Le 30 août 2014, les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-huit Etats membres de l’UE se sont retrouvés pour un Conseil européen extraordinaire, au menu duquel figuraient notamment les nominations à deux postes-clé des institutions européennes, à savoir la présidence du Conseil de l’UE et la Haute Représentation de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, l’éventuel renforcement des sanctions contre la Russie dans le dossier ukrainien, l’offensive de l’Etat islamique en Irak et Syrie, l’escalade des combats en Libye, la situation à Gaza et la propagation du virus d’Ebola en Afrique.
Les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-huit Etats membres de l’UE se sont entendus sur la nomination de la ministre italienne des affaires étrangères, Federica Mogherini, au poste de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi que sur la nomination de l’actuel premier ministre de la Pologne, Donald Tusk, au poste de président du Conseil européen.
La nomination de Federica Mogherini, âgée de 41 ans, doit encore être approuvée par le Parlement européen, car le haut représentant pour les affaires étrangères est désormais également vice-président de la Commission européenne et doit se soumettre comme les commissaires européens à l’audition des eurodéputés. Si sa candidature est validée, elle devrait entamer son mandat de cinq ans en même temps que la Commission européenne le 1er novembre 2014.
En revanche, Donald Tusk prendra la relève de l’actuel président du Conseil européen, Herman van Rompuy, à partir du 1er décembre 2014, pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois. A la différence de Herman Van Rompuy, Donald Tusk a la charge supplémentaire de présider les sommets de la zone euro, en droite ligne avec une décision des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de la zone euro.
L’attribution des différents portefeuilles prend en compte des objectifs d’équilibre entre géographique, de parité homme-femme et de rapports de force entre les deux partis européens arrivés en tête des élections européennes de mai 2014 et formant une majorité, à savoir le PPE, vainqueur des dernières élections et auquel le parti de Donald Tusk est rattaché, et le PSE, arrivé en second, représenté par Federica Mogherini.
La nomination d’un Polonais, en la personne de Donald Tusk a pu également être interprétée comme un signe clair face aux visées expansionnistes prêtées à la Russie. D’ailleurs Donald Tusk a défini comme sa priorité la plus pressante de réussir à réunir les Etats membres de l’UE sur une ligne claire concernant le dossier ukrainien. Proche d’Angela Merkel qui avait proposé sa candidature en juillet 2014, Donald Tusk est germanophone et a déclaré qu’il allait suivre des cours intensifs en anglais pour être à la hauteur lors de son entrée en fonctions en décembre 2014.
Evoquant les "défis importants qui attendent l'Europe", la chancelière allemande Angela Merkel, s'est félicitée de la nomination d'un "Européen qualifié, engagé et passionné, 25 ans après la chute du Mur", alors qu’elle a espéré une "bonne collaboration" avec Federica Mogherini. Angela Merkel a aussi souligné le fait que ce soit un Polonais qui présidera désormais les sommets de la zone euro, „ montre que voulons la mise en commun", et non une séparation de la zone euro des autres Etats membres de l’UE ne disposant pas de la monnaie unique, comme ont pu le craindre ces derniers.
"Je pense qu'en nommant Federica Mogherini et Donald Tusk, nous avons fait un bon choix puisque ce sont des personnes qui ont déjà fait preuve d'une forte personnalité et d'une grande capacité à défendre la position européenne, ce dont l'Europe a fortement besoin", a affirmé le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, après la réunion extraordinaire du Conseil européen, selon un communiqué de presse diffusé par le gouvernement luxembourgeois.
Le président sortant du Conseil de l’UE, Herman Van Rompuy, s’est réjoui que Donald Tusk soit son successeur. Le Premier ministre polonais "a impressionné ses collègues et le monde extérieur par la manière déterminée et confiante avec laquelle il a conduit le pays et la Pologne à travers la crise économique, réussissant à maintenir une croissance économique soutenue et à ne jamais tomber dans la récession", a-t-il dit, selon un communiqué de presse.
Par ailleurs, au Conseil européen, il était "profondément impliqué dans toutes les prises de décision difficiles des derniers mois et années – sur le front de l’euro mais aussi sur des crises internationales comme celles de l’Ukraine."
Herman Van Rompuy, estime qu’il y a trois défis à relever pour les prochaines années : l’économie stagnante, le dossier ukrainien qui constitue “la menace la plus grave pesant sur la sécurité du continent depuis la Guerre froide”, et la place de la Grande-Bretagne dans l’UE. Au sujet de ce dernier sujet, Donald Tusk a déclaré que "l’avenir de l’UE ne consiste pas à la rendre plus petite".
Au sujet de Federica Mogherini, Herman Van Rompuy a fait savoir que le Conseil européen est convaincu qu’elle sera "une médiatrice, négociatrice et défenseuse compétente et indéfectible, de la place de l’Europe dans le monde". Elle s’inscrira dans la lignée de "la longue tradition italienne de forte implication pour l’UE".
