Le 26 septembre 2014, alors que se tenait à Ottawa un sommet UE-Canada marquant la conclusion des négociations de l’accord de libre-échange UE-Canada (CETA), la Commission publiait l’intégralité de l’accord, ainsi qu’une note consacrée au mécanisme de règlement des différends (RDIE).
Au fil des jours, les commentaires et les critiques se poursuivent, et, le 30 septembre 2014, ce sont deux eurodéputés luxembourgeois, Viviane Reding (PPE) et Claude Turmes (Verts/ALE), qui ont pu s’exprimer au sujet de cet accord au micro d’André Duebbers, sur les ondes de la radio 100,7.
Le mécanisme de règlement des différends contenu dans l’accord au titre de la protection des investisseurs divise les deux parlementaires.
Viviane Reding insiste en effet sur la nécessité de protéger les investisseurs et elle rappelle que le Luxembourg a recours au système des cours d’arbitrage depuis les années 70. Le système est d’ailleurs prévu dans 92 accords signés par le Grand-Duché, souligne l’eurodéputée conservatrice qui relève que le Luxembourg est un des pays qui fait le plus usage de ce mécanisme : ainsi, selon Viviane Reding, en 2013, les investisseurs luxembourgeois ont par exemple eu recours à 6 reprises à ce mécanisme. Et le Luxembourg s’est toujours trouvé du côté des plaignants. Elle explique qu’il est dans l’intérêt du Luxembourg de voir ses nombreux investisseurs protégés du risque d’expropriation, