Le commissaire désigné à l'Environnement, aux Affaires maritimes et à la Pêche, Karmenu Vella, a passé son audition devant le Parlement européen le 29 septembre 2014.
Né dans un village de pêcheurs au Sud de Malte, le 19 juin 1950, le représentant maltais de la Commission Juncker est un architecte et ingénieur civil de formation. Il a également étudié le management du tourisme. Il a été un membre élu du Parlement maltais depuis 1976, sous les couleurs du Parti travailliste. Il a également été ministre en charge des portefeuilles des Travaux publics (1981-84), de l’Industrie (1984-87) et du Tourisme (1996-98 et 2013-14).
Karmenu Vella a également une expérience étoffée dans le secteur privé. Son curriculum vitae indique qu’il a été dirigeant ou actionnaire de nombreuses sociétés, notamment dans le jeu et le voyage. Il a par exemple été président exécutif de la chaîne d’hôtels de luxe Corinthia (de 2001 à 2007) et directeur non exécutif de sociétés de jeu de 2007 à 2013.
C’est d’abord sur sa connaissance des dossiers qui lui sont confiés, que Karmenu Vella était attendu par les eurodéputés des commissions de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité des aliments (ENVI), de la pêche (PECH) et des transports (TRAN) du Parlement européen.
Ensuite, il devait répondre au scepticisme suscité par la fusion des portefeuilles de l’environnement d’une part, affaires maritimes et pêche, d’autre part, qui avait, dès le 10 septembre 2014, engendré les critiques des ONG environnementales. La Commission entendait par cette réunion " refléter la double logique de la croissance 'bleue' et 'verte'". Mais les ONG craignaient une relégation de l’Environnement au second rang, à la faveur des groupes d’intérêts privé.
Devant les eurodéputés, Karmenu Vella a défendu l’idée que la pêche et l'environnement sont les deux côtés d'une même médaille, tous deux au service du développement durable inscrit dans les Traités. "Quand on parle environnement, on pense toujours à la terre ferme. Or la Terre est couverte à 70 % d'océans", a fait remarquer le candidat au poste de commissaire, selon des propos rapportés par l’Agence Europe dans son bulletin quotidien. "Il est logique que les deux portefeuilles soient combinés. Cela créera une synergie plutôt qu'un affaiblissement mutuel", a-t-il poursuivi.
"Pour 95 % des citoyens, l'environnement est important. Je suis convaincu que nous n'aurons pas de croissance si cette croissance n'est pas équitable et durable. La durabilité n'est pas un luxe. Elle est cruciale pour l'avenir économique", a assuré l’aspirant commissaire en faisant valoir sa propre expérience de ministre du tourisme maltais, dépendant à 100 % de l'environnement. Il a souligné que le 7e programme d'action pour l'environnement (PAE) constitue la feuille de route pour relever ce défi.
"Mes priorités sont de veiller à ce que notre croissance soit durable du point de vue de l'environnement et s'inscrive dans l’action globale de la Commission en protégeant les écosystèmes ; protéger les citoyens de toutes les pressions et des risques liés à l'environnement, la qualité de l'air et de l'eau qui menacent leur santé, de mettre en œuvre la politique de la pêche réformée, d'œuvrer à une meilleure gouvernance et de développer la croissance bleue", a-t-il également déclaré. Pour renforcer la croissance bleue, représentant 3,6 millions d'emplois dans l'économie maritime, le commissaire Vella entend œuvrer à l'exploitation du plein potentiel de l'aquaculture, de l'énergie et des biotechnologies et au renforcement de la recherche pour améliorer les connaissances. "Lorsque je parle de croissance bleue et de croissance verte, j'ai toujours la préoccupation sociale à l'esprit: la création d'emplois et la qualité de ces emplois", a-t-il précisé lors du débat, selon l'Agence Europe.
Cependant, à la suite notamment de l’eurodéputé ALDE, Alain Cadec, président de la commission de la pêche au PE, qui en avait fait part le 10 septembre 2014, des députés craignaient également qu’une telle fusion se fasse au détriment de la pêche. "La pêche a évidemment une dimension environnementale essentielle mais il est extrêmement dangereux de ne la considérer que sous cet angle. La Commission ne doit pas oublier que la pêche est aussi une activité économique importante dans les territoires côtiers", avait prévenu Alain Cadec.
