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Elections européennes - Traités et Affaires institutionnelles
Après les élections européennes – Députés élus, ex-candidats et experts essaient d’évaluer les élections européennes de 2014 au cours d’une table ronde à la Maison de l’Europe
05-06-2014


mde-elec-pe-140605-questionLa Représentation de la Commission européenne au Luxembourg et l’Institut d’études européennes et internationales (IEEI) avaient organisé le 5 juin 2014 à la Maison de l’Europe une table ronde qui avait pour but d’évaluer les élections européennes autour de plusieurs thèmes: les faits saillants des élections européennes ; comment expliquer les résultats à travers les facteurs politiques, économiques et sociaux ; les opportunités et risques pour le travail du Parlement européen nouvellement élu et ; que faire pour renforcer la démocratie à l’échelle européenne. Si la discussion qui s’est étalée sur trois heures sous la direction du directeur de l’IEEI, Armand Clesse, n’a pas abordé dans l’ordre ces thèmes, les élus, ex-candidats, historiens, politologues et éditeurs présents ont pu éclairer certains volets.

mde-elec-pe-140605-claude-turmesPour le député européen vert Claude Turmes, qui va entamer son quatrième mandat, les élections européennes sont largement restées des élections nationales. Il estime que Jean-Claude Juncker va finalement passer comme président de la Commission et que "le Parlement européen va gagner cette fois-ci". Mais la manche sera autrement compliquée par après, quand il s’agira de trouver les bons équilibres entre un Président du Conseil italien, Matteo Renzi, qui ne veut pas de Jean-Claude Juncker et de la politique budgétaire inspirée par le TSCG, "parce que l’Italie est morte si on continue sur cette voie", selon le mot de Claude Turmes, et un David Cameron qui pousse vers une autre direction et "dont l’Allemagne a besoin pour continuer à mener sa politique néolibérale".  

mde-elec-pe-140605-sven-clementLe chef du parti pirate, Sven Clement, s’est dit satisfait du résultat de son parti – 4,3 % - au Luxembourg et s’est montré content du fait que les "partis extrémistes", pour lui l’ADR et le KPL, ont été confinés. Pour lui, il faut maintenant scruter de près les pays qui ont votés pour les partis pro-européens, mais aussi faire passer le message que le PPE auquel appartient le CSV, inclut également des partis comme l’UMP française et le FIDESZ du Premier ministre hongrois Viktor Orban.

Pour le candidat tête de liste de Déi Lénk, l’ancien député à la Chambre André Hoffmann, "les élections européennes sont l’expression d’une crise existentielle de l’UE après la crise mde-elec-pe-140605-andre-hoffmannéconomique et financière dont on n’a pas voulu interroger les causes". La gestion de cette crise par l’UE n’a pas été à la hauteur, estime-t-il, et elle n’a fait qu’augmenter le déficit démocratique dont souffre l’Union. Le cours qu’a pris l’UE n’est plus en rapport avec ses objectifs fondateurs inscrits dans les traités, a critiqué André Hoffmann, pour qui il ne faut plus croire que les espoirs mis dans le projet UE vont renaître s’il n’y a pas avant de rupture avec la logique actuelle. En deuxième lieu, il y existe pour lui "un grand danger de régressions sociale, et ce genre de régression va en général de pair avec la régression politique et culturelle". Les résultats électoraux des partis d’extrême droite sont précisément "l’expression de cette régression". Finalement, l’ancien député et enseignant de philosophie a estimé que "le langage devrait aider à clarifier les choses, alors que l’on assiste à une évolution où les mots servent plus à les obscurcir qu’à les clarifier". Et de s’élever contre l’amalgame que le PPE et les sociaux-démocrates font en recourant au qualificatif "d’extrémiste" entre par exemple le parti néo-nazi grec Aube dorée et le parti de gauche grec Syriza.  

