Selon le droit de l’Union, un travailleur peut être autorisé à se rendre sur le territoire d’un autre État membre pour y recevoir des soins appropriés à son état. Il peut ainsi bénéficier des prestations nécessaires de la même manière que s’il était affilié au régime d’assurance maladie de l’État concerné, étant entendu que les frais exposés sont remboursés par son État membre de résidence. Ce dernier ne peut pas refuser de délivrer l’autorisation lorsque les soins requis figurent parmi les prestations couvertes par sa législation et que ces soins ne peuvent pas, compte tenu de l’état de santé du travailleur et de l’évolution probable de sa maladie, être dispensés en temps utile sur son territoire.
Mme Petru, de nationalité roumaine, souffre d’affections vasculaires graves dont l’évolution a nécessité son hospitalisation dans un établissement spécialisé de Timişoara (Roumanie). Les examens médicaux qu’elle y a subis ont conduit à la décision de procéder à une opération à cœur ouvert. Durant son hospitalisation, Mme Petru a estimé que les médicaments et les fournitures médicales de première nécessité faisaient défaut et que le nombre de lits était insuffisant. Compte tenu par ailleurs de la complexité de l’intervention chirurgicale qu’elle devait subir, Mme Petru a décidé de se faire opérer en Allemagne et a demandé à sa caisse d’assurance maladie la prise en charge de cette intervention.
La demande a été rejetée au motif qu’il ne ressortait pas du rapport du médecin traitant que la prestation demandée ne pouvait pas être effectuée en Roumanie dans un délai raisonnable. Le coût total de l’intervention s’est élevé à près de 18 000 euros dont Mme Petru a demandé le remboursement aux autorités roumaines.
Saisi de l’affaire, le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu, Roumanie) demandait à la Cour de justice de l’UE de déterminer si la situation dans laquelle les médicaments et les fournitures médicales de première nécessité font défaut équivaut à une situation dans laquelle les soins médicaux nécessaires ne peuvent pas être dispensés dans l’État de résidence, de sorte qu’un ressortissant de cet État doit, s’il le demande, être autorisé à bénéficier de ces soins dans un autre État membre, et ce, à la charge du régime de sécurité sociale de l’État de résidence.
Dans son arrêt rendu le 9 octobre 2014, la Cour rappelle que le droit de l’Union impose deux conditions dont la réunion rend obligatoire la délivrance de l’autorisation préalable de remboursement des frais médicaux. Tout d’abord, il faut que les soins concernés figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’assuré social. Ensuite, les soins que l’assuré social envisage de recevoir à l’étranger ne doivent pas pouvoir, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution de sa maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement souhaité dans l’État membre de résidence.
S’agissant de cette dernière condition, la Cour a jugé que l’autorisation requise ne peut pas être refusée lorsqu’un traitement identique ou présentant le même degré d’efficacité ne peut être obtenu en temps opportun dans l’État sur le territoire duquel réside l’intéressé. Afin d’apprécier si tel est le cas, l’institution compétente doit prendre en considération l’ensemble des circonstances caractérisant chaque cas concret. Ainsi, un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité peut rendre impossible la délivrance de soins identiques ou présentant le même degré d’efficacité en temps opportun dans l’État membre de résidence.
La Cour précise cependant que cette impossibilité doit être appréciée, d’une part, au niveau de l’ensemble des établissements hospitaliers de l’État membre de résidence aptes à dispenser les soins en cause et, d’autre part, au regard du laps de temps au cours duquel les soins peuvent être obtenus utilement.
Comme la Cour l’observe, le gouvernement roumain a relevé que Mme Petru avait le droit de s’adresser à d’autres établissements de soins qui disposaient, en Roumanie, de l’équipement nécessaire pour réaliser l’intervention dont elle avait besoin. En outre, le rapport du médecin traitant indique que l’intervention devait être effectuée dans un délai de trois mois. Il appartiendra donc à la juridiction nationale d’apprécier si l’intervention n’aurait pas pu être réalisée dans ce délai dans un autre établissement hospitalier en Roumanie.
La Cour conclut que l’autorisation de remboursement des frais médicaux engagés à l’étranger ne peut pas être refusée lorsqu’un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité empêche l’assuré social de recevoir les soins hospitaliers en temps opportun dans son État membre de résidence. Cette impossibilité doit être appréciée tant au niveau de l’ensemble des établissements hospitaliers aptes à dispenser les soins dans cet État membre qu’au regard du laps de temps au cours duquel les soins peuvent être obtenus en temps opportun.