Le principe de neutralité de l’internet ou de neutralité du réseau est le principe qui vise à garantir un traitement égal de tous les flux de données qui transitent sur le réseau, donc à une transmission impartiale des informations.
Dès 2010, la Commission européenne avait lancé une consultation sur ce sujet. Il s’agissait notamment de déterminer si les fournisseurs peuvent être autorisés à adopter certaines pratiques en matière de gestion du trafic internet, par exemple en privilégiant un certain type de trafic par rapport à un autre...
Dans son Paquet Télécom présenté en septembre 2013, la Commission européenne a retenu le principe, tout en le soumettant à dérogation. Ainsi le blocage et la limitation du contenu internet seraient interdits, garantissant aux utilisateurs l'accès à un internet ouvert et sans restriction, indépendamment du coût ou de la vitesse prévus par leur abonnement. Néanmoins, les entreprises seraient toujours en mesure de fournir des "services spécialisés" à qualité de service garantie, pour autant que ces services ne freinent pas les vitesses d'accès promises à d’autres clients.
Une position très critiquée par des associations défendant la neutralité du net, qui y voient une discrimination et jugent le projet trop complaisant envers les opérateurs. Les consommateurs auraient de leur côté le droit de vérifier s'ils bénéficient réellement de la vitesse d'accès pour laquelle ils paient et de renoncer à leur contrat si le fournisseur de services d’internet ne respecte pas ses engagements à cet égard.
Dans plusieurs Etats membres, dont le Luxembourg, le sujet a également fait débat.
Si les États membres sont au niveau du Conseil d'accord avec le principe, ils estiment que l'encadrement des dérogations est trop flou et trop peu détaillé, alors que la Commission propose que les entreprises de télécommunications doivent pouvoir fournir des conditions de trafic privilégiées, en terme de volume ou de rapidité, à certains clients moyennant finances.
Ces critiques sont partagées par le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD). Dans un avis officiel publié en novembre 2013, celui-ci se félicitait de l'inclusion dans le texte du principe de neutralité du Net, tout en soulignant qu’il était en même temps "dépourvu de sa substance en raison du droit presque illimité des fournisseurs d'accès de gérer le trafic Internet".
L’article 23 (5) (a) de la proposition législative poserait en effet problème. Celui-ci prévoit que "dans les limites convenues contractuellement en termes de volumes de données ou de vitesses d'accès aux services Internet, les fournisseurs d'accès à Internet ne doivent pas restreindre les libertés prévues au paragraphe 1 en bloquant, en ralentissant, en limitant ou en filtrant des contenus des contenus, applications ou services, sauf dans les cas où il est nécessaire d'appliquer des mesures raisonnables de gestion du trafic. Ces mesures raisonnables de gestion du trafic doivent être transparentes, non discriminatoires, proportionnées et nécessaires pour: (a) mettre en œuvre une mesure législative ou une décision de justice, ou prévenir ou empêcher la commission de crimes graves […]".
Selon le CEPD, la proposition favorise ainsi des mesures de gestion du trafic permettant la surveillance des communications des internautes, y compris les courriels envoyés ou reçus, les sites visités et les fichiers téléchargés, afin de filtrer, ralentir ou limiter l'accès à certains services ou contenus illégaux, le CEPD évoquant ainsi une "ingérence" dans les droits à la protection des données personnelles, à la vie privée et à la confidentialité des communications.
Le Contrôleur met ainsi en garde contre la mise en place de telles mesures qu’il juge "hautement intrusives dans la vie privée, sous prétexte de prévention de la criminalité ou de filtrage de contenus illégaux en vertu du droit national ou européen", car ces mesures seraient "incompatibles avec le principe d'un Internet ouvert". Il invite par ailleurs la Commission à indiquer plus précisément les raisons pour lesquelles des mesures de gestion du trafic pourraient être appliquées, ainsi que les techniques d’inspection utilisées.
Le paquet législatif présenté par la Commission européenne doit désormais être adopté par la commission industrie, recherche et énergie (ITRE) du Parlement européen, avant d’être soumis à la plénière d’ici la fin de la législature actuelle.