Principaux portails publics  |     | 

Parlement européen - Economie, finances et monnaie
Registre de transparence - Le Parlement européen demande à la Commission européenne de faire une proposition d’ici à 2016 en faveur d’une inscription obligatoire de tous les lobbys
15-04-2014


Registre de transparence source: commissionLe 15 avril 2014, le Parlement européen a adopté, par 646 voix pour, 7 contre et 14 abstentions, un nouvel accord avec la Commission dans le domaine de la régulation des lobbys.

Le registre de transparence a été introduit par la Commission européenne en 2008, après l’adoption par le Parlement européen du rapport Stubb. En 2011, il fut fusionné avec le registre du Parlement européen. Jusqu’alors, il a toujours fonctionné uniquement sur base volontaire. En 2013, environ 75 % de l’ensemble des organisations professionnelles, et approximativement 60 % des ONG opérant à Bruxelles, ont signé le registre, soit un total de plus de 5 700 lobbyistes répertoriés.

"Le Parlement a toujours souhaité que le registre devienne obligatoire", mais "il s’est avéré difficile de trouver des bases juridiques pertinentes dans le traité de l’UE", souligne le communiqué de presse diffusé par le Parlement européen. Le document adopté par les eurodéputés se contente donc de demander à la Commission européenne de présenter une proposition d’ici fin 2016 afin de rendre le registre obligatoire.

Les eurodéputés demandent également à la Commission européenne d’introduire les mesures d'incitation qu’ils prévoient d’introduire au Parlement européen afin d’encourager les lobbyistes à signer le registre. Déjà au début des négociations en décembre 2013 mais aussi au sein de la commission des affaires constitutionnelles (AFCO) du Parlement européen, le 18 mars 2014, ils avaient mis sur la table les dispositions suivantes : faciliter les autorisations pour organiser ou co-organiser des événements pour les lobbyistes enregistrés ; faciliter la transmission de l’information pour les lobbyistes enregistrés, notamment via  des listes d'envoi spécifiques ; permettre aux lobbyistes enregistrés de participer en tant qu’intervenants lors des auditions de commissions  et limiter aux lobbyistes enregistrés le parrainage du Parlement pour l'organisation d'évènements.

Le texte adopté en plénière suggère de surcroît d’encourager "le personnel du Parlement et les députés, lorsqu'une société de lobbying n'est pas enregistrée, à l'inciter à le faire avant de rencontrer ses représentants" et de "limiter l'accès aux bâtiments du Parlement pour les organisations non-enregistrées".

Par ailleurs, comme il en était déjà question au sein de la commission AFCO, le Parlement européen souhaite une définition plus détaillée de la notion de "comportement inapproprié" que celle déterminée dans le code de conduite. Il demande ainsi que "l'identité de tous les clients représentés par chaque organisation enregistrée soit totalement divulguée", comme on le lit dans le communiqué de presse du Parlement européen.

La Commission européenne prévient que "les commissaires n’accepteront plus de patronner des événements dont les organisateurs ne se sont pas enregistrés alors qu’ils auraient dû le faire"

Dans un communiqué de presse diffusé à l’issue du vote, la Commission européenne souligne que le nouveau registre de transparence, qui entrera en vigueur au plus le 1er janvier 2015, présente "plus d’informations, plus d’incitations et plus de fermeté à l’égard de ceux qui enfreignent les règles". Elle note que cette modification comporte une "refonte de la procédure d’alerte et de plainte de manière à accroître la rapidité et l’efficacité du contrôle et la qualité des données" ou encore "une volonté d’introduire davantage d’incitations pour favoriser l’enregistrement".

Sur ce dernier point, il s’agira pour la Commission européenne "de conseiller à tous ses services d’encourager les parties prenantes et les membres de groupes d’experts à s’enregistrer". "En outre, les commissaires n’accepteront plus de patronner des événements dont les organisateurs ne se sont pas enregistrés alors qu’ils auraient dû le faire", explique le communiqué de presse.

Par contre, la Commission européenne souligne qu’il n’était pas possible de rendre l’inscription au registre obligatoire. Il manque pour cela une "base juridique claire et simple". La seule base juridique qui permettrait de rendre l’enregistrement obligatoire était l’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Toutefois, "le recours à cet article poserait un grand nombre de problèmes juridiques complexes, notamment en ce qui concerne le champ d’application du registre et la conformité avec d’autres articles des traités", dit la Commission européenne. L’article 352 requiert l’unanimité au Conseil et, dans plusieurs États membres, l’approbation par les parlements nationaux. Or, "à l’heure actuelle, le Conseil ne participe pas au registre de transparence commun, bien qu’il envoie un observateur aux réunions du secrétariat commun du registre de transparence".

