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Commerce extérieur - Politique étrangère et de défense
Face à l’embargo russe, la Commission européenne annonce le déblocage de 125 millions d'euros pour des mesures de soutien à certains fruits et légumes périssables
22-08-2014


fruits-source-stockvaultFace à l’embargo russe sur la plupart des produits agroalimentaires en provenance de l’Union européenne, la Commission européenne a annoncé le 18 août 2014 des mesures de soutien à certains fruits et légumes périssables qui s’appliqueront jusqu’à la fin du mois de novembre 2014 et disposeront d'un budget prévu de 125 millions d’euros. Cette décision fait suite à des "mesures exceptionnelles" annoncées le 11 août 2014 par la Commission européenne pour soutenir les secteurs des pêches et des nectarines de l'UE.

Les récentes mesures touchent les produits suivants : tomates, carottes, choux blancs, poivrons, choux-fleurs, concombres, cornichons, champignons, pommes, poires, fruits rouges, raisins de table et kiwis. Pour la plupart de ces produits, dont c’est la pleine saison de récolte, il n'existe pas de possibilités de stockage, ni de marché de substitution immédiatement disponible, explique la Commission. 

Ces mesures d’urgence, qui font partie de la politique agricole commune (PAC), visent à "réduire l'offre globale de certains fruits et légumes sur le marché européen si la pression sur les prix devient trop forte dans les prochains mois", explique le commissaire européen chargé de l’agriculture, Dacian Cioloș, dans un communiqué. Elles consistent entre autres à indemniser les retraits du marché destinés en particulier à la distribution gratuite. L'aide financière s’adresse à l'ensemble des producteurs, qu’ils soient membres d'organisations de producteurs ou non. La Commission a décidé de recourir à ces mesures d'urgence, qu'elle peut financer via une réserve de crise de plus de 420 millions d'euros par an, en raison de l'absence de débouchés alternatifs pour les produits périssables concernés, frappés par l'embargo.

Un budget de 30 millions d'euros pour les mesures de soutien des secteurs de pêches et nectarines

Grands fournisseurs de légumes périssables et de fruits à la Russie, la Pologne, la Lituanie, la Belgique et les Pays-Bas seront les principaux bénéficiaires de ce soutien, a précisé une source européenne. Une réunion exceptionnelle des ministres de l'Agriculture est par ailleurs prévue le 5 septembre à Bruxelles pour faire le point sur l'impact de l'embargo russe, selon le porte-parole Roger Waite. D'une durée d'un an, l'embargo russe concerne le bœuf, le porc, la volaille, le poisson, le fromage, le lait ainsi que les fruits et légumes en provenance de l'UE, des États-Unis, de l'Australie, du Canada et de la Norvège. Il constitue une mesure de rétorsion aux sanctions internationales visant Moscou pour ses atteintes à la souveraineté de l'Ukraine. Les premières estimations chiffrent à quelque 5,2 milliards d'euros les exportations agricoles concernées, dont près de 2,4 milliards pour les fruits et légumes.

Concernant les pêches et les nectarines, particulièrement touchées par des conditions climatiques défavorables, un règlement instaurant des "mesures exceptionnelles de soutien temporaire" a été publié le 22 août 2014 au Journal officiel de l’UE. Dans le communiqué ayant annoncé ces mesures le 11 août 2014, Dacian Cioloș avait affirmé qu’il n’hésiterait pas "à agir de la même manière si d'autres secteurs dépendant des exportations vers la Russie devaient également avoir besoin d'aide".

Un propos encore confirmé par la Commission européenne dans un communiqué du 22 août 2014 dans lequel elle affirme être prête à prendre "d’autres mesures exceptionnelles de soutien du marché, notamment en faveur de certains produits laitiers, pour lesquels des effets négatifs commencent de toute évidence à se faire sentir dans certains États membres".

