Le Conseil a adopté formellement les mesures restrictives économiques de l'UE eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation dans l'est de l'Ukraine, le 31 juillet 2014. Cette décision prise via une procédure écrite donne ainsi "valeur juridique à l'accord intervenu au sein du Comité des représentants permanents" (COREPER) deux jours plus tôt, le 29 juillet 2014, détaille un communiqué diffusé par le service de presse du Conseil.
Pour mémoire, ce nouveau train de sanctions cible la coopération sectorielle et les échanges avec la Fédération de Russie. Il prévoit notamment une limitation de l'accès de la Russie aux marchés de capitaux primaires et secondaires de l'UE qui vise en particulier les institutions financières publiques russes ; un embargo sur l'importation et l'exportation d'armes et de matériel connexe ; une interdiction des exportations de biens et technologies à double usage ; ainsi que l’obligation d’autorisation préalable des autorités compétentes des États membres pour les exportations de certains équipements et technologies liés à l'énergie vers la Russie.
De son côté, le ministère russe des Affaires étrangères a estimé dans un communiqué que rapporte l’AFP que "mettre des obstacles à la coopération avec la Russie dans le domaine énergétique" constitue "une mesure irréfléchie et irresponsable". Selon Moscou, les sanctions annoncées par l'UE vont ainsi "inéluctablement avoir pour résultat une hausse des prix sur le marché de l'énergie en Europe".
Le ministère a également critiqué sévèrement la politique de l'UE, dont il accuse qu’elle "ne se fonde plus aujourd'hui sur des faits vérifiés, mais [qu’]elle est dictée par Washington". Ces "sanctions antirusses" témoigneraient ainsi "de l'incapacité de l'UE à jouer un rôle autonome dans les affaires mondiales", a encore jugé le ministère russe.
"Les sanctions renforcées contre la Russie n’auront pas d'effet boomerang à court terme pour notre économie", a estimé de son côté Carlo Thelen, le directeur et chef économiste de la Chambre de commerce du Luxembourg, cité par le quotidien luxembourgeois Luxemburger Wort.
Selon les estimations de Carlo Thelen, les sanctions auront un impact relativement faible sur la place financière de Luxembourg. Les deux filiales de banques russes installées à Luxembourg ne sont pas affectées par les sanctions et la Russie ne jouerait qu’un rôle secondaire dans l’industrie des fonds. Par ailleurs, en termes d’économie réelle, la Russie ne se classe que comme douzième pays d'exportation depuis Luxembourg (150 millions d'euros de marchandises et environ 200 millions d'euros pour les services exportés vers la Russie) et elle se place seulement à la 49e place en termes d’importations.
L’économiste souligne néanmoins qu’il s’agira d'être vigilant dans les prochains mois, certains experts craignant de manière justifiée que les oligarques russes soient de plus en plus nombreux à retirer leur argent d’Europe, bien que le Luxembourg soit moins exposé à ce risque que Londres ou Chypre.
Selon le Luxemburger Wort, Carlo Thelen souligne l’énorme potentiel de croissance en Russie pour les entreprises luxembourgeoises qui serait néanmoins affecté par les nouvelles sanctions de l'UE. L’économiste souligne ainsi qu’une mission économique prévue cette année a dû être reportée et que certaines entreprises comme Cargolux et Paul Wurth sont dans l’incapacité d’étendre leurs activités en Russie, même si elles ne sont pas directement touchées par les restrictions commerciales. "C’est particulièrement regrettable, beaucoup de temps est perdu", estime Carlo Thelen selon lequel la Russie risque de se tourner davantage vers l’Asie.
Une nouvelle crise de l'énergie en raison de la forte dépendance des Etats membres de l’UE au gaz russe serait par ailleurs peu probable selon l’économiste, qui met en avant la faiblesse de l'économie russe à l'heure actuelle et le besoin urgent pour Moscou de générer des revenus à travers l'industrie du pétrole et du gaz. La dépendance énergétique luxembourgeoise au gaz russe se monte à 20 %, la plus grande part importée provenant de Finlande et du Qatar. "Si la Russie devait, contrairement aux attentes, fermer complètement les robinets du gaz, alors tout le monde le ressentirait", dit-il.