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Commerce extérieur - Politique étrangère et de défense
La Russie a décrété un embargo d’un an sur la plupart des produits alimentaires en provenance des pays de l’UE, une décision "clairement politique" selon la Commission européenne
07-08-2014


Concombres et tomates en crise (source: Consilium)La Russie a décrété un embargo sur la plupart des produits alimentaires en provenance des pays qui ont imposé des sanctions à l'encontre de Moscou, ainsi que l’a confirmé le Premier ministre russe Dmitri Medvedev le 7 août 2014. "La Russie a complètement interdit l’importation de bœuf, de porc, des fruits et légumes, de volaille, de poisson, de fromage, de lait et de produits laitiers en provenance de l’Union européenne, des Etats-Unis, de l’Australie, du Canada et de la Norvège", a déclaré Dmitri Medvedev à l’issue d’une réunion du gouvernement. Cette décision avait fait l’objet d’un décret signé la veille par le président Vladimir Poutine. Cet embargo est valable pendant un an à compter du 7 août 2014.

Suite au crash du vol MH17, le Conseil de l’UE avait renforcé le 31 juillet 2014 les sanctions prises à l’égard de la Russie en lien avec la crise ukrainienne, en adoptant des mesures ciblant la coopération sectorielle et les échanges avec la Fédération de Russie : il s’agit entre autres d’une limitation de l'accès de la Russie aux marchés de capitaux primaires et secondaires de l'UE, d’un embargo sur l'importation et l'exportation d'armes et de matériel connexe.

Aussitôt après cette annonce du gouvernement russe, Frédéric Vincent, porte-parole de la Commission, a dénoncé dans une déclaration une décision "clairement politique" de la part des autorités russes et a rappelé que les sanctions européennes à l'encontre de la Russie étaient, quant à elles, "directement liées à l'annexion illégale de la Crimée et à la déstabilisation de l'Ukraine". "L'Union européenne reste déterminée à (agir pour) la désescalade de la situation en Ukraine", a-t-il dit.  "Après évaluation complète par la Commission européenne des mesures prises par la Fédération de Russie, nous nous réservons le droit de prendre les mesures appropriées", a-t-il ajouté.

Les exportations agricoles et agroalimentaires vers la Russie représentent en effet 10 % du total, selon Eurostat

L'Union européenne envisage de saisir l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a indiqué par ailleurs l'ambassadeur de l'UE à Moscou, Vygauda Usackas. Le commissaire à l'Agriculture, Dacian Ciolos, a convoqué pour le week-end du 9 et 10 août une réunion de travail avec la direction générale de l'Agriculture et un groupe d'étude sera constitué pour analyser les conséquences économiques des sanctions russes et coordonner les actions de l'UE, a annoncé son porte-parole Roger Waite. Selon le ministre français à l’Agriculture Stéphane Le Foll, qui s’était entretenu avec Dacian Ciolos, une réunion européenne se tiendra "dès la semaine prochaine" à Bruxelles suivie, "si nécessaire d'un conseil des ministres informel".

Selon Eurostat, les exportations agricoles et agroalimentaires vers la Russie représentent 10 % du total pour un montant de 12 milliards d'euros par an. Les invendus pourraient être déversés sur le marché européen, ce qui détériorait le revenu des producteurs et des éleveurs. L’inquiétude est donc grande dans le secteur. Ainsi, la fédération des agriculteurs allemands, déjà fortement pénalisés par un embargo sur le cochon décrété en avril sous le prétexte de cas de fièvre porcine chez des sangliers, a appelé le 7 août le gouvernement allemand et la Commission européenne à "poursuivre leurs efforts" en direction de nouveaux marchés, notamment en Asie du sud-est. Xavier Beulin, président de la FNSEA, principal syndicat agricole français, a pour sa part demandé à rencontrer "dans les meilleurs délais" le président français. Dans un courrier à François Hollande, il souligne que "ces exportations annulées vont se traduire par la commercialisation de produits initialement destinés au marché russe dans les pays européens" alors que "le marché européen est déjà extrêmement tendu dans de très nombreuses productions". Il craint que cela entraîne "des prix ne permettant pas aux producteurs de rémunérer leur travail".

Le fonds européen de solidarité pourrait adoucir l'impact

L’embargo touche un secteur qui est déjà en crise : le 28 juillet 2014, l’organisation agricole européenne Copa-Cogeca a mis en garde "contre la grave crise qui frappe le marché européen des fruits d'été, notamment les pêches et les nectarines" et a demandé "l'adoption immédiate de mesures", dans une lettre adressée au commissaire européen à l'Agriculture Dacian Ciolos. Selon la Copa-Cogeca, le marché s'est effondré au mois de juin, avec des prix de 30 à 50 % inférieurs à ceux de 2013. L’organisation estime qu’il s’agit d’une "crise exceptionnelle d’ampleur européenne" qui est due à un volume de production élevé, des conditions météorologiques défavorables et une chute de la consommation dans diverses régions d'Europe en raison d'un manque de chaleur.

Le commissaire au Commerce Karel De Gucht a déclaré sur la radio néerlandophone Radio 1 que le fonds européen de solidarité pourrait aider à adoucir l'impact pour les secteurs concernés, en évoquant un montant de "400 millions d'euros". Ce fonds avait été créé après les inondations de 2002 pour faire face aux grandes catastrophes naturelles et exprimer la solidarité de l'UE à l'égard des régions sinistrées. La Finlande avait déjà annoncé le 6 août être prête à demander "une certaine forme de compensation" à l'Union européenne si les sanctions frappant la Russie devaient causer du tort à l'économie finlandaise.