Le Conseil TTE qui s’est réuni le 13 juin 2014 à Luxembourg s’est exclusivement consacré aux questions liées à l’énergie. Un accord politique sur la directive "CIAS" (changements indirects dans l'affectation des sols ou CASI ou ILUC en anglais) modifiant les directives concernant la qualité des carburants et les énergies renouvelables a pu être conclu en vue de limiter l'impact des changements indirects dans l'affectation des sols sur l'émission de gaz à effet de serre, tout en protégeant les investissements actuels dans la production de biocarburants dits de première génération. Les ministres ont également débattu du suivi des points de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 mars 2014 consacrés à l’énergie. Ils se sont concentrés sur le compte-rendu de la Commission sur l'achèvement du marché intérieur de l'énergie et la présentation par la Commission de sa communication sur "la stratégie européenne relative à la sécurité énergétique", tout comme ils ont examiné le cadre d'action en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030.
La directive "CIAS" a pour objet d'engager une transition vers des biocarburants qui assurent des réductions importantes d'émissions de gaz à effet de serre même lorsque les émissions estimatives provisoires liées aux changements indirects dans l'affectation des sols sont communiquées. En même temps, les investissements actuels doivent être préservés.
Le 12 décembre 2013, le Conseil "Énergie" avait examiné un texte de compromis proposé par la présidence pour ce projet de directive. Cependant, certaines questions étaient restées en suspens. Les instances préparatoires du Conseil avaient dès lors poursuivi leurs travaux sur la proposition, dans le but de faciliter un accord politique.
Le Luxembourg, qui n’a pas pris la parole sur ce sujet lors du Conseil du 13 juin 2014 et n’a pas non plus évoqué le sujet dans son communiqué, avait critiqué en décembre 2013 le fait que le facteur CIAS n’avait pas été assez pris en compte dans la proposition initiale du 12 octobre 2012 de la Commission européenne. Il se satisfaisait néanmoins du taux limitant à 5 % la part d’énergies renouvelables dans le secteur des transports issus d’agrocarburants de première génération. Le Luxembourg avait dans la continuité de cette position remis le 12 décembre 2013 en cause "la valeur ajoutée d’un seuil à 7 % en 2020 alors que les projections montrent qu’avec un scénario ‘business as usual‘ le niveau atteindrait 8 % en 2020". Avec la Belgique et les Pays-Bas, il avait dénoncé le fait que le compromis ne comportait plus d’"objectif contraignant pour soutenir le développement d’agrocarburants avancés, ni d’obligation de 'rapportage' de l’impact en termes d’usage indirect des sols".
De même, le Luxembourg avait déploré l’extension à l’objectif global de 20 % ou fois 5 des coefficients multiplicateurs des biocarburants avancés. Ces "artifices comptables" compromettaient selon le Grand-Duché la réalisation effective de l’objectif de 20 % pour 2020 et feraient de ce texte "un recul" par rapport à la directive Energies renouvelables de 2009 qui a fixé cet objectif.
Dans son texte de compromis du 13 juin 2014, la présidence grecque s'est concentrée sur deux aspects: d’abord des mesures pour encourager davantage l'utilisation de biocarburants "avancés", tout en laissant une marge de manœuvre aux États membres ; ensuite certains éléments supplémentaires reflétant des considérations relatives aux estimations des émissions liées aux CIAS et à l'incidence éventuelle des politiques de l'UE en matière de biocarburants sur l'environnement et la conditionnalité en ce qui concerne l'agriculture et les politiques en matière de climat.
L'accord prend en compte et analyse le phénomène des CIAS, engage une transition vers des biocarburants présentant un risque plus faible d'induire des CIAS et offre des perspectives d'investissement plus claires tout en protégeant les investissements réalisés.
Concrètement, l’on parle maintenant d'un niveau minimal de 7 % de la consommation finale d'énergie dans les transports en 2020 pour les biocarburants conventionnels à comptabiliser aux fins de la réalisation de l'objectif de la directive sur les énergies renouvelables qui réduirait les émissions liées aux changements indirects dans l'affectation des sols (CIAS).
La transition vers les biocarburants de la deuxième et de la troisième génération (biocarburants "avancés") doit être encouragée au moyen de "mesures incitatives en faveur des biocarburants avancés". Les États membres sont invités "à promouvoir la consommation de tels biocarburants" et "de fixer des objectifs nationaux pour les biocarburants avancés sur la base d'une valeur de référence de 0,5 point de pourcentage de l'objectif visant à atteindre la part de 10 % d'énergies renouvelables dans les transports fixé dans la directive sur les énergies renouvelables."
