Le commissaire européen désigné à l’économie et la société numérique Günther Oettinger, actuellement encore commissaire européen en charge de l’énergie et aussi vice-président de la Commission européenne, a comparu le 29 septembre 2014 devant la commission de l’industrie et de la commission de la culture du Parlement européen pour être auditionné avant le vote en plénière sur la Commission Juncker le 22 octobre 2014. Il a hérité ce portefeuille de la Néerlandaise Neelie Kroes qui l'avait dirigé sous le nom "agenda numérique".
Günther Oettinger s’est surtout illustré en fin de mandat en endossant le costume de médiateur entre Moscou et Kiev dans leur conflit sur les livraisons de gaz russe en Ukraine. L'Allemand n'a pas réussi à leur arracher un accord, mais son opiniâtreté à ramener les parties en conflit encore et toujours à la table des négociations a été remarquée. Il s’est également dressé comme un défenseur de l’industrie en Europe, en plaidant pour un redéploiement industriel. Après Fukushima, il a imposé des tests de résistance des centrales nucléaires européennes, empiétant sur un domaine normalement strictement réservé aux pays membres. Par ailleurs, un de ses grands dossiers étaient l’efficacité énergétique et la conception d’une politique énergétique commune.
Günther Oettinger avait été ministre-président chrétien-démocrate du Bade-Wurtemberg de 2005 à fin 2009, quand la chancelière Angela Merkel l’a nommé à Bruxelles. En tant que commissaire à l’économie numérique, il ne sera plus vice-président de la Commission, mais agira sous la responsabilité d’Andrus Ansip, vice-président de la Commission en charge du marché unique numérique. Certains médias y voient une perte de pouvoir considérable, voire une "éviction" et une "défaite" de l’Allemagne qui aurait préféré un poste plus influent, tel que le commerce. Selon le magazine "Die Zeit", ce choix de Jean-Claude Juncker a été un "affront" pour Angela Merkel.
Lors de son audition au Parlement européen, le 29 septembre 2014, le commissaire désigné a mis en garde contre le retard de l’Europe par rapport à la concurrence mondiale, tout en appelant à le rattraper au plus vite. Günther Oettinger a souligné que les dix plus importantes entreprises de technologies d’information (TI) aux Etats-Unis auraient assez de capacité financière pour reprendre les plus importantes entreprises TI en Europe, dont il estime le nombre entre 50 et 80. L’Europe serait en train de vivre une "révolution", a-t-il jugé, en appelant à une meilleure coopération des autorités nationales dans le marché unique numérique.
Quant à la réforme du droit d’auteur, Günther Oettinger a confirmé la ligne de la Commission européenne qui veut "briser les barrières nationales en matière de réglementation" des télécommunications et du droit d’auteur, selon les priorités affichées de Jean-Claude Juncker, ce qui inquiète notamment les artistes, comme le note Euractiv. Selon cette source, le commissaire veut que la numérisation de l'Europe se fasse "avec le minimum de réglementation" et promet une réforme "équilibrée" du droit d’auteur d’ici deux ans. Selon Günther Oettinger, le secteur "pâtit encore (...) de la fragmentation du cadre réglementaire (y compris en matière de droit d'auteur), de sorte que de nombreuses industries créatives opèrent au sein d'environnements régionaux cloisonnés". Il estime qu’il faut trouver la "balance" entre les intérêts des utilisateurs du monde numérique d’avoir accès aux biens culturels et ceux des ayants droits.
La Commission européenne réfléchit sur des règles d’exception quant à la neutralité de l’internet, le principe que tout contenu sur le web circule sur le même réseau à la même vitesse, a concédé le commissaire désigné. "Il peut seulement y avoir une dérogation à la règle de la neutralité du web, s’il s’agit d’intérêts publics et non pas commerciaux", a déclaré Günther Oettinger lors de son audition.
Défenseur des intérêts industriels, en particulier allemands, Günther Oettinger est une bête noire pour les associations écologistes. Pour le Verts, sa nomination est une "véritable erreur", selon les propos de Rebecca Harms, la présidente du groupe politique au Parlement européen.
L’eurodéputée allemande Julia Reda, membre du parti des pirates et affiliée au groupe des Verts, a dénoncé le "manque de compréhension" de la politique numérique du commissaire désigné, en lui reprochant entre autre d’être "centré sur l’industrie" et de ne pas soutenir la position du Parlement européen en faveur d’une forte neutralité du web.
Le GUE/NGL estime ne pas avoir été convaincu par l’audition de Günther Oettinger qui aurait proposé des "promesses vides" et "les mêmes recettes", quand il plaidait pour "plus de compétitivité et plus de dérégulation" du secteur informatique. Le groupe reproche au commissaire désigné de n’avoir présenté qu’une "vision strictement économique", sans donner des réponses aux questions-clés comme la protection des données.
Le groupe S&D a demandé "plus de clarté" sur la position et les plans de Günther Oettinger, tout en réclamant des "garanties plus fortes" quant à la neutralité du web qui aurait besoin d’une "définition claire". L’eurodéputé Petra Kammerevert lui a reproché d’avoir une "compréhension limitée" du domaine de la culture et de l’apercevoir seulement du point de vue du consommateur et comme un facteur de "contribution à la croissance économique", tout en lui demandant de "respecter la diversité culturelle".
Pour le PPE, Günther Oettinger montrera le "même dynamisme" pour la création d’un marché unique numérique que celui qu’il aurait déjà montré lors de la création d’un marché unique de l’énergie. "Günther Oettinger était soigneusement préparé et a fait preuve d’un engagement exceptionnel", a jugé l’eurodéputé Krišjānis Kariņš, en estimant que Günther Oettiner saura mettre l’Europe sur le front de la révolution numérique.