Du côté des groupes politiques du Parlement européen, l’eurodéputée et présidente du groupe politique des Verts européens au Parlement européen, Rebecca Harms, s’est réjouie qu’avec Donald Tusk, les Etats membres d’Europe de l’Est et d’Europe centrale soient représentés à la tête de l’UE. Toutefois, sa candidature sera source de conflits, prévient-elle. Pour cause, s’il est "un Européen convaincu", "Donald Tusk s’est fait un nom comme sceptique absolu de la politique climatique" et, dans son propre pays, il a également pris "des décisions douteuses notamment en termes de politique éducatives et de retraites".
Par ailleurs, l’eurodéputée écologiste regrette qu’après la nomination de Catherine Ashton en 2009, les chefs d’Etat et de gouvernement aient de nouveau porté leur choix sur une "candidate inexpérimentée en matière d’affaires étrangères". "Nous craignons que Federica Mogherini ait autant de mal, à amener sur une même ligne européenne 28 ministres des Affaires étrangères". Elle et le Service d’action extérieure seront de nouveau considérés comme une „concurrence inutile“, parie-t-elle. Federica Mogherini a dû pour sa part rejeter les reproches de manquer de compétences en soulignant qu’elle travaillait depuis vingt ans, sur des questions de politique étrangère, bien qu’elle ne soit en poste ministériel que depuis moins d’un an. Il n’y a pas que l’expérience dans les institutions qui compte, selon elle.
L’eurodéputée écologiste Rebecca Harms a par ailleurs prévenu que la nomination de Federica Mogherini ne remplit pas leurs attentes en termes d’équité, puisqu’une seule des six positions de pointe est occupée par une femme, et que les Verts européens ne donneront leur accord à la Commission européenne que si elle compte au moins autant de femmes que la précédente Commission.
Le Président du Groupe PPE au Parlement européen, Manfred Weber, a estimé qu’après ces nominations, "l’Union européenne est enfin en ordre de marche". Dans son communiqué de presse, il assigne comme tâche principale à l’UE de mettre en place un programme de réformes, avec une priorité donnée à la croissance et aux emplois, et assurer des finances stables et des budgets consolidés. La désignation du Premier Ministre polonais "est un symbole important de l’achèvement de l’élargissement de l’UE à l’Est". Donald Tusk est "également un homme politique fort, expérimenté, soucieux de trouver un compromis européen". Quant à la nouvelle Haute représentante de la politique extérieure, elle se voit conseiller d’ "essayer aussi rapidement que possible de compenser par son engagement sa faible expérience dans le domaine des affaires étrangères". "Lors des auditions à venir au Parlement européen, le Groupe PPE l’interrogera en détail et se montrera très exigeant", prévient-il.
Lors du Conseil européen extraordinaire du 30 août 2014, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont également ouvert la voie à un renforcement des sanctions contre la Russie, tout en condamnant "l'agression des forces armées russes sur le sol ukrainien" et en appelant la Russie à "retirer immédiatement l'ensemble de ses moyens et forces militaires d'Ukraine". Le Conseil est prêt "à prendre de nouvelles mesures significatives en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain" et appelle "en urgence" la Commission européenne à présenter des propositions d’ici une semaine, selon les conclusions. Le Conseil demande à la Commission d'inclure dans ses propositions une disposition sur la base de laquelle chaque personne et institution traitant avec les groupes séparatistes du Donbass sera inscrite sur les listes, précise le texte.
Fin juillet, le Conseil européen avait déjà adopté un nouveau train de mesures restrictives de l'UE qui ciblaient la coopération sectorielle et les échanges avec la Fédération de Russie, en réponse au crash du vol MH17. "Tout le monde est conscient qu'il faut agir rapidement", a souligné le président sortant du Conseil, Herman Van Rompuy. Le conflit a franchi une nouvelle étape cette semaine après des informations concordantes sur des incursions de troupes régulières de l'armée russe en Ukraine.
"L'intérêt c'est ici de réagir plus rapidement que jamais depuis le début de la crise", a déclaré le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, saluant "la détermination du Conseil européen à faire pression sur la Russie par toutes les voies possibles pour la faire revenir à la table des négociations, parce qu'il n'y a pas de solution militaire". "Ce qui marche le mieux, ce sont les mesures restrictives. Même si cet instrument est source de problèmes et de tensions entre nos États membres, c'est le prix à payer", a conclu le président du Conseil européen. Il a rappelé que les sanctions sont "des instruments censés à montrer aux autorités russes que le comportement actuel n’est pas acceptable au 21e siècle".
"Nous pourrions nous retrouver dans une situation (...) de non-retour si l'escalade se poursuit", a mis en garde le président sortant de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en évoquant une "situation grave et dramatique", à l’issue d’une rencontre avec le président ukrainien Petro Porochenko. Vendredi, il avait averti au téléphone le président Vladimir Poutine que toute nouvelle "déstabilisation" de l'Ukraine aurait un "coût élevé" pour la Russie. Il a désigné de "transgression grave" la présence de forces russes sur le sol ukrainien. "Nous sommes trop près de la frontière où il n'y aurait pas de retour", a lui aussi souligné Petro Porochenko, en accusant la Russie d'avoir envoyé "des milliers" de soldats et "des centaines de chars" sur le territoire ukrainien, ce que Moscou nie catégoriquement.
