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Changement climatique - Entreprises et industrie - Énergie - Environnement
Accord sur le climat – Tandis que les ONG environnementales dénoncent des objectifs beaucoup trop bas, l’industrie et les entreprises européennes craignent une distorsion de la concurrence
27-10-2014


gaz-effet-serre-source-peLes réactions étaient mitigées à la suite de l’annonce d’un accord sur le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 lors du Conseil européen du 23 octobre 2014. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont fixé pour objectif contraignant de réduire d’ici 2030 de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 ainsi que de 27 % pour les énergies renouvelables et en matière d’efficacité énergétique.

Les groupes politiques espéraient des objectifs plus ambitieux

Pour rappel, le Parlement européen avait adopté en février 2014 une résolution, appelant le Conseil à fixer des objectifs de réduction des émissions de CO2 de 40 %. Le texte allait plus loin en matière d'efficacité énergétique pour laquelle un objectif de 40 % était requis par les députés, ainsi qu’une augmentation à 30 % de la part des énergies renouvelables.

Peter Liese, porte-parole de son groupe pour l'environnement du groupe PPE, juge "les objectifs trop faibles pour les renouvelables et l'efficacité énergétique", mais se réjouit qu'un accord ait pu être trouvé sur un objectif contraignant d'une réduction de 40 % des émissions de GES. "C'est un objectif ambitieux qui permettra des progrès dans les négociations climatiques internationales", estime-t-il, ajoutant que l’Union a encore "fait la preuve de sa qualité de leader" en matière de protection du climat.

Le groupe S&D, qui espérait des objectifs plus ambitieux et prônait 50 % pour la réduction des émissions de CO2, 45 % pour la part des renouvelables et 40 % pour les économies d'énergie, a annoncé qu'il se battra pour obtenir davantage dans les négociations. "Nous escomptions plus, mais, étant donné les tensions avant le Conseil européen et le risque de ne pas parvenir à un accord, le S&D salue la position unie à laquelle il est parvenu, en attendant le sommet climatique de Paris l'an prochain et nous avons encore du temps pour nous entendre sur des objectifs plus ambitieux. Le compromis du Conseil européen est un point de départ", déclare Gianni Pittella, président du groupe.

Pour Gabi Zimmer, présidente du groupe de gauche GUE/NGL, l’occasion de s’accorder sur un paquet de climat "ambitieux" a été ratée. L’accord présenté par le Conseil européen est, selon elle, "plein de mauvais compromis". Elle appelle les dirigeants européens qui ont montré "peu d’ambition" à s’engager pour des objectifs de réduction des émissions de CO2 de 50 % pour 2030 et de 80 % pour 2050.

Le groupe des Verts estime que le Conseil a commis "une triple faute", à savoir écologique, économique et stratégique : "Écologique, car le changement climatique est en marche et on ne négociera pas avec la planète". Économique, "car en ralentissant de moitié le rythme de ses efforts climat/énergie, l'Union européenne envoie un signal clair - et négatif – à toutes les entreprises qui avaient investi dans la transition énergétique" et stratégique parce que la dépendance énergétique "nous coûte 400 milliards par an", déclare le coprésident Philippe Lamberts. Il ajoute que, pour les Verts au Parlement européen, les objectifs climat/énergie doivent "à la fois faire preuve d'ambition (-60 % de CO2, 45 % de renouvelables et 40 % d'amélioration de l'efficacité énergétique) et être contraignants".

Pour Guy Verhofstadt, président du groupe ALDE, les dirigeants européens ont "décidé de faire passer les priorités nationales à court terme avant l'intérêt européen". "Au lieu de prendre les devants dans la lutte contre le changement climatique, les conclusions de ce sommet mettent l'Europe en attente", estime-t-il. Pour Gerben-Jan Gerbrandy, coordinateur de l'ALDE de la commission environnement, l’accord est "dépourvu de toute ambition" et risque de "porter atteinte à la crédibilité de l'Europe lors de débats internationaux sur les changements climatiques". Le fait que l’objectif de 27 % pour les énergies renouvelables n’est pas contraignant pour les Etats membres est "un signal négatif" et "engendrera davantage d'incertitude pour les entreprises innovantes et retardera les investissements nécessaires dans les énergies renouvelables". Pour Frédéric Federley, coordinateur du groupe ALDE de la commission industrie, recherche et énergie, il s’agit d’un "jour sombre pour les politiques en matière de changement climatique de l'Europe". "Lorsque l'Europe revoit ses ambitions à la baisse, cela envoie un message clair aux États-Unis de faire de même, et indique clairement au reste du monde la voie à suivre", estime-t-il.

Les organisations des patrons, du commerce et de l’industrie craignent une distorsion de la concurrence

BusinessEurope, l’organisation européenne représentant 39 fédérations patronales membres de 33 pays européens, regrette le manque d'emphase sur la compétitivité européenne dans les objectifs climatiques. Les conclusions du Conseil européen ne contiennent pas "d'impulsion forte" pour repenser la politique européenne afin de réduire les effets de distorsion de la concurrence et réduire les émissions de CO2 de manière plus rentable, critique BusinessEurope. Son directeur général, Markus J. Beyrer, estime en effet que les dirigeants n'ont pas eu la force de réorienter les politiques énergétiques et climatiques vers la compétitivité internationale de l'industrie européenne et appelle à des mesures plus fortes pour lutter contre les fuites de carbone pour éviter une relocalisation industrielle "hors d’Europe".

Eurochambres, la Chambre de commerce et de l’industrie européenne, craint que ces objectifs ne viennent nourrir un nouveau ralentissement économique. Le secrétaire général de l'association, Arnaldo Abruzzini, rappelle la nécessité d'empêcher les entreprises européennes de rediriger leurs investissements, leurs emplois et leur émissions vers des pays tiers. "L'UE doit élaborer une stratégie pour que l'Europe reste un endroit attractif pour les entreprises énergivores", résume-t-il. Eurochambres déplore en outre l'absence de référence à l'objectif européen de 20 % de ré-industrialisation dans les conclusions du Conseil.

Eurofer, l’association européenne des sidérurgistes, estime que l’objectif de réduction d'émission de CO2 de 40 % pose "un énorme défi", vu que les concurrents mondiaux ne sont pas soumis à de telles contraintes. L’association apprécie que les leaders européens aient pris soin de garantir des clauses spécifiques pour les installations les plus performantes du point de vue environnemental (allocations gratuites pour 10 % des installations les plus propres).

L'association des constructeurs automobiles européens (ACEA) apprécie que les décideurs s'engagent à prendre en compte le rapport coût/efficacité pour atteindre la réduction des émissions de CO2, tout en appelant à équilibrer la durabilité environnementale avec la compétitivité.

Les ONG écologistes et les syndicats dénoncent des objectifs trop bas

Pour le Bureau européen de l'environnement (BEE), les objectifs convenus par le Conseil européen sont "un résultat ultra-minimaliste". Pire, c'est "un camouflet pour les citoyens européens qui avaient espéré que leurs gouvernements agissent de manière responsable et pour le monde". Soulignant que de plus en plus d'événements climatiques extrêmes, tels que les inondations et les feux de forêt, frappent les peuples et leurs communautés dans toute l'Europe, Jeremy Wates, secrétaire général du BEE, déclare qu'"adopter un ensemble d'objectifs pour réduire les gaspillages d'énergie de 40 %, porter les énergies durables à 45 % du mix énergétique et réduire les émissions de 60 %, c'est ce qu'exige la science et c'est aussi ce qui aidera l'Europe à retomber sur ses pieds".

Greenpeace déplore que les dirigeants de l'UE aient mis "la pédale de frein" sur l'économie propre en s'accordant sur des objectifs beaucoup trop bas, qui ralentissent les efforts pour stimuler l'énergie renouvelables et maintiennent l'Europe enfermée dans les combustibles polluants et coûteux.

La Coalition pour les économies d'énergie, dont font partie des ONG environnementales comme Friends of the Earth ou WWF, dénonce que l’objectif de l'efficacité énergétique est "si faible qu'il est dénué de sens" et "qu’il ne permettra pas à l'UE de réduire sa dépendance énergétique d'un tiers", alors qu’au Conseil européen de mars, il "avait été élevé au rang de priorité pour accroître la sécurité énergétique et stimuler la croissance". La Coalition estime que le potentiel rentable des économies d'énergie d'ici à 2030 est en fait de 40 %, "selon les dernières recherches publiées par la Commission elle-même". Elle souligne que ce potentiel ne relève pas seulement de la logique économique pour l’UE, mais aussi d'un intérêt stratégique, puisque "chaque pourcentage d'énergie économisée permettrait de réduire les importations de gaz de 2,6 %".

Pour l’Union européenne des syndicats (CES), l’objectif de réduction des émissions de CO2 de 40 % représente un "effort louable", tandis qu’elle estime que les objectifs de 27 % en matière d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique sont "peu ambitieux" et ne contribueront pas à la création d’emploi et à l’investissement. La CES juge pourtant que l’accord constitue "un signal positif en vue de l’accord international sur le climat censé être conclu l’année prochaine à Paris".

