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Institutions européennes
Le Médiateur européen ouvre une enquête sur la manière dont la Commission met en pratique ses règles concernant les conflits d’intérêts en cas de "portes tournantes"
14-02-2013


Le 14 février 2013, le Médiateur européen, P. Nikiforos Diamandouros, a annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire sur la manière dont la Commission met en pratique ses règles concernant les conflits d'intérêts dans des cas de pantouflage ou de "portes tournantes". Un terme utilisé pour décrire des allers et retours de fonctionnaires entre le secteur public et le secteur privé dans des emplois étroitement liés.www.ombudsman.europa.eu : Le médiateur européen

L’ouverture de cette enquête fait suite à une plainte déposée en octobre 2012 par les ONG Corporate Europe Observatory, Greenpeace, LobbyControl et Spinwatch. 

Le Médiateur va examiner les allégations des plaignants selon lesquelles la Commission, de manière systémique, ne traite pas correctement de tels cas. Comme première étape, il a demandé à la Commission de lui fournir une liste des cas pouvant potentiellement relever de cette catégorie et dont elle s'est occupée ces trois dernières années. Le Médiateur décidera alors lequel de ces cas individuels il inspectera. S'il trouve des indications d'un problème systémique, il ouvrira une enquête de sa propre initiative. 

La plainte déposée par Corporate Europe Observatory, Greenpeace, LobbyControl et Spinwatch

Les plaignants estiment que le fait que la Commission ne traite pas comme il se doit les conflits d’intérêts permettent aux intérêts privés d’influencer les politiques publiques. Ils lui reprochent notamment de ne pas appliquer les règles du statut des fonctionnaires qui sont censées prévenir des problèmes liés au phénomène de pantouflage.

En vertu de leur statut, les ex-fonctionnaires européens qui souhaitent exercer une activité professionnelle dans les deux années suivant la cessation de leurs fonctions doivent la notifier à leur ancien employeur. Si cette activité risque de poser problème, l'institution "peut (...) soit interdire au fonctionnaire l'exercice de cette activité, soit le subordonner à toute condition qu'elle juge appropriée".

A titre d'exemple, en 2011, sur 105 demandes, 80 ont été acceptées, 24 acceptées sous conditions et une rejetée.

Or, les plaignants ont documenté plusieurs cas dans lesquels ces règles n’ont pas été respectées. Dans leur plainte, ils citent plusieurs noms. Pablo Asbo, après avoir travaillé six ans au sein de la DG Concurrence sur les fusions, est devenu directeur adjoint à la concurrence pour Avisa Parners et n’a demandé l’autorisation d’exercer cette activité que six mois après avoir commencé. John Burton, ambassadeur de l’UE auprès des Etats-Unis jusqu’en octobre 2009, a commencé à travailler pour IFSC Irlande en septembre 2010 et a accepté d’être consultant senior pour le cabinet DN en décembre 2010. Il a lui-même confié en mars 2011 ne pas avoir été informé par la Commission des règles auxquelles il aurait dû être soumis. Petra Erler, chef de cabinet du commissaire en charge de l’Entreprise et de l’Industrie jusqu’en février 2010 a fondé et pris la direction d’une entreprise appelée European Experience Company en avril 2010 et elle n’a introduit sa demande d’autorisation qu’à la fin du mois d’août, justifiant le retard avec lequel elle le faisait en expliquant elle aussi ne pas avoir connu les règles. Eline Post, assistante dans la gestion de dossiers à la DG Concurrence est partie travailler chez Avisa Partners en tant qu’associée senior sur des affaires de concurrence et de finance et n’a demandé une autorisation que huit mois après, sans avoir été informée de ses obligations au moment de son départ. Derek Taylor, conseiller en énergie auprès de la Commission pendant 25 ans est parti en retraite et a aussitôt fondé une société de consultance DMT Energy Consulting sans avoir demandé d’autorisation, ce qu’il n’a fait qu’au bout de deux ans. Dans la plupart de ces cas, les demandes d’autorisation n’ont été introduites qu’après que les ONG se soient intéressées au dossier.

L’ouverture de l’enquête saluée comme "une bonne nouvelle pour la transparence"

Jorgo Riss, directeur chez Greenpeace UE a salué l’ouverture de l’enquête du médiateur comme "une bonne nouvelle pour la transparence". Selon lui, "la Commission a fermé les yeux trop longtemps sur les conflits d’intérêt qui peuvent survenir lorsque les bureaucrates de l’UE changent de métier pour devenir lobbyistes ou quand des lobbyistes commencent à travailler au sein de l’administration de l’UE". Il espère donc que l’enquête du médiateur conduira la Commission à "fermer les portes aux lobbyistes privés qui mettent en danger l’intérêt général".

L'ouverture de cette enquête, soulignent les plaignants, survient après la "mystérieuse démission du commissaire Dalli", poussé à la démission en octobre dernier après un rapport de l'Office européen de lutte contre la fraude le soupçonnant d'avoir couvert une tentative d'extorsion. "Le Dalligate a montré que les contacts personnels au sein de la Commission étaient extrêmement utiles pour les lobbyistes qui veulent promouvoir leurs intérêts", commente ainsi Rachel Tansey, de Corporate Europe Observatory.

Les plaignants rappellent aussi que la Cour des comptes a épinglé récemment plusieurs agences de l’UE sur la gestion des conflits d’intérêt. Et ils appellent la Commission et le Parlement européen à exiger des groupes de lobbying, des entreprises et des consultants qu’ils précisent sur le registre de transparence de l’UE si leur personnel a travaillé préalablement comme agent de l’UE. La révision en cours du registre offre une opportunité de le rendre obligatoire et d’y ajouter de nouvelles clauses. De même, la révision prochaine du statut pourrait offrir une opportunité de renforcer les règles visant à éviter le pantouflage.

"Des règles et des mécanismes très stricts ont été mis en place pour éviter tout conflit d'intérêts" et "ces règles sont rigoureusement appliquées", affirme un porte-parole de la Commission

La Commission "ne doute pas que les travaux du médiateur pourront lui permettre de vérifier rapidement qu'il n'y a guère de mauvaise administration de la Commission dans le cadre de la gestion de ses dossiers", a réagi un porte-parole de la Commission, Olivier Bailly. "Des règles et des mécanismes très stricts ont été mis en place pour éviter tout conflit d'intérêts" et "ces règles sont rigoureusement appliquées par la Commission à l'égard de toutes les catégories de personnels", a-t-il ajouté.