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Développement et aide humanitaire - Santé
Ebola – Charles Goerens veut "sortir la classe politique de sa léthargie"
20-10-2014


Charles Goerens"Je n’ai pas de prédispositions spécifiques pour ce sujet mais j’ai un peu de bon sens politique, et un peu d’expérience dans le domaine de l’aide au développement. Avec une certaine implication, on peut, en collaboration avec les humanitaires et les experts sur place, faire quelque chose pour sortir la classe politique de sa léthargie", a déclaré l’eurodéputé libéral, Charles Goerens, en conclusion de sa conférence de presse tenue le 20 octobre 2014 au sujet de la réponse européenne à l’épidémie d’Ebola.

Le 9 octobre 2014, la Commission de développement du Parlement européen a chargé Charles Goerens de rédiger un rapport d’initiative sur les mesures immédiates à prendre afin de contenir l’épidémie d’Ebola et sur les mesures d’aide au développement à mettre en œuvre à plus long terme. Et il voulait faire un état des lieux, aux premiers instants d’une tâche qui pourrait l’occuper au moins deux années.

Le 17 septembre 2014, il avait d’ailleurs déjà eu l’occasion, lors d’un débat au Parlement européen, de dénoncer avec véhémence "l’absence d’une stratégie bien coordonnée" dans la lutte contre l’épidémie. Comme il l’a fait savoir le 16 octobre 2014 au micro de la radio France Inter, Charles Goerens considère que l’épidémie d’Ebola est à l’origine de "la première grande crise sanitaire mondiale, dans laquelle la gouvernance internationale a échoué".

Face à ce "vrai phénomène global", une maladie qui progresse à "un rythme inquiétant", dit Charles Goerens, la communauté internationale ainsi que l’Organisation mondiale de santé (OMS) ont tardé à réagir, comme en a d’ailleurs elle-même convenu, la commissaire européenne en charge de la santé, Kristalina Georgieva, devant le Parlement européen le 17 septembre 2014. Cette communauté internationale a été "beaucoup trop timide dans l’estimation du phénomène", tandis que le virus, au 15 octobre 2014, aura provoqué 9000 infections et 4494 morts.

Charles Goerens a néanmoins souligné la bonne réaction des Etats-Unis qui ont annoncé l’envoi de 3000 militaires chargés de participer à la construction de centres de traitement et de former des travailleurs sanitaires, ainsi que celle de Cuba qui a décidé d’envoyer cent soixante-cinq médecins.

Charles Goerens a aussi apprécié la réaction du Parlement européen, qui a mis le sujet à son ordre du jour, dès sa première séance de septembre. Les eurodéputés ont d’ailleurs adopté ce que le libéral luxembourgeois qualifie d’ "une des meilleures" résolutions qu’il ait vu passer durant ses quinze années d’activité au Parlement européen. Le Parlement y suggère notamment au secrétaire général de l’ONU de pouvoir faire appel à des capacités civiles et militaires, pour permettre l’évacuation des personnes infectées, a souligné l’eurodéputé.

Pour l’UE, il faut aller au-delà de la contribution ponctuelle, qui est utile mais insuffisante. "Nous avons besoin d’une stratégie, d’un effort coordonné de la Commission européenne avec les 28 Etats membres. Nous avons besoin de 29 acteurs sur la même ligne", a dit Charles Goerens. "Les palabres, les conférences, ne suffisent pas, nous avons besoin d’un plan directeur", a-t-il poursuivi. L’eurodéputé signale qu’il a discuté avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans l’espoir que celui-ci déclare, dans un discours fort, la lutte contre Ebola comme une priorité, alors que son prédécesseur a fait peu en la matière.

En tout cas, il n’est pas question de se protéger par des mesures manquant de tact et de sens. "Il ne suffirait pas de vouloir construire une Ligne Maginot et donc de proposer une interdiction de quitter ces pays. Les murs ont, dans le temps, une efficacité très limitée. L’isolement n’est pas une solution", pense l’eurodéputé libéral, avant de souligner que des raisons éthiques doivent pousser à aider les pays confrontés à Ebola.

Charles Goerens a listé l’ensemble des insuffisances dont les organisations non gouvernementales, telles que Médecins sans frontières, la Croix Rouge internationale et le Croissant international, ont déjà fait part. Les soins médicaux et le contrôle des infections sont insuffisants, il y a également un manque de formation. Au niveau du matériel, il y a un besoin d’infrastructures de transport, de capacités de transport, de possibilités de rapatriement pour les personnes atteintes. Le renforcement des capacités de rapatriement des personnes infectées est un point souvent négligé et pourtant crucial, selon Charles Goerens. Le personnel médical qui doit être envoyé en renfort en Afrique doit être sûr qu’il puisse être rapatrié suffisamment vite en cas d’infection.

L’UE et les Etats membres ont déjà adopté une série de mesures, qui constituent une aide de près de 500 millions d’euros pour la fourniture de soins de santé d'urgence et pour aider les gouvernements touchés à atténuer les conséquences de l'épidémie sur leur économie et sur les services essentiels. Charles Goerens a peu goûté la position du Premier ministre britannique David Cameron, qui, en d’autres temps, voulait réduire le budget de l’UE, et qui dans une lettre adressée au Président du Conseil européen Herman Van Rompuy et aux Etats membres, demande à ce que l’aide contre Ebola soit au contraire augmentée d’un milliard d’euros.

Des exemples d’aide au développement

Il est encore trop tôt pour évoquer les conséquences à long terme de l’épidémie Ebola. Mais, Charles Goerens distingue déjà à la fois des "aspects positifs" et des "signaux très préoccupants" en provenance d’Afrique de l’Ouest.

Charles Goerens compte parmi les "aspects positifs" le fait que le Sénégal, le 17 octobre, puis le Nigeria, le 20 octobre, ont pu déclarer la fin de l’épidémie sur leur territoire. "Cela prouve que des pays en voie de développement qui ont un bon système de santé, construit de manière juste, sont également capables d’en finir avec la maladie, particulièrement quand ils peuvent intervenir dès le début de l’épidémie", dit-il.

Au contraire, les trois pays (Liberia, Sierre Leone et Guinée) encore touchés par l’épidémie font face à "une crise dans la crise", avec la mobilisation du système de santé sur Ebola qui cause des déficits dans la prise en charge de tous les autres problèmes de santé. Charles Goerens en déduit que l’idée de consacrer au moins 20 % de l’aide financière au développement dans les systèmes sociaux de base, idée souvent évoquée dans les débats sur l’aide au développement, est une "bonne solution".