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Entreprises et industrie - Institutions européennes
La Médiatrice européenne appelle la Commission à renforcer la lutte contre le "pantouflage" des fonctionnaires de l’UE et les conflits d’intérêts dans des recommandations à la Commission européenne et dans son rapport annuel
23-09-2014


www.ombudsman.europa.eu : Le médiateur européenLa Médiatrice européenne, Emily O'Reilly, a publié le 23 septembre 2014 une recommandation dans laquelle elle demande à la Commission européenne de renforcer ses processus d'examen de cas de "portes tambour", appelés aussi "pantouflage", afin de pouvoir éviter les conflits d'intérêts.

Lacunes dans les décisions pour les cas présumés de "pantouflage"

Pour rappel : La Médiatrice européenne enquête sur des cas de mauvaise administration dans l'action des institutions et organes de l'Union européenne. Tout citoyen de l'Union, résident, entreprise ou association ayant son siège statutaire dans un État Membre de l'Union peut introduire une plainte auprès de la Médiatrice qui offre des moyens rapides, flexibles et gratuits pour résoudre des problèmes avec l'administration de l'UE.

La Médiatrice a également demandé à la Commission de publier régulièrement en ligne toutes les informations pertinentes concernant les hauts fonctionnaires européens, y compris leurs noms, qui quittent l'administration de l'UE pour être employés ailleurs. Ceci fait suite à des plaintes de cinq ONG et l'inspection par la Médiatrice de 54 dossiers de "portes tambour".

Au cours de son enquête, la Médiatrice a en effet constaté des lacunes dans la façon dont les décisions pour les cas de "pantouflage" sont motivées et documentées. Il n'est pas toujours évident de pouvoir déterminer si les fonctionnaires en question ont fourni les informations nécessaires à la Commission, lui permettant ainsi de prendre des décisions éclairées. De plus, la décision d'approuver une demande d'autorisation à pouvoir accepter une offre d'emploi, n'est pas toujours pleinement documentée. La Médiatrice demande à la Commission de corriger ces omissions. Déjà en février 2013, son prédécesseur, le Médiateur P. Nikiforos Diamandouros avait ouvert une enquête sur la manière dont la Commission mettait en pratique ses règles concernant les conflits d’intérêts en cas de "portes tournantes".

Emily O'Reilly s'est expliquée : "Les fonctionnaires ont un droit légitime d'accepter des offres d'emploi lorsqu'ils quittent le service public. Toutefois, afin de maintenir la confiance des citoyens envers la fonction publique européenne, les institutions de l'UE doivent renforcer et rendre plus transparents leurs systèmes de contrôle, pour s'assurer que de tels mouvements ne donnent pas lieu à des conflits d'intérêt. L'expérience internationale nous a montré que ce phénomène de “portes tambour” peut potentiellement avoir une influence corruptrice sur les cadres supérieurs, ce qui endommage immensément la confiance du grand public. Il est très important que nous nous assurions qu'une telle situation ne se développe pas à Bruxelles. Je vais intensifier mes pouvoirs de contrôle en conséquence."

Les fonctionnaires européens qui quittent leur emploi doivent selon la Médiatrice informer leur institution de tout nouvel emploi proposé au cours d'une période de deux ans après avoir quitté leur institution. En outre, les anciens hauts fonctionnaires ne sont pas autorisés à faire du lobbying auprès de leurs anciens collègues pendant une période de douze mois suivant leur départ.

La Commission devra également, selon la Médiatrice, s'assurer que le personnel chargé d'examiner ces départs de fonctionnaires dans d'autres secteurs n'ait eu aucun lien professionnel direct avec le fonctionnaire concerné. Elle demande aussi à la Commission d'informer le personnel que le devoir de "toujours se comporter avec intégrité et discrétion quant à l'acceptation de certaines fonctions ou avantages" n'est pas limité dans le temps.

La Médiatrice recommande également de créer un registre interne qui centraliserait les demandes des fonctionnaires souhaitant aller travailler dans le privé et qui regrouperait les problèmes potentiels de conflits d'intérêts concernant des professionnels arrivant dans l'institution. La Médiatrice est en outre d'avis que la Commission devrait l'informer quand elle refuse de publier un cas de pantouflage concernant un haut fonctionnaire.

Elle rappelle enfin dans son communiqué que "les institutions de l'UE ont le droit de prendre des mesures disciplinaires si un fonctionnaire accepte un emploi qui donne lieu à un conflit d'intérêts".

La Commission doit donner sa réponse d'ici le 31 décembre 2014.

Le rapport annuel 2013 de la Médiatrice

La Médiatrice a publié le même jour son rapport annuel 2013, qui met davantage l'accent sur les questions d'éthique, telles que les conflits d'intérêt. Les questions d'éthique sont, avec les questions liées à la transparence des institutions de l'UE, à la participation des citoyens au processus décisionnel de l'UE et aux droits fondamentaux, celles qui préoccupent le plus les citoyens européens.

La Médiatrice dit avoir aidé 23 245 personnes en 2013. Quelque 19 418 avis ont été donnés via le site Internet du Médiateur, 2 420 plaintes ont été enregistrées et 1 407 demandes de renseignements ont été prises en charge. 9 enquêtes d’initiative ont été ouvertes, et 20 enquêtes de ce type ont été clôturées. 341 enquêtes ont été ouvertes sur la base de plaintes. 441 enquêtes ont été déclenchées par ailleurs sur la base de plaintes qui avaient été clôturées. 340 de ces enquêtes, donc 77,1 %, concernent des particuliers, et 101 des personnes morales – associations, entreprises, etc.. 350 plaintes ont été ouvertes par la Médiatrice en 2013 et 461 plaintes ont été clôturées.