Les différents secteurs de l'industrie européenne des énergies renouvelables dénoncent le manque d'ambition

La Fédération européenne des énergies renouvelables (EREF) s'est dit "très déçue" du fait que l'objectif de 27 % pour les énergies renouvelables ne soit contraignant qu'à l'échelle de l'UE et que celui de 27 % d'efficacité énergétique soit seulement indicatif aux niveaux européen et national. Elle demande un objectif de 40 % pour les deux volets, tout en déplorant un "dangereux revers pour l'amélioration de la sécurité énergétique, le renforcement de la croissance verte et la réduction des émissions de gaz à effet de serre".

Une position partagée par l'Association européenne de l'énergie éolienne (EWEA), qui regrette une "occasion ratée" de fixer un objectif ambitieux pour les renouvelables à l'horizon 2030. "Les capitales ont ignoré les appels du secteur des renouvelables et des chefs d'entreprise européens pour un objectif national contraignant d'au moins 30 %. L'incertitude demeure sur le caractère exécutoire des objectifs nationaux en matière de renouvelables, puisque les États membres devront eux-mêmes définir leurs engagements pour atteindre collectivement l'objectif européen", regrette EWEA. "Cela affaiblit la position de l'UE pour les négociations sur le climat à Paris, fin 2015", ajoute l'association, aux yeux de laquelle personne ne garantit que l'objectif de 40 % de réduction des émissions d'ici 2030 n'est pas une "coquille vide".

Pour les associations représentant les secteurs de la géothermie (EGEC), du solaire thermique (ESTIF) et de la biomasse (AEBIOM), le Conseil européen "a échoué à fixer un cadre réglementaire adéquat", selon un communiqué commun des trois associations, qui pointent du doigt le lobbying forcené des industries traditionnelles.

Pour l'Association européenne du biogaz (EBA), l'objectif de 27 % pour les renouvelables est non seulement "insuffisant pour déployer le potentiel des renouvelables", mais son caractère seulement indicatif au plan national est "une menace". "Cette décision va amener à une situation où certains États membres ambitieux pour la transition énergétique vont investir pendant que le reste de l'Europe restera à la traîne, en n'ayant pas l'impression d'avoir l'obligation de contribuer à l'objectif communautaire", déplore EBA.

Le Bureau européen du biodiesel (EBB), qui représente 75 % de la production européenne de biodiesel, a, pour sa part, "applaudi" la décision des dirigeants européens qui, selon lui, "ont défini des perspectives de long terme confirmant le besoin croissant de promouvoir l'utilisation de carburants renouvelables après 2020 et fixant ainsi une nouvelle perspective de long terme pour la réduction des émissions de CO2 dans les transports et le développement durable du biodiesel".

Un accord "lamentable", estime l'alliance européenne pour la promotion des économies d'énergie dans les bâtiments

Pour EuroAce, l'alliance européenne pour la promotion des économies d'énergie dans les bâtiments, dont sont membres des entreprises comme Philips et Velux, le Conseil européen est arrivé à un accord "lamentable". L’alliance considère que l’objectif d’efficacité énergétique de 27 % est "médiocre", comparé à la proposition "ambitieuse" de 30 % par la Commission européenne en juillet 2014. EuroAce plaide pour un objectif de 40 %, correspondant au "potentiel rentable prouvé". "La rénovation des bâtiments pour faire la chasse au gaspillage est un élément essentiel des efforts de l'UE en matière climatique et de sécurité énergétique, et il offre la meilleure solution à la crise énergétique de l'Europe. Les bâtiments, qui représentent 40 % de toute l'énergie consommée dans l'UE, devraient figurer comme le secteur prioritaire dans la prochaine révision des directives 'efficacité énergétique' et 'performance des bâtiments'", insiste EuroAce, soulignant qu'un programme de rénovation d'un montant équivalent à un quart de ce que les États membres consacrent actuellement pour payer l'énergie importée pourrait contribuer à réduire la demande d'énergie du parc immobilier de l'UE de 80 % d'ici 2050.

CogenEurope, l'association européenne pour la promotion de la cogénération, une production combinée de chaleur et d’électricité, déplore la "mise de côté" de l'efficacité énergétique dans le cadre 2030. "L'absence de lien entre les réductions d'émissions de gaz à effet de serre et l'amélioration de l'efficacité énergétique est un sujet de préoccupation pour le secteur de la cogénération. Depuis le début des années 2000, la solution à haut rendement énergétique qu'est la cogénération n'a pas connu une croissance importante sur le marché européen. Le cadre 2020 n'a certainement pas fourni une impulsion à ce secteur, tandis que les effets de la directive sur l’efficacité énergétique restent encore à être démontrés", souligne l'association, qui reproche aux dirigeants européens de "ne toujours pas compris l’importance économique" de l’efficacité énergétique.