Le 5 février 2014, les députés européens ont adopté en plénière une résolution sur des objectifs contraignants en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030 qui est le fruit d’un rapport d’initiative des commissions de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) et de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE). Les auteurs de ce rapport d’initiative sont la député belge démocrate-chrétienne Anne Delvaux (PPE) et le député polonais conservateur Konrad Szymanski (ECR). Le député polonais a néanmoins retiré son nom du rapport suite à un désaccord fondamental avec le texte final.
Dans cette résolution, le Parlement européen appelle la Commission et les pays de l'UE à fixer des objectifs européens à l'horizon 2030 afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'UE d'au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. Le texte demande par ailleurs un objectif d'efficacité énergétique de 40 %, conformément au potentiel d'économies d'énergie, et une augmentation à 30 % minimum de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale.
Le Parlement demande par ailleurs :
Par son vote, le Parlement européen adresse un signal fort au Conseil européen des 20 et 21 mars qui devrait traiter de la question.
Le vote au Parlement a été serré, puisque la résolution a été adoptée par 341 voix pour, 263 voix (surtout des voix venant du PPE et des conservateurs du ECR) contre et 26 abstentions.
Les députés luxembourgeois Robert Goebbels (S&D) et Astrid Lulling (PPE) ont voté contre la résolution, les députés Georges Bach (PPE), Charles Goerens (ALDE) et Claude Turmes (Verts) ont voté en sa faveur.
Selon les députés, les objectifs prônés dans la résolution devraient être contraignants et mis en œuvre par le biais d'objectifs nationaux individuels, en prenant en compte la situation et le potentiel de chaque État membre. Ils ont critiqué les propositions récentes de la Commission européenne qui manquent selon eux de de vision et d'ambition, à plusieurs niveaux, notamment par rapport à l'absence d'objectifs nationaux pour les énergies renouvelables et de nouvelles mesures efficaces qui incitent à l'efficacité énergétique.
La résolution non législative fait suite au livre vert de la Commission de mars 2013, qui a provoqué un débat sur le cadre d'action 2030 pour le climat et l'énergie, après l'expiration du cadre-politique actuel en 2020.
Au Parlement européen, les commissions en charge de l’Environnement (ENVI) et de l’Industrie (ITRE), souvent opposées sur bien des dossiers, avaient travaillé de front pour préparer le rapport d’initiative. Le projet de résolution des rapporteurs, Anne Delvaux et Konrad Szymanski, avait été soumis à rude épreuve puisque plus de 900 amendements avaient été déposés. C’est donc au terme d’intenses négociations qu’un texte a pu être approuvé en commission le 9 janvier 2014.
La Commission a, depuis, de son côté, présenté ses propositions le 22 janvier 2014, fixant des objectifs moins ambitieux, qui ont été accueillis par les députés avec scepticisme. La Commission avait proposé une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % par rapport au niveau de 1990, un objectif contraignant pour l'ensemble de l'Union concernant la part des énergies renouvelables, qui est portée à au moins 27 % (donc non contraignant pour les Etats membres pris individuellement), de nouvelles ambitions pour les politiques en matière d’efficacité énergétique, un nouveau système de gouvernance et une série de nouveaux indicateurs pour garantir un système énergétique compétitif et sûr.
La rapporteure, Anne Delvaux, membre de la commission ENVI, et citée par l’Agence Europe, a salué le résultat du vote comme une grande victoire qui couronne sept mois de négociations difficiles, notamment avec son groupe politique : "Ce vote conforte la vision progressiste d'une Europe où politiques climatique et industrielle se renforcent l'une l'autre, en faisant le choix d'un cadre responsable et porteur, tant en matière de protection de l'environnement qu'en termes de croissance et de compétitivité ! Avec un cadre à trois objectifs contraignants et réalistes en termes de réduction de gaz à effet de serre (GES), de production d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique, nous restons cohérents vis-à-vis du cadre des trois 20, tout en prenant soin de corriger les erreurs et les imperfections du cadre actuel."