Les enquêtes menées par le Médiateur en 2013 concernaient à 64,3 % la Commission européenne puis à 24 % les agences de l'Union. Les enquêtes clôturées en 2013 portaient surtout sur la transparence et l'accès aux documents, puis la Commission comme gardienne des traités.

Les plaintes reçues en 2013 provenaient d'abord d'Espagne (416 plaintes), d'Allemagne (269), de Pologne (248) et de Belgique (153). La Belgique arrivait, avec 53 enquêtes, en tête pour le nombre d'enquêtes ouvertes sur la base des plaintes suivie de l'Allemagne (40), de l'Italie (39) et de l'Espagne (34). 34 plaintes sont venues du Luxembourg, et 12 enquêtes ont été ouvertes.

Quelques exemples de plaintes et de médiation

Questions d’éthique

L’affaire de "porte tournante" la plus notable traitée en 2013 a été selon le rapport celle de la réintégration d’un haut fonctionnaire retraité de la Commission à la présidence du comité d’éthique ad hoc de cette institution. Composé de trois personnes, le comité conseille la Commission sur les questions d’éthique. Le comité est habilité à examiner les cas où un ancien commissaire souhaiterait accepter un emploi dans le secteur privé qui serait susceptible de porter atteinte à l’intégrité de la Commission. Le fonctionnaire retraité travaillait alors pour un grand cabinet d’avocats et conseillait plusieurs clients, dont un fabricant de tabac.

Trois ONG — LobbyControl, Corporate Europe Observatory et Corporate Accountability International — ont contesté cette réintégration devant la Médiatrice, au motif de l’existence d’un conflit d’intérêts dans la mesure où l’ancien fonctionnaire représentait des intérêts privés dans ses échanges avec la Commission et, dès lors, ne remplissait pas les critères requis d’indépendance.

Dans un premier temps, la Commission a rejeté les arguments des plaignants et souligné que ceux-ci n’avaient apporté aucune preuve concrète de l’existence d’un conflit d’intérêts. La Médiatrice a estimé que la possibilité même que le président du comité ait pu être influencé par des intérêts privés était inacceptable. La Commission a finalement suivi la recommandation de la Médiatrice et a nommé un nouveau président.

Participation citoyenne

Dans ce domaine, le rapport cite l’exemple de la Fédération humaniste européenne (EHF) qui a sollicité la tenue d’un  "séminaire de dialogue" avec la Commission, une demande que celle‑ci a refusée. L’EHF, qui représente 50 organisations humanistes de plus de 20 pays, souhaitait débattre des exemptions prévues par les règles européennes en matière d’emploi dont bénéficient les églises. La Commission a justifié son refus par la nécessité de respecter le statut des églises et des organisations religieuses. L’EHF s’est plainte auprès du bureau du Médiateur, qui a demandé à la Commission d’établir des règles claires concernant son dialogue avec les organisations religieuses et non religieuses.

Droits fondamentaux

L’affaire la plus notable de 2013 en matière de droits fondamentaux a porté sur le refus de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex) de mettre en place un mécanisme de traitement des plaintes.

Frontex coordonne la coopération entre les États membres dans le domaine de la sécurité des frontières extérieures de l’Union et de l’immigration illégale. La Charte revêt une valeur juridiquement contraignante pour Frontex, tout comme un règlement de l’Union européenne qui soumet l’Agence à des obligations supplémentaires en matière de droits fondamentaux.

En 2013, la Médiatrice a posé à l’Agence un certain nombre de questions sur la manière dont celle‑ci s’acquittait de ses obligations et a organisé une consultation publique pour recueillir les contributions de citoyens, d’ONG actives dans le domaine des droits de l’homme et d’autres organisations. La Médiatrice a constaté que, de manière générale, Frontex accomplissait des progrès honorables en ce qui concerne la prise en considération des questions liées aux droits fondamentaux. Néanmoins, elle a recommandé à l’Agence de mettre en place un mécanisme de traitement des plaintes afin de pouvoir gérer directement les réclamations adressées par les migrants et d’autres personnes concernées. Frontex a rejeté cette recommandation, faisant valoir que les incidents individuels relevaient exclusivement de la responsabilité des États membres concernés.

En désaccord avec cet argument, la Médiatrice a soumis un rapport spécial au Parlement européen, pour demander à ce dernier de l’aider à convaincre Frontex d’infléchir son approche. Cette procédure a eu lieu dans le contexte de la tragédie qui s’est produite au large de l’île italienne de Lampedusa à la fin de 2013, au cours de laquelle plusieurs centaines de migrants ont trouvé la mort.

Taux de mise en œuvre des propositions du Médiateur en 2012

La Médiatrice se réfère dans le rapport annuel 2013 au chiffre déjà publié dans le rapport annuel 2012, qui avait révélé "que les institutions se sont globalement conformées aux propositions du Médiateur dans 80 % des cas, voire 100 % pour certaines d’entre elles". La Commission, concernée par la plus forte proportion d’enquêtes menées par le Médiateur, affiche un taux de conformité de 84 %.