Jonathan Hill, le candidat controversé du Royaume-Uni au poste de commissaire chargé des Services financiers, n’a pas réussi à convaincre les eurodéputés de la commission des affaires économiques, lors de son audition le 1er octobre 2014, et devra y comparaître une deuxième fois le 6 ou 7 octobre 2014. "Il n’a pas répondu à de nombreuses questions", a critiqué Sven Giegold (ALE/Verts).
Âgé de 54 ans, titulaire d’un doctorat d’histoire, Jonathan Hill a débuté sa carrière dans le monde des affaires. Il a travaillé pour plusieurs agences de conseil, avant de participer à la fondation de l’agence de communication Quiller Consulting en 1998, qu’il a dirigé jusqu’en 2010. Dans le monde politique, il a commencé en tant que conseiller spécial avant de devenir secrétaire politique du Premier ministre John Major en 1992. Entre 2010 et 2013, il est sous-secrétaire d’Etat au ministère de l’Education et était responsable de la plus grande réforme du système éducatif britannique depuis une génération: le programme gouvernemental établissant des académies et écoles indépendantes, selon son Curriculum Vitae. En 2013, il devient président de la Chambre des Lords où il est chargé de présenter le programme législatif de la coalition.
Jonathan Hill s’est engagé à stabiliser le système financier, de le rendre "solide et sûr" et de faire en sorte qu’il dispose d'un secteur des services financiers bien réglementé. A plusieurs reprises il a assuré qu’il ne serait "pas le représentant de la City de Londres" alors que sa nomination aux services financiers était une concession majeure de Jean-Claude Juncker à la Grande-Bretagne, soucieuse de défendre les intérêts de la place financière de Londres et qui doit décider par référendum en 2017 s'il continue d'appartenir à l'UE. Dans ce contexte, Lord Hill a affirmé qu’il a été impliqué dans des dossiers européens depuis 25 ans : "C’est bon pour l’UE et pour le Royaume-Uni de rester dans l’Union européenne", a-t-il affirmé.
Jonathan Hill s’est félicité du travail de la Commission européenne suite à la crise financière, notamment de son prédécesseur Michel Barnier, qui a su "atténuer ses effets les plus graves et réduire le risque qu'elle se reproduise". Il estime qu’il faut assurer un "délicat équilibre entre réglementation efficace et accroissement du financement de notre économie". Une de ses premières priorités sera d'assurer la mise en place d'un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances des établissements financiers non bancaires.
Lord Hill, issu d’un Etat qui ne fait pas partie de la zone euro, a jugé que l’Union bancaire est essentielle pour la stabilité de la zone euro, mais aussi pour l'ensemble des 28 États membres, étant donné l'interconnexion des marchés financiers de l'UE. Il estime que sa tâche consistera à "mettre les pièces restantes du puzzle en place et à (s)'assurer que (l'union bancaire) apporte la stabilité que nous souhaitons tous au secteur bancaire". Il n'a pas nié les "tensions" dans ce domaine, notamment avec les pays hors zone euro qui resteront en dehors de l'union bancaire, mais il conviendra "de travailler ensemble pour réconcilier ces tensions", selon ses propos cités par l’Agence Europe.
Il a promis d’œuvrer à la mise en place d'une union des marchés de capitaux qui devrait couvrir l'ensemble de l'Union, dont les 28 Etats membres. Selon la lettre de mission qu’il a reçu de Jean-Claude Juncker, cette union devrait mise en place d’ici 2019. "L'objectif est clair: contribuer à débloquer le capital en Europe actuellement gelé et le mettre au service des entreprises européennes, particulièrement les PME. Nous devons nous démarquer de la dépendance envers le financement bancaire en encourageant la croissance de sources nouvelles et alternatives de financement", a-t-il dit, selon l’Agence Europe.
Deux eurodéputés voulaient savoir si Jonathan Hill allait proposer avant 2015 un régime unique de garantie des dépôts. Pour rappel, la garantie des dépôts a été renforcée par une directive visant à harmoniser davantage les règles de l'UE relatives aux systèmes de garantie des dépôts, qui a été publiée en juin 2014 au Journal officiel, après avoir adopté par le Parlement européen et le Conseil après plus de trois ans de débat. Admettant que le sujet fait l'objet de débats animés, Lord Hill a néanmoins estimé que sa priorité serait d'abord de mettre en œuvre la révision de la directive actuelle, ne souhaitant pas s'engager au préalable sur le lancement d'une initiative spécifique, selon l’Agence Europe.
Interrogé sur l'introduction d'eurobonds, un mécanisme de mutualisation des dettes au sein de la zone euro sous forme d'emprunts communs, il a avoué "ne pas avoir d'avis informé" sur la question.
C’est le groupe GUE/NGL qui est à l’origine de la seconde comparution de Lord Hill devant les eurodéputés. "Notre demande de vote a mis d'autres sous pression. C'est pourquoi ceux-ci ont fait la proposition de tenir une 2ème audition extraordinaire", s'est félicité Fabio de Masi. Il reproche au candidat d’être un lobbyiste de la finance qui n’est pas indépendant. Pour la députée Marisa Matias, les réponses du Britannique étaient "floues" : "Sur la question des Eurobonds, il n’a même pas eu une réponse vague", a-t-elle critiqué. Le groupe estime "qu’il y a déjà assez de lobbyistes de la finance à Bruxelles et la city de Londres ne mérite pas d’avoir son propre commissaire européen".
Pour le groupe S&D, Jonathan Hill a manqué de donner des "réponses concrètes" sur des dossiers qui tiennent à cœur au groupe comme l’union des marchés de capitaux, le "shadow banking" et le système de garantie des dépôts. Il lui atteste de "qualités personnelles" et des aptitudes de communication, mais attend des "clarifications", selon le communiqué.
Le PPE estime que Jonathan Hill doit placer les intérêts de l’Union européenne en-dessus du Royaume-Uni et particulièrement de la city de Londres. Il attend de Jonathan Hill qu’il s’engage en faveur d’une régulation "effective et proportionnée". Pour le groupe, Hill a "de bonnes idées" pour l’union des marchés de capitaux.
Sven Giegold des Verts a estimé que Jonathan "n’est définitivement pas la bonne personne" pour le poste puisqu’il était "incapable" d’expliquer ce qu’est une union des marchés de capitaux ou comment limiter la puissance de grosses banques qui sont "trop grandes pour faire faillite" ("too big to fail"). Il lui reproche d’avoir défendu pendant l’audition des banques actives dans le système bancaire parallèle ("shadow banking") que la Commission européenne veut plus encadrer. Il ajoute que Jonathan Hill aurait refusé de donner les noms d’entreprises pour lesquelles il a travaillé en tant que lobbyiste.