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Énergie - Politique étrangère et de défense
Le commissaire européen de l’Energie, Günther Oettinger, a présenté une série de rapports sur les capacités de l’Union et de ses voisins à faire face à un arrêt des livraisons de gaz en provenance de la Russie
16-10-2014


comm-oettinger-stresstest-source-comm-141016Le commissaire européen de l’Energie et vice-président de la Commission, Günther Oettinger, a présenté le 16 octobre 2014 une série de rapports sur les capacités de l’Union et de ses voisins à faire face à un arrêt des livraisons de gaz en provenance de la Russie pendant cet hiver. Les rapports présentent les résultats d’un exercice, une sorte de "tests de résistance", mené par 38 pays européens, dont des 28 Etats membres, la Communauté de l’énergie ainsi que la Norvège, la Turquie et la Suisse. Reparti en plusieurs groupes de pays, les rapports analysent différents scénarios, en particulier la cessation complète des importations de gaz russe vers l'UE pendant une période de six mois, selon le communiqué. Les recommandations de ces rapports, résumées dans une communication, seront présentées aux chefs d’Etats et de gouvernement lors du prochain Conseil européen le 23 octobre 2014.

Le contexte

La série de rapports présente les conséquences du scénario "le plus défavorable", a expliqué Günther Oettinger lors d’une conférence de presse. Soit, la Russie cesse ses livraisons, soit l’Ukraine, pays de transit de gaz russe, n’est plus capable de livrer du gaz. Le commissaire s’est donc engagé à œuvrer en faveur d’un accord entre la Russie et l’Ukraine sur des factures impayées de gaz. Une réunion trilatérale sur ce contentieux aura lieu le 21 octobre à Bruxelles. S’il juge qu’un accord est "accessible", Günther Oettinger estime que l’Union saurait faire face à une cessation des livraisons de gaz : "Nous disposons pour la toute première fois d'un tableau complet des risques et des solutions envisageables. Si nous collaborons, faisons preuve de solidarité et mettons en œuvre les recommandations formulées dans ces rapports, aucun ménage de l'UE ne souffrira du froid cet hiver", a-t-il dit.

Les rapports dessinent différents scénarios de ruptures de gaz et différents niveaux de coopération entre les pays. Les États membres de l’Europe de l’Est seraient les plus touchés par une interruption prolongée. La Finlande, l'Estonie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), la Bosnie-et-Herzégovine et la Serbie seraient ainsi privées de 60 pour cent de leur gaz. Les tests de résistance ont montré que les Etats membres envisageraient différentes mesures comme la diversification des sources d'approvisionnement, l'utilisation des réserves et des stocks stratégiques, la réduction de la demande ou encore le changement de combustible. La communication critique des mesures purement nationales : "Ces plans sont souvent strictement limités au marché national et font trop rapidement appel à des mesures interventionnistes."

Les recommandations des rapports

Les rapports recommandent entre autres :

  • de favoriser une approche fondée sur le marché ne prévoyant de mesures d'autre nature (libération de stocks stratégiques, passage imposé à d'autres combustibles, réduction de la demande) qu'en cas de défaillance du marché ;

  • de renforcer la coopération énergétique entre les pays et de maximiser les capacités d’interconnexion ;

  • un partage des responsabilités entre les autorités publiques et l’industrie ;

  • un suivi des développements dans l’approvisionnement du gaz par le groupe de coordination de l’UE pour le gaz.

Günther Oettinger a concédé que l’Union est "vulnérable", mais qu’elle dispose aujourd’hui d’une "analyse profonde" et une "transparence" sur les conditions d’approvisionnement des Etats membres et des Etats tiers "comme cela n’a pas été le cas il y a cinq ans" et ce qui permet à l’Union de "réagir beaucoup plus rapidement". De plus, cela montrerait à la Russie qu’il "ne sert à rien de d’utiliser le gaz comme un instrument politique, puisque dans ce cas-là, on est préparé", a-t-il ajouté. Le commissaire a affirmé que l’Union avance sur l’achèvement du marché intérieur de l’énergie, en précisant que 20 stations de recharge pour le gaz naturel liquéfié (LNG) existent déjà et que deux autres seront ouvertes prochainement en Lituanie et en Pologne.

La Commission souligne dans un memo que la coopération des membres de la Communauté de l’énergie est “vitale” pour la sécurité de l’approvisionnement du gaz. Cette "approche coopérative" inclut le partage de volumes de gaz. Des pénuries de gaz devraient être compensées de manière "solidaire" et "réparti également" entre les Etats membres.

Dans ce contexte, le commissaire Oettinger a remercié la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie qui ont permis des livraisons de gaz "dans l’autre sens", c’est-à-dire vers l’Ukraine qui "reçoit du gaz tous les jours sans pour autant violer ses accords avec Gazprom". Il a précisé que les stocks de gaz de l’Ukraine, qui étaient à seulement trois milliards de mètres cube (m3) en mars, se seraient remplis entretemps pour atteindre 17 milliards m3. Au total, l’Ukraine aurait besoin de 50 milliards de m3 par an dont elle importe 30 milliards.

Le besoin de l’Ukraine représente donc un cinquième du besoin de l’Union qui s’élève, selon le commissaire, à 450 milliards de m3, dont un tiers est produit par des Etats membres, tandis que 300 milliards sont importés. Le premier fournisseur du gaz européen est la Russie avec 125 milliards, suivie de la Norvège avec 110 milliards et l’Algérie avec 65 milliards. Le stockage de gaz de l’Union, dont les capacités s’élèvent à 81 milliards de m3, est rempli à 90 %. Tandis que quatre Etats membres n’importent pas du tout de gaz de la Russie, 18 membres en dépendant entre 10 à 80 % et six Etats membres à 100 %, a souligné le commissaire.

L'Ukraine devra payer trois milliards de dollars jusqu'à la fin de l'année à Gazprom

Quant à l’accord envisagé entre l’Ukraine et la Russie sur les factures impayées de gaz pour environ quatre mois, Günther Oettinger a présenté un compromis, précisant que la question du contentieux n’est pas la quantité du gaz livré, mais le prix par 1000 m3. Selon lui, l’Ukraine devrait payer ces factures en plusieurs fois jusqu’à la fin de l’année, et ceci à un prix de 385 dollars par 1000 m3, ce qui équivaut à trois milliards de dollars au total. Ce serait moins élevé que ce que la Russie avait demandé (485 dollars), mais plus élevé que ce que l’ancien président Victor Ianoukovitch avait conclu avec la Russie (268 dollars), après avoir renoncé à la signature de l’accord d’association avec l’UE en novembre 2013.

En contrepartie, Gazprom s'engage à reprendre les livraisons de gaz à l'Ukraine, coupées depuis juin, avec une livraison minimale de 5 milliards de m3. Le commissaire a ajouté que des pays comme la Biélorussie, membre de l’Union douanière créée par la Russie, paient seulement 170 dollars, et que ce "prix de marché" du gaz est un "instrument politique".

Les recommandations formulées dans les rapports accompagneront les mesures prévues par la nouvelle  stratégie sur la sécurité énergétique, proposée en mai 2014, en vue d'améliorer la sécurité d'approvisionnement de l'UE: achèvement du marché intérieur de l'énergie, accroissement de l'efficacité énergétique, diversification des sources d'approvisionnement externe et exploitation des sources indigènes (fossiles et non fossiles).