S’ils fixent un objectif inférieur, ils doivent invoquer trois catégories de raisons objectives et justifier tout objectif inférieur à 0,5 point de pourcentage et communiquer par écrit les raisons pour lesquelles l'objectif national n'a pas été atteint. La Commission doit assurer un suivi en publiant un rapport de synthèse sur les résultats obtenus par les États membres par rapport à leurs objectifs nationaux en matière de biocarburants avancés.
Une autre incitation sera la manière dont ces biocarburants seront traités au niveau statistique, par exemple à travers une double comptabilisation appliqué également aux objectifs généraux en matière d'énergies renouvelables d’un Etat membre. Si de la production d'électricité se fait à partir de sources d'énergie renouvelables afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports, cette électricité sera comptabilisée par un facteur multiplicateur de 5 pour l'électricité produite à partir de sources renouvelables et consommée par les véhicules routiers électriques et de 2,5 pour celle consommée par le transport ferroviaire électrifié.
Cette position commune du Conseil sera transmise par la Présidence italienne du Conseil, qui prend ses fonctions début juillet 2014, au Parlement européen qui délibérera en deuxième lecture.
Les ministres ont ensuite discuté de la nouvelle stratégie pour la sécurité énergétique proposée le 28 mai 2014 par la Commission européenne pour faire face à la dépendance de l'UE vis-à-vis des importations, notamment russes, et compte tenu des incertitudes suscitées par la crise ukrainienne. Cette stratégie est axée sur la diversification des sources d'approvisionnement extérieures en énergie, la modernisation de l'infrastructure énergétique, l'achèvement du marché intérieur de l'énergie de l'UE et les économies d'énergie. Elle repose sur huit piliers qui misent sur le court terme – l’hiver prochain – et le moyen et long terme que le ministre grec de l’environnement, de l’énergie et du changement climatique, Yannis Maniatis a déclinées :
Cette stratégie a été selon lui "bien accueillie" par les ministres européens, et il a parlé d’une "européanisation de l’énergie". Les conclusions et les propositions de cette stratégie seront examinées lors du Conseil européen des 26 et 27 juin.
Le commissaire européen à l’énergie, Günther Oettinger, a souligné le volet "court terme" de sa démarche, en parlant de la nécessité de veiller à un approvisionnement sans faille de l’UE en gaz pour l’hiver prochain, mais aussi en plaidant pour l’inclusion de l’Ukraine, de la Moldavie et des pays des Balkans occidentaux dans la démarche de l’UE suite à des demandes venant d’Etats membres qui ont selon lui "élargi" le champ d’application de la nouvelle stratégie. Pour lui, "il ne devrait pas y avoir d’interruption des livraisons de gaz l’hiver prochain." Pour y veiller, les Etats sont appelés par la Commission à soumettre leurs compagnies de gaz à des stress-tests qui permettront d’analyser la stabilité ou les failles de leurs systèmes d’approvisionnement. Partant de là, le Conseil européen sera mieux en mesure de prendre de nouvelles décisions en octobre 2014.
Le Vice-premier ministre, ministre de l’Économie Étienne Schneider, qui représentait le Luxembourg au Conseil, a souligné qu’avec trois crises gazières majeures consécutives en moins de 10 ans, il était maintenant temps que l’Europe mène une réflexion fondamentale sur sa politique énergétique. Il a estimé que c’est le devoir de toutes les institutions européennes et tout spécialement des ministres en charge de l’énergie de se doter maintenant des moyens nécessaires pour mettre en place les changements qui s’imposent sur un continent qui dépense chaque année l’équivalent de quatre fois le budget annuel de l’Union européenne pour ses achats en énergie fossile.
Pour lui, l’UE doit baisser son niveau de consommation en développant une approche systématique, graduelle et européenne, se fixant des objectifs chiffrés à 10, 20 et 30 ans. Il a précisé : "La nouvelle stratégie de sécurité énergétique européenne ne pourra pas se contenter de diversifier la dépendance de l’Europe, mais devra la diminuer."
Le ministre s’est dit convaincu que la baisse de la consommation dans tous les secteurs devrait être le fondement de la diminution de la dépendance énergétique et le cœur de la stratégie de sécurité énergétique européenne. "La première source d’énergie de l’UE la plus rentable et disponible aujourd’hui: c’est l’efficacité énergétique", a-t-il rappelé.
Il a également rappelé que la réduction de la consommation de notre continent devrait être accompagnée par le développement économiquement efficace et commun des énergies renouvelables au niveau européen, permettant de réduire la dépendance énergétique du continent tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Le ministre a annoncé en outre que le Luxembourg se joignait aux voix qui s’élèvent en Europe pour appeler à la création d’une vraie Union européenne de l’énergie. Celle-ci devra pour lui être ambitieuse et répondre à quatre exigences fondamentales: