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La Médiatrice européenne enquête sur de potentielles réunions tenues secrètes entre la Commission européenne et l’industrie du tabac
02-07-2014


www.ombudsman.europa.eu : Le médiateur européenLa Médiatrice européenne a annoncé avoir ouvert, le 20 juin 2014, une enquête concernant de supposées réunions de la Commission européenne avec l’industrie du tabac tenues secrètes par l’institution européenne, donc en violation de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la lutte anti-tabac.

L’ouverture de cette enquête fait suite à une plainte de Corporate Europe Observatory (CEO), une organisation non-gouvernementale de chercheurs dont l’objectif est de mettre en lumière les relations entre les institutions européennes et les lobbys de toutes sortes, déposée le 7 mai 2014 auprès de la Médiatrice, Emily O'Reilly. L’ONG s’est fait une spécialité d’analyser les documents internes des institutions auxquels elle peut avoir accès en vertu de la législation européenne sur l’accès aux documents de l’UE.

"L'UE est signataire de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, qui oblige les gouvernements à limiter les interactions avec l'industrie du tabac et garantir la transparence des interactions qui se produisent. Au cours des dernières années, les responsables de la Commission européenne ont eu de nombreuses rencontres avec les lobbyistes de l'industrie du tabac qui voulaient influencer la directive sur les produits du tabac. Beaucoup de ces réunions n'ont pas été divulguées en ligne", écrit CEO dans un article consacré à l’enquête sur son site.

L'article 5. (3) de la convention précitée, relatif à la protection des politiques de santé publique en matière de lutte antitabac face aux intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, oblige en effet ses signataires à publier en ligne des listes de toutes les réunions tenues avec les représentants de l'industrie du tabac, ainsi que les procès-verbaux de ces rencontres.

L’ONG relève pourtant qu’"au moins 14 réunions" de ce type ont été organisées impliquant "de hauts responsables du Secrétariat général de la Commission et des membres du cabinet du président de la Commission José Manuel Barroso", des réunions qu’elle documente précisément dans sa plainte adressée à la Médiatrice. Si, en réponse aux interrogations que l’organisation lui a directement adressées, la Commission européenne a affirmé que cette approche était "compatible" avec les règles de l'OMS, CEO considère au contraire qu’il s’agit d’une "violation de la Commission de ses obligations envers l'ONU".

Dans un courrier daté du 20 juin 2014, la Médiatrice européenne a donc écrit au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso afin de lui demander de répondre aux allégations selon lesquelles la Commission n'aurait pas correctement mis en œuvre l'article 5. (3) de la Convention cadre de l'OMS pour la lutte antitabac et les directives qui l'accompagnent. Celui-ci dispose de trois mois, soit jusqu’au 30 septembre 2014 pour donner sa réponse.

La Médiatrice européenne considère par ailleurs que la Commission devrait "procéder à une évaluation approfondie" sur la façon de mettre en œuvre les règles de la Convention de l'OMS dans l'ensemble de ses services. L’institution est aussi appelée à "publier des listes en ligne de toutes les réunions avec les représentants de l'industrie du tabac et les minutes de ces réunions" ainsi qu’à mettre en œuvre "un code de conduite sur la relation avec l'industrie du tabac, modifiant là où cela est nécessaire, les dispositions pertinentes du Code de conduite des commissaires et le règlement du personnel". Enfin, Emily O'Reilly demande à la Commission européenne "d’assurer l'enregistrement et la divulgation de l'identité et des activités des lobbyistes de l'industrie du tabac au travers du registre de transparence de l'UE".

L’enquête de la Médiatrice européenne est ainsi lancée un peu moins de deux ans après que le commissaire européen en charge de la santé, John Dalli, a été contraint à la démission pour des faits identiques. Dans un article précédent daté de décembre 2012 et déjà consacré à un certain nombre de réunions secrètes entre des départements de la Commission européenne et des représentants de l’industrie du tabac – des rencontres documentées par CEO –, l’ONG avait souligné que "si [le commissaire] Dalli a[vait] dû démissionner en raison de réunions non divulguées avec des lobbyistes du tabac, la même logique devrait également s'appliquer à d'autres membres du cabinet de M. Barroso et des hauts fonctionnaires de la Commission au sein du Secrétariat général et d'autres Directions générales".

L’affaire Dalli sera par ailleurs plaidée devant le Tribunal de l’UE le 8 juillet 2014, l’ex commissaire européen John Dalli contestant en effet de la légalité de la décision de José Manuel Barroso de demander sa démission. La veille, le 7 juillet 2014, le président de la Commission européenne sera auditionné comme témoin par les juges européens.