La Commission européenne a proposé le 29 janvier 2014 un nouveau règlement qui est censé empêcher les banques les plus grandes et les plus complexes de pratiquer la négociation pour compte propre, une activité de marché risquée. Ces nouvelles règles devraient également permettre aux autorités de surveillance d’imposer aux banques d'établir une séparation entre leurs activités de dépôt et certaines activités de négociation potentiellement risquées si l’exercice de ces dernières risque de compromettre la stabilité financière.
Parallèlement à cette proposition, la Commission a adopté des mesures visant à accroître la transparence de certaines transactions dans le secteur bancaire parallèle, qui représente selon le commissaire Michel Barnier une valeur estimée de 53 000 milliards d’euros. Ces mesures doivent compléter les réformes d'ensemble déjà entreprises dans l'UE pour renforcer le secteur financier.
Pour élaborer ses propositions, la Commission a pris en considération le rapport du groupe de haut niveau présidé par M. Erkki Liikanen, Gouverneur de la banque de Finlande (IP/12/1048 et sur Europaforum.lu), ainsi que les règles nationales en vigueur dans certains États membres, les réflexions menées à ce sujet au niveau mondial (principes du Conseil de stabilité financière) et les développements hors UE.
Depuis le début de la crise financière, l'Union européenne et ses États membres procèdent à une révision en profondeur de la réglementation et de la surveillance bancaires.
L'Union a mis en place des réformes visant à réduire l'incidence d'éventuelles défaillances bancaires dans le but de créer un système financier plus sûr, plus solide, plus transparent et plus responsable qui soit au service de l'économie et de la société dans son ensemble. Pour accroître la résilience des banques et réduire l'incidence d'éventuelles défaillances, de nouvelles règles en matière de fonds propres (MEMO/13/690 et sur Europaforum.lu) et de redressement et de résolution des défaillances bancaires (MEMO/13/1140 et sur Europaforum.lu) ont été adoptées.
Les bases de l'union bancaire ont ainsi été posées. Mais il se peut néanmoins que certaines banques de l'UE demeurent encore «trop grandes pour faire faillite», trop coûteuses à sauver, trop complexes à résoudre.
De nouvelles mesures sont donc nécessaires, notamment une séparation structurelle entre les activités de négociation, risquées, et la fonction de banque de dépôt.
Les propositions du 29 janvier 2014 visent à renforcer la résilience du secteur bancaire de l'UE tout en veillant à ce que les banques continuent à financer l'activité économique et la croissance. Elle s’appliquera uniquement aux plus grandes et aux plus complexes d'entre elles qui ont d’importantes activités de négociation. Il ne s’agit en fait que de 29 banques seulement.
Pour que les banques ne puissent contourner ces règles en déplaçant une partie de leurs activités vers le secteur bancaire parallèle, moins réglementé, les mesures structurelles relatives à la séparation doivent être accompagnées de dispositions améliorant la transparence de ce système parallèle.
L'autre proposition présentée, qui concerne la transparence dans le secteur bancaire parallèle, mettra donc en place un ensemble de mesures visant à améliorer la lisibilité des opérations de financement sur titres pour les autorités de réglementation et les investisseurs. Lors de la crise financière, ces opérations ont été source de contagion, de levier et d'effets pro-cycliques. Un meilleur contrôle est dès lors nécessaire pour prévenir le risque systémique inhérent à leur utilisation.
Ces mesures se réfèrent aux propositions du Conseil de stabilité financière pour réglementer le secteur et dont les recommandations ont été approuvées lors du sommet du G-20 à Saint-Pétersbourg en septembre 2013.
La proposition de la Commission européenne a suscité auprès de certains leaders du Parlement européen des réactions immédiates et très extrêmement critiques.
Le député européen allemand Markus Ferber (PPE, et CSU dans son pays) a déclaré : "Nous ne laisserons pas passer cette proposition diluée au Parlement européen."
Pour Hannes Swoboda, le président du groupe S&D, qui se dit déçu, "la proposition de la Commission vient trop tard et offre trop peu". Elle vient trop tard parce que certains pays ont déjà légiféré en la matière – dont le Royaume Uni, la France et l’Allemagne - et refuseront selon lui la proposition de la Commission. A partir de là, le risque est grand de se retrouver avec 28 législations différentes et les distorsions de marché que cela implique, et surtout avec les petites banques, qui constituent la majorité du secteur, qui "pourront continuer à jouer avec l’argent de leurs clients". Plutôt que de contribuer à créer un climat de sécurité qui conduit à la création d’emplois dans l’économie réelle, la Commission "encourage la création de nouvelles banques d’investissements et de hedge funds".
Sven Giegold, le porte-parole des Verts européens au Parlement pour les questions économiques et financières, a qualifié la proposition de "tempête dans un verre d’eau" et de "règlement placebo inutile" qui ne fera générer que de la bureaucratie supplémentaire.
Pour Sven Giegold, le groupe Liikannen avait fait des suggestions plus simples pour rendre les grandes banques plus sûres. Ce dernier n’avait pas voulu interdire la négociation pour compte propre, dans la mesure où il est dans la pratique presqu’impossible de distinguer entre une négociation pour compte propre ou dans l’intérêt du client, mais voulait séparer les activités de trading de toutes les grandes banques et les confier à des filiales légalement séparées. Selon Giegold, la Commission et le commissaire Barnier en particulier, veulent seulement empêcher les banques d’admettre publiquement qu’elles s’enrichissent par la négociation pour compte propre et appeler cela l’interdiction de ce genre de pratiques.
Avec la nouvelle proposition, les autorités de surveillance devront voir au cas par cas avec les banques si leurs activités de négociation sont assez significatives pour devoir être séparées, au sein du groupe, et transférées vers des entités juridiques qui pratiquent la négociation. Cela conduira selon Sven Giegold "à une inconcevable multiplication des revenus pour des consultants et des juristes et constitue une invitation à l’arbitraire administratif". En attendant, les banques européennes, qui ont déjà reçu 250 milliards d’aides, pourront continuer à négocier pour compte propre, mais avec les dépôts des clients, sur les produits dérivés qui ont été des accélérateurs de la crise, déplore le député vert, qui signale qu’au cours des dernières semaines, le lobby bancaire aurait encore réussi à ce que des produits dérivés portant sur les aliments ont pu se retrouver dans les dérogations.