Charles Goerens (DP) a admis que son parti et les libéraux européens ont perdu des voix, tout en laissant aux études scientifiques futures le soin d’éclaircir les causes de ces pertes en voix. mde-elec-pe-140605-charles-goerensS’y ajoute selon lui que les élections européennes au Luxembourg ont été "dominées par une seule personne", Jean-Claude Juncker. Il s’est montré inquiet de la montée des partis eurosceptiques, tout en suivant André Hoffmann dans sa réflexion qu’il n’y avait pas de commune mesure entre l’extrême gauche européenne, "dont je ne partage pas les idées", qui mise sur l’inclusion, et l’extrême-droite, qui vise l’exclusion. L’UE souffre du trop peu d’intégration, et pas du trop d’intégration. Il y a aussi une "UE qui fait souffrir qui a pour nom Merkel, Sarkozy, Cameron" et qui a contribué à "la détérioration de la position du président de la Commission". L’UE communautaire est faible aussi, parce qu’elle a laissé faire le FIDESZ hongrois. Pour regagner la confiance ici, il faudra revoir le système. Finalement, le Front national n’est pas pour lui un parti ordinaire, car "il est entièrement basé sur l’exclusion" et reçoit trop de publicité au Parlement et dans les médias. Face aux gens qui souffrent dans l’UE, face aux classes moyennes qui se sont mises à souffrir et face au fait que toutes les calamités de l’histoire européenne moderne ont eu comme point de départ la souffrance des classes moyennes, Charles Goerens trouve les "tergiversations actuelles autour de la désignation du président de la Commission proprement incroyables". D’où sa proposition que le  que le président de la Commission européenne puisse être élu par le Parlement européen par un vote public et non pas secret.

mde-elec-pe-140605-isabelle-wiseler-limaIsabelle Wiseler-Lima, qui a été candidate du CSV aux élections européennes, a estimé que les Luxembourgeois font confiance à son parti pour la politique européenne. Malgré leurs pertes de voix, les partis pro-européens ont gagné les élections. La montée des extrêmes l’inquiète le plus en France, "chez nos voisins", où Marine Le Pen, la cheffe du Front national, domine la scène et débite un "cocktail explosif" qui "n’est pas anodin", puisqu’il comporte "un discours de haine contre l’Allemagne". Les tergiversations autour de la nomination du président de la Commission, alors que "tout devait être différent", mettent selon elle en danger la crédibilité du tout.

L’historien Lucien Blau a lui, mis en avant les évolutions de longue durée. Et le fait que le Front mde-elec-pe-140605-lucien-blaunational est devenu le premier parti de France est le résultat d’une tendance lourde. Pour lui, ce qui se passe est la négation en 2014 des valeurs de 1789, les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Il lui semble que les partis traditionnels n’ont rien compris à l’Histoire des années 30, quand déjà des gouvernements menaient en Europe des politiques d’austérité qui ont engendré le chômage, la désintégration sociale et la recherche de faux coupables. 1989 aurait dû en finir avec la Guerre froide, "pour certains même avec l’Histoire", mais en 2014, l’Europe est retombée dans un climat de Guerre froide, avec l’Ukraine. Et de se demander si l’UE menait une politique sage, si elle n’avait pas contribuée elle-même à la polarisation en Ukraine, et ce qu’il en était de la politique étrangère des USA qui est en train de conduire au stationnement de troupes dans des pays d’Europe centrale et orientale.         

Répondant à Lucien Blau, Claude Turmes a lui évoqué les tournants économiques et autres face auxquels se trouve l’Europe, avec le pétrole qui devient de plus en plus cher, avec la "fin de l’hégémonie de l’homme blanc" et les rééquilibrages en cours où la Chine retrouve sa place prépondérante qu’elle avait perdue pendant plusieurs siècles. La solution que l’Allemagne veut octroyer à l’UE est que tout le monde soit un champion de l’exportation. Dans ce contexte, il craint que si Jean-Claude Juncker devait être élu à la tête de la Commission, il sera fortement mis sous pression par le PPE pour faire avancer l’UE dans ce sens.

Charles Margue, le directeur des recherches à l’institut de sondage d’opinion TNS-ILRes à Luxembourg, a estimé que les électeurs luxembourgeois "ont mis l’Union européenne dans les mains des six députés qu’ils connaissent". Mais avec une UE qui est devenue de plus en plus compliquée, "leur responsabilité est devenue plus grande".