Elle est aussi citée par le site du Parlement européen :"Le prix de l'énergie touche fortement les entreprises, l'industrie, et de manière plus spécifique nos citoyens. Si nous voulons réduire nos importations d'énergie, nous devons produire davantage en Europe, en utilisant mieux et de manière plus efficace nos ressources. Si nous disposons d'une combinaison énergétique élargie avec une efficacité énergétique accrue, nous pourrons mieux réduire nos émissions de gaz à effet de serre, encourager les nouvelles technologies et l'innovation, créer des emplois, et rendre nos économies plus vertes. C'est pourquoi nous avons besoin de trois objectifs contraignants".
Son co-rapporteur de la commission (ITRE), Konrad Szymański, a, quant à lui, retiré son nom du rapport parce qu’il estime que "ce résultat n'est pas satisfaisant. Nous promettons aux Européens et à l'industrie de l'UE que cette nouvelle politique climatique sera réaliste, flexible et efficace. Ce sont des suppositions. Cependant, doubler l'objectif de réduction des émissions après 2020 n'est pas réaliste. Cela affaiblira la compétitivité de l'industrie européenne. Adopter aujourd'hui ces objectifs avant les négociations de Paris en 2015 est une erreur. Nous ne devrions pas dévoiler toutes nos cartes dès maintenant. Des objectifs contraignants sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique ne sont pas des dispositions souples. De plus, nous savons que les États membres et les divers secteurs ont des capacités différentes.".
Claude Turmes, porte-parole pour l'énergie du groupe des Verts/ALE, et qui a été un rapporteur fictif du texte, s’est dit "heureux de l’issue du vote, parce qu’elle démontre que le Parlement européen a montrée, en serrant les rangs, qu’il prend la lutte contre le changement climatique au sérieux. (…) Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons empêcher la renaissance qui nous menace du charbon et de l’énergie nucléaire et préparer l’accès des Européens à une énergie propre, sûre et abordable. Le vote envoie également un signal précieux aux acteurs industriels pour qu’ils continuent d’investir dans les énergies renouvelables." Et de conclure que le vote du Parlement est pour lui "aussi un appel au Conseil" qui traitera en mars de la politique énergétique et climatique de l’UE. Il constitue par ailleurs "un soutien à des pays comme le Luxembourg, se dont décidés à demander des objectifs contraignants, et qui doivent affronter les pays qui défendent l’énergie nucléaire et qui voudraient revenir en arrière en matière de politique énergétique."
Robert Goebbels, qui est membre de la commission ITRE, a par contre voté contre le rapport Delvaux, parce qu’il "ne pose aucun cadre réaliste pour les politiques en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030." Robert Goebbels a diffusé une explication de vote qui est une véritable diatribe contre le texte d’Anne Delvaux : "Il s'agit d'un rapport sans aucune conséquence légale, pratiquement illisible pour le citoyen, et qui prône tout et son contraire. Avec des majorités changeantes et parfois étriquées, le Parlement s'est prononcé pour des objectifs ambitieux, mais irréalistes. Pour les énergies renouvelables, pour et contre l'énergie nucléaire, pour et contre le gaz de schiste. C'est un rapport pour la grande poubelle du Parlement, qui perd son temps dans des débats idéologiques au lieu de se concentrer sur son travail législatif."
Comme en écho à Claude Turmes, l'EWEA (European Wind Energy Association), qui parle pour l'industrie européenne de l'éolien, loue le Parlement européen qui a "résisté au lobby d'organisations à la vision rétrograde et voté en se fondant sur la réalité des faits". Selon Stéphane Bourgeois de l’EWEA, "un objectif ambitieux de renouvelables peut créer 570 000 emplois, permettre d'économiser 500 milliards d'euros d'importations de combustibles et réduire les coûts de l'énergie pour les industries énergivores."