Pour Claude Turmes, "le lobbysme dans les capitales peut continuer à fleurir sans être gêné"

L’eurodéputé vert luxembourgeois, Claude Turmes, fait partie des quatorze eurodéputés qui se sont abstenus de voter en faveur du texte. Dans un communiqué de presse, il justifie sa position par l’absence d’une inscription obligatoire au registre. En attendant une proposition de la Commission, d’ici à la fin 2016, "le lobbysme dans les capitales peut continuer à fleurir sans être gêné", regrette l’eurodéputé.

"Le nouvel accord est, malheureusement, un trop petit pas dans la bonne direction", juge-t-il, voyant en plus du caractère non contraignant du registre, deux lacunes supplémentaires au texte : ainsi, "les cabinets d’avocats peuvent continuer sans être perturbés à pratiquer leur lobbysme en faveur de grandes entreprises capables de payer" tandis que "n’est opposé aucun obstacle au lobbysme dans les capitales des Etats membres", déplore-t-il.

Claude Turmes concède toutefois qu’il existe "une série de propositions positives", que le prochain Parlement et la prochaine Commission devront transposer, tel le refus d’accès pour les représentants d’intérêts non enregistrés au Parlement européen.

Pour Alter-EU, c’est un "signal important envoyé à la Commission européenne"

Le collectif d’ONG Alter-EU, qui, le 30 octobre 2013, avait lancé une pétition pour rendre obligatoire l'inscription de tous les lobbys sur le registre de transparence de l’UE, se montre plus satisfait que l’eurodéputé vert, quant au texte adopté par le Parlement européen. Il rappelle que le début des négociations entre la Commission européen et des eurodéputés en décembre 2013, n’augurait qu’un accord très faible.

Or, dans son communiqué de presse, le collectif parle tout de même d’un "signal important, envoyé à la Commission européenne, qu’une approche bien plus ambitieuse est nécessaire pour assurer une vraie transparence dans l’UE".

Les mesures incitatives, dont celle d’une limitation des rencontres avec les lobbyistes non enregistrés, sont "urgemment nécessaires pour assurer que le registre fournisse une image fidèle de qui pratique le lobbysme pour influencer la prise de décision européenne, pour le compte de qui et avec quel budget", dit le collectif.

Alter-EU rappelle les enseignements d’une étude publiée le 9 avril 2014 par l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), selon laquelle deux tiers des banques et groupes de lobbysme financier, travaillant à influencer la règlementation européenne du secteur financier, ne sont pas inscrits dans le registre, dont des acteurs majeurs du secteur tels que Goldman Sachs, UBS, HSBC, Banco Santander, RBS et beaucoup d’autres. "Le boycott continu de la transparence par tant de grandes banques et de cabinets d’avocats pratiquant le lobbying pour les entreprises multinationales montre que l’approche volontaire échoué. Il est grand temps pour l’UE de devenir dure avec les activités de lobbying secrètes", a déclaré Olivier Hoedeman, de CEO.

"A l’inverse de la Commission européenne, dans cette résolution, le Parlement montre une volonté politique de résoudre les nombreux défauts du registre des lobbys actuel", a pour sa part indiqué Max Bank de LobbyControl.

Le jour même, Alter UE lançait, avec d’autres partenaires, la campagne "Politics for People" pour les élections européennes, qui appelle les candidats à s’employer eux-mêmes à l’introduction d’un registre obligatoire. Plus de 40 eurodéputés, dont ClaudeTurmes, ont signé cet appel. Via le site internet de la campagne, les citoyens se voient suggérer d’inviter leurs candidats à rallier le mouvement.

"Sept citoyens européens sur dix sont préoccupés par l’influence excessive du lobbying sur la prise de décision européenne. De trop nombreuses lois ont l’empreinte des lobbyistes des grosses entreprises– de la politique climatique à la politique de santé en passant par la politique commerciale"a déclaré dans ce contexte, Olivier Hoedeman. "Nous avons besoin d’eurodéputés qui défendront l’intérêt public et se battront pour les citoyens contre le profit."