCN ne devrait ainsi augmenter plus que de 1,7 % en 2013 avant de revenir progressivement vers la marque des 2 %, tout cela à condition  que les prix du pétrole mais aussi les prix administrés restent stables.

L’échelle mobile des salaires, en revanche, augmenterait de 2.5 % en 2013 et 2014 (déclenchement d’une tranche indiciaire en octobre 2013 et 2014 selon les termes de la loi sur sa modulation.

Les salaires réels baissent d’environ 1 % en moyenne par an depuis 2011, a constaté le STATEC. Cette configuration, inédite depuis 1970, "n’est qu’une autre facette de la crise". En 2013, la hausse du coût salarial nominal devrait rester, avec 1,5 %, inférieure à celle de l’IPCN (+1,7 %) et de l’échelle mobile (+2,5 %). Ce n’est qu’à partir de 2014 que les salaires réels augmenteraient à nouveau, quoique nettement plus faiblement que par le passé.

Les finances publiques resteraient déficitaires. Le solde nominal des finances publiques, d’après la prévision "à politique inchangée" du STATEC, se dégraderait tout au long de l’horizon de prévision de  -0,7 % en 2013 à -2,4 % en 2016. La perte, à partir de 2015, des recettes de TVA issues du commerce électronique, évaluée à 700 millions d’euros environ, n’y est pas étrangère : sans elle, le solde resterait inchangé à partir de 2014, à quelque -1 % du PIB, et ce malgré l’amélioration des conditions macroéconomiques.

Comme cette dégradation du solde appelle des mesures correctives (en vertu du nouveau cadre européen de surveillance budgétaire), le gouvernement a proposé, dans le Programme de stabilité, une trajectoire qui inclut déjà une stratégie de mesures discrétionnaires (notamment une hausse de la TVA) qui vise à corriger partiellement cette dégradation. Suivant cette trajectoire "à politique changée", le solde des finances publiques atteindrait -1,3 % en 2015 et 2016. Dans tous les cas (scénario à politique inchangée du STATEC ou scénario à politique changée du Programme de stabilité), le solde structurel, qui neutralise l’influence des facteurs conjoncturels sur le solde nominal, ne respecterait pas, à moyen terme, les objectifs fixés par le cadre réglementaire européen, à savoir un excédent structurel de 0,5 %.