Le règlement note que l'aide financière de l'Union est octroyée "jusqu'à concurrence de 10 % du volume de la production commercialisée de chaque organisation de producteurs" et que les fruits retirés du marché peuvent être "distribués gratuitement auprès de certaines organisations, telles que les œuvres de bienfaisance et les écoles". Le financement couvrira également les retraits ayant "d'autres destinations" comme le compostage ou l'utilisation à des fins non alimentaires, note la Commission. Le budget consacré à ces mesures est de 29,7 millions d’euros.

Le soutien ne suffira pas, prévient l'organisation agricole européenne Copa-Cogeca

Les producteurs de pêches et de nectarines qui ne sont pas membres d'une organisation de producteurs reconnue peuvent également prétendre à l’aide de l’Union s’ils remplissent les conditions identiques ou analogues à celles applicables aux organisations de producteurs, note le règlement. Ils recevront 50 % des montants prévus au titre de l'aide financière de l'Union existante, en raison du "caractère exceptionnel des perturbations du marché".

Le règlement accorde également des financements supplémentaires, à hauteur maximale de trois millions d’euros, à des campagnes de promotion pour encourager la consommation des pêches et des nectarines dans les quatre pays qui sont les principaux producteurs. Le soutien maximal s’élève à 1,3 million d’euros pour l’Italie, 1,1 million d’euros pour l’Espagne, près de 300 000 euros pour la Grèce et 262 000 euros pour la France. Au total,  la production annuelle de l’UE s’élève à environ 2,5 millions de tonnes pour les pêches et à 1,2 million de tonnes pour les nectarines.

L’organisation agricole européenne Copa-Cogeca a salué les deux mesures prises par la Commission européenne, mais a prévenu que, "avec des prix au producteur ayant baissé de 50 % dans certains cas, le soutien prévu ne suffira pas", dans un communiqué publié le 26 août 2014 à l’occasion d’une manifestation d’agriculteurs polonais à Bruxelles. "Une aide supplémentaire sera indispensable pour empêcher le marché de devenir incontrôlable, ce qui aurait pour conséquence de nouveaux dégâts pour l'économie", met en garde Pekka Pesonen, secrétaire général du Copa-Cogeca. L’organisation estime que l’embargo russe aurait de graves répercussions sur le secteur agricole durant bien plus d'un an et les coûts seraient nettement plus élevés que les 400 millions d'euros prévus dans le fonds de crise de la PAC. "Le soutien ne devrait donc pas être uniquement financé par le budget de la PAC, mais également par d'autres fonds", dit le communiqué. Le Copa-Cogeca appelle à la mise en œuvre de mesures extraordinaires, comme "un versement anticipé des paiements directs, l'intensification des campagnes de promotion afin de stimuler la demande et la recherche de nouveaux débouchés". Dans un autre communiqué, l’organisation a en outre estimé que le niveau des retraits devrait être "plus élevé", évoquant un secteur en crise avec une baisse de prix allant jusqu'à 90 % dans certains cas. "Cette situation n'est nullement notre faute et c'est pourtant notre secteur qui en souffre le plus", a alerté Pekka Pesonen.

Les conséquences de l’embargo russe sur le Luxembourg

Concernant les exportations vers la Russie, le Luxembourg est peu touché par l’embargo russe, car le montant pour les produits alimentaires, le tabac et les boissons exportées s’élève seulement à huit millions d’euros. C’est le secteur laitier qui risque d’être le plus touché par l’embargo, car l’absence du marché russe cause un excédent qui fait chuter le prix, un mécanisme qui vaut également pour les autres produits. Le prix du lait, déjà en baisse, pourrait chuter de 20 à 25 %, estime Claude Steinmetz, directeur de Luxlait, dans le Tageblatt du 21 août 2014. La même analyse est donnée par "De Lëtzeburger Bauer" dans son édition du 18 août : si le journal concède que les exportations directes de produits agroalimentaires du Luxembourg vers la Russie sont "marginales", il met en garde contre une pression sur le marché, notamment dans le secteur laitier, et appelle à créer de nouveaux débouchés.