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Economie, finances et monnaie
La BCE prend une série de mesures fortes pour "assouplir la politique monétaire" et "soutenir le crédit à l’économie réelle", autrement dit pour favoriser l’inflation, très faible, et consolider la reprise encore timide
05-06-2014


Les gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) réunis en Conseil le 5 juin 2014 ont adopté de façon unanime "un paquet significatif" de mesures dont le double objectif est d’assouplir la politique monétaire et de soutenir le crédit à l’économie réelle.BCE

Ces mesures étaient largement attendues par les analystes et les marchés, vu l’inflation plus faible qu’espérée – entre 0,5 et 0,7 % au lieu de 2  % - et une croissance qui n’a été que de 0,2 % au premier trimestre 2014.

La BCE a revu pour l’occasion ses prévisions et mise sur une hausse des prix de 0,7 % seulement cette année, mais sur 1,1 % en 2015 et 1,4 % en 2016.

La croissance devrait s'établir selon la BCE à 1 % en 2014 en zone euro, ce qui est moins que ce qui était escompté en mars 2014 (1,2 %), mais cette croissance devrait atteindre 1,7 % en 2015, alors qu’en mars, les prévisions de la BCE parlaient de 1,5 %.

Comme l’a souligné le président de la BCE, Mario Draghi, en plus de cette croissance modeste et de cette inflation très faible, un certain nombre de risques pourraient affecter les perspectives de croissance de l’économie européenne. Il pense à des risques géopolitiques, mais aussi à certaines évolutions dans les économies de marché émergentes et les marchés financiers internationaux. Et il ne perd pas de vue non plus la possibilité d’une demande intérieure plus faible qu’escomptée, d’une croissance faible des exportations ou d’une mise en œuvre insuffisante des réformes structurelles dans les pays de la zone euro.

"Pour renforcer la reprise économique, banques et décideurs politiques de la zone euro doivent intensifier leurs efforts", a lancé Mario Draghi qui a invité les premières à profiter des mesures lancées par la BCE pour améliorer leur niveau de capital et leur solvabilité de façon à ce qu’aucune restriction dans l’offre de crédit ne vienne entraver la reprise et les seconds à avancer en matière de politique budgétaire et de réformes structurelles.

Baisse des principaux directeurs, et notamment du taux de dépôt qui sera désormais négatif

Les principaux taux directeurs de la BCE vont être abaissés à compter du 11 juin 2014. L’abaissement des taux directeurs devrait agir en faveur des crédits et des investissements, mais aussi contribuer à une hausse des prix.

Le principal taux directeur,  qui est actuellement de 0,25 %, et ce depuis novembre 2013, va passer à 0,15 %. Le taux de prêt marginal va lui passer à 0,40 % (contre 0,75 % jusque-là). Enfin, le taux de dépôt, qui était nul depuis juillet 2012, va lui être porté à - 0,10 %.

Le taux de dépôt négatif, une mesure qui n’a jamais été prise par une banque centrale d’une envergure telle que celle de la BCE, devrait lui aussi contribuer à produire de l’inflation en dépréciant l’euro – jugé trop élevé - et en rendant plus chères les importations.

L'euro a d’ailleurs baissé après l'annonce de la BCE sur la baisse des taux et les bourses ont eu un sursaut.

Par ailleurs, le taux de dépôt négatif, qui pénalise les banques, devrait les inciter à ne plus stocker leurs surplus de liquidités à la banque centrale, mais à les investir sous formes de crédits aux entreprises et aux consommateurs, ce qui devrait renforcer la reprise économique voire la relance de certaines économies de la zone euro.

Il convient toutefois de relever que ce taux de dépôt négatif va toucher 36 milliards d’euros mis en dépôt auprès de la BCE, une somme qui peut paraître maigre par rapport aux 800 milliards déposés en 2012, au plus haut de la crise financière. Et ce qui explique que la mesure a été jugée "symbolique" par la Fédération européenne des banques (EBF).

Au cours de la conférence de presse qui a suivi cette annonce, le président de la BCE, Mario Draghi, a déclaré que "techniquement, […] nous avons atteint aujourd'hui les limites" en termes de taux bas, et que ces taux allaient rester à ce niveau un long moment, "peut-être plus longtemps que ce qu'on prévoyait auparavant".

Et à ceux qui s’inquiètent pour l’impact que cette nouvelle baisse des taux pourraient avoir sur les épargnants, Maio Draghi a tenu faire le point : ces taux s’appliquent aux banques, et non aux individus. Si les banques commerciales décident d’abaisser leurs taux et de les répercuter sur les épargnants, cela relève de leur responsabilité et non du ressort de la BCE, a précisé Mario Draghi. "La BCE n’a aucune intention d’exproprier les épargnants", a-t-il ajouté en expliquant que son institution vise un autre objectif, à savoir une hausse des taux avec de la croissance et de l’emploi. "Les préoccupations des épargnants devraient être prises au sérieux", a-t-il mis en garde en soulignant que la valeur de l’épargne pour les retraites et les polices d’assurance-vie se dégrade, et que la réponse à cette dégradation ne pourra être que la reprise et la croissance économiques. 

Mesures incitant les banques à prêter aux banques et aux ménages

La BCE a fait le choix d’accompagner ces décisions de mesures visant à inciter les banques à prêter aux banques et aux ménages.

Ainsi, l'octroi illimité de liquidités à court terme pour les banques lancé en septembre 2012 va être prolongé, au minimum jusqu'en décembre 2016 et plus si nécessaire.

Par ailleurs, la BCE a annoncé qu’elle allait conduire, sur une période de deux ans, une série d'opérations ciblées de refinancement à plus long terme (appelées targeted longer-term refinancing operations, TLTRO) visant à renforcer l’activité de prêts bancaires au secteur privé non financier de la zone euro, à l’exclusion des prêts au logement. Il va s’agir de procéder à des injections ciblées de liquidités d’une maturité inédite de 4 ans afin de  favoriser les financements à plus long terme. Une capacité totale de 400 milliards d’euros est prévue pour ces opérations.

Les contreparties recevront une facilité initiale de prêt égale à 7 % de l’encours total, au 30 avril 2014, de leurs prêts au secteur privé non financier de la zone euro, à l’exclusion des prêts au logement. En toute logique, les prêts octroyés au secteur public ne seront pas pris en compte dans le calcul de cette valeur de référence.

Ensuite, lors de deux opérations qui seront conduites en septembre et en décembre 2014, les banques pourront emprunter des fonds dont le montant cumulé n'excède pas cette valeur de référence initiale. Au cours de la période allant de mars 2015 à juin 2016, l’ensemble des contreparties pourront ensuite emprunter des montants supplémentaires à travers une série d’opérations effectuées trimestriellement. Ces montants supplémentaires pourront, au total, atteindre au maximum trois fois l’encours de prêts nets de chaque contrepartie. Toutes les TLTRO arriveront à échéance en septembre 2018.

Des mesures seront prises pour s'assurer que ces opérations TLTROs profitent bien à l'économie réelle. Ainsi, les contreparties qui n’auront pas rempli les conditions en termes de volumes prêtés à l’économie réelle devront rembourser l’argent prêté en septembre 2016. Les fonds alloués ne pourront être utilisés pour financer les États ni les situations propices à la création de bulles spéculatives, a encore précisé Mario Draghi.

Enfin, la BCE a annoncé son intention d’accélérer les travaux préparatoires relatifs aux achats fermes de titres adossés à des actifs ( asset-backed securities, ABS). L’objectif est d’améliorer le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire, étant donné le rôle de ce marché favorisant la création de nouveaux flux de crédits vers l’économie.

La BCE a aussi décidé d’arrêter de stériliser ses achats de dette publique. Cette stérilisation est une incitation aux banques à déposer leurs liquidités sur un dépôt hebdomadaire et était destinée à éviter un surplus de liquidités sur le marché et donc une menace inflationniste.

Et si cela devait ne pas suffire, Mario Draghi a par ailleurs assuré qu’au besoin, la BCE se montrerait prête à utiliser, dans le cadre de son mandat, des instruments non conventionnels pour atteindre son objectif de stabilité des prix, comme un rachat massif d'actifs.