Or, durant l’audition, Karmenu Vella, a dit comprendre "l'importance économique des mers" et s'est engagé à mettre en œuvre la politique commune de la pêche réformée pour reconstituer les stocks, répondre aux besoins des pêcheurs et des communautés de pêche dans l'intérêt des ressources halieutiques, mais aussi des personnes qui vivent de la pêche.
Karmenu Vella a dû également rassurer sur sa volonté de faire appliquer la directive "Oiseaux" à son propre pays, à qui est reproché de ne pas lutter contre la chasse aux oiseaux migrateurs. "Je condamne toute chasse illégale. Je ne suis pas commissaire désigné pour Malte, mais pour l'intérêt de l'Union européenne", a garanti le commissaire.
Dubitatifs avant l’audition, le groupe Verts/EFA dit, par la voix de ses porte-paroles pour l’environnement, l’eurodéputé néerlandais Bas Eickhout, et pour la pêche, l’eurodéputée suédoise, Isabella Lövin, avoir été convaincus de la pertinence de fusionner les deux portefeuilles de la pêche et de l’environnement. Le fait que Karmenu Vella ne veuille pas affaiblir les règlements sur les oiseaux et les habitats, qu’il soit favorable à l’interdiction des pesticides nocifs aux abeilles et connaisse le problème des monocultures, sont d’autres motifs de satisfaction. Par contre, le Maltais est aussi apparu aux écologistes comme fuyant le conflit. Il n’a ainsi pas fourni de réponse sur les initiatives législatives en attente, comme l’accès à la justice, les inspections environnementales, les perturbateurs endocriniens et l’alimentation durable, disent-ils. "Sur les gaz de schiste et les exploitations pétrolières, il donne la responsabilité aux Etats membres et soutient une approche minimaliste et non contraignante au niveau européen", déplorent les deux porte-paroles verts. Enfin, les Verts regrettent que le candidat ne soit pas troublé par l’absence de la mention du développement durable dans les attributions des vice-présidents de la Commission européenne.
"La politique environnementale ne sera pas au second rang » mais Jean-Claude Juncker devra nommer un vice-Président responsable pour l’environnement, pense Matthias Groote, porte-parole du groupe Socialistes et démocrates (S&D) sur la politique environnementale. Au nom du Parlement européen, son président Martin Schulz, a déjà adressé une telle demande au président de la Commission européenne.
Le groupe S&D est en tout cas satisfait de la prestation "convaincante" d’un des huit commissaires issus du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D), comme on le lit dans un communiqué de presse. Le vice-président des S&D, Isabelle Thomas, a parlé d’"une approche très équilibrée du développement durable", notamment quand Karmenu Vella dit que "la pêche n’est pas qu’une question de conservation, mais aussi d’emplois et de viabilité économique de régions côtières".
L’ECR a apprécié son engagement "à rationaliser la législation européenne pour prendre en compte les lois nationales existantes mais il semble clair qu’il aura à apprendre beaucoup pour être capable de travailler sur ce dossier".
Le PPE a réagi en rappelant qu’il souhaite que l’UE garde son rôle de leader dans les normes environnementales et maritimes standards. "Il y a beaucoup à faire. Un air propre, un usage efficace des ressources et l’actuel septième programme d’action européen pour l’environnement", a dit le porte-parole du PPE au comité ENVI, Peter Liese.
Du côté des ONG environnementales, par contre, l’audition est un échec. BirdLife Europe et le Bureau Environnement Europe, dans un communiqué de presse commun, juge que le commissaire fut "vague, évasif et souvent inexact" dans ses réponses.
"Soit Vella n’était pas autorisé à prendre des engagements durant son audition, soit il n’avait pas assez de connaissances pour le faire. Dans les deux cas, les conclusions pour la commission de l’Environnement doivent être claires. Ils ne peuvent pas le laisser passer s’ils veulent que le Parlement européen soit pris au sérieux durant les cinq prochaines années", a déclaré le directeur de la politique européenne au BEE, Pieter Depous.