Le Conseil européen a souligné dans ses conclusions qu'il importe de mettre en œuvre sans délai le plan de paix du président Porochenko que ce dernier avait présenté en juin. La première mesure devrait consister à instaurer d'un commun accord un cessez-le-feu viable, à rétablir le contrôle de l'Ukraine sur sa frontière et à faire cesser immédiatement l'acheminement en Ukraine d'armes, de matériel et de personnel militaire en provenance de la Fédération de Russie, ainsi qu'à faire libérer d'urgence l'ensemble des otages qui sont aux mains des groupes armés illégaux et les prisonniers détenus dans la Fédération de Russie. En outre, le Conseil européen réitère son appel en faveur d'un accès immédiat, sûr et sans restriction au site du crash du vol MH17 dans le cadre d'un cessez-le-feu.
Le Conseil européen a par ailleurs salué les mesures exceptionnelles prises par la Commission européenne pour stabiliser les marchés des produits agricoles et des denrées alimentaires de l'UE touchés par l’embargo russe.
"La Russie doit savoir que les évènements des derniers jours sont inacceptables pour la communauté internationale et pour l'Union européenne. Il faudra attendre l’évolution des prochains jours pour voir s’il sera à nouveau possible d’arriver à un dialogue; si cela n'est pas le cas, l'Union européenne sera prête pour prendre de nouvelles mesures restrictives", a pour sa part déclaré le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel lors d'une entrevue avec la presse, selon un communiqué.
Dans ses conclusions, le Conseil européen s’est déclaré "profondément indigné par la détérioration de la sécurité et de la situation humanitaire en Iraq et en Syrie" et "horrifié par les meurtres aveugles et les violations des droits de l'homme" commis par les djihadistes de l'Etat islamique ou EIIL et d'autres organisations terroristes. Il a estimé que "la création d'un califat islamique en Iraq et en Syrie et l'exportation du terrorisme par des extrémistes islamistes qui en constitue le fondement représentent une menace directe pour la sécurité des pays européens" et qu'une "action résolue est nécessaire pour endiguer l'afflux de combattants étrangers". Il a appelé à accélérer la mise en œuvre du train de mesures de l'UE visant à prévenir la radicalisation et l'extrémisme, échanger plus efficacement les informations ou encore décourager les déplacements suspects. Il demande notamment le Conseil et le Parlement européen à mener à bien pour la fin de l'année au plus tard les travaux sur la proposition de l'UE relative au dossier d’un système européen de collecte des données des passagers aériens.
Le Conseil européen a déclaré soutenir la livraison du matériel militaire par certains Etats membres à l'Iraq, y compris aux autorités régionales kurdes, qui avaient été cautionnées par les ministres des Affaires étrangères lors d’une réunion convoquée d’urgence le 15 août 2014 sous pression de la France. Le Conseil européen appelle à examiner "les moyens d'utiliser plus efficacement les mesures restrictives existantes, en particulier pour priver l'EIIL des revenus tirés de la vente illicite de pétrole ou d'autres ressources sur les marchés internationaux".
Le Conseil européen s’est félicité de l'accord de cessez-le-feu intervenu sous l'égide des autorités égyptiennes le 26 août 2014 après 50 jours de guerre et a appelé tous les groupes terroristes présents à Gaza à déposer les armes. Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont dits "vivement préoccupés par la situation humanitaire désastreuse" dans la bande de Gaza et ont demandé un accès humanitaire immédiat et sans entrave conformément au droit international. Ils ont soutenu que la bande de Gaza "fera partie d'un futur État de Palestine".
Le Conseil européen a condamné l'escalade des combats en Libye et revendiqué de toutes les partis libyens d'accepter un cessez-le-feu immédiat et de mettre en route un dialogue politique efficace. En outre, les chefs d’Etat et de gouvernement exhortent le gouvernement intérimaire et la Chambre des représentants de la Libye à former un gouvernement et encouragent l'assemblée chargée à l'élaboration d'un texte constitutionnel.
Face à la propagation rapide du virus d’Ebola, le Conseil européen s’est déclaré préoccupé et a souligné qu’il faut une réponse internationale coordonnée pour aider les pays touchés à lutter contre cette maladie. Le Conseil s’est déclaré prêt à fournir des fonds et de nouvelles ressources financières et humaines pour soutenir ces efforts. En même temps, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont demandé de ne pas interrompre les liaisons aériennes avec les pays touchés afin que les efforts consentis pour leur venir en aide puissent être suivis d'effets et que les économies de ces pays continuent de fonctionner. "Nous souhaitons la possibilité pour ces pays de lutter contre la propagation de l’Ebola mais qu’ils aient encore la possibilité de vivre avec des économies ouvertes" a résumé le président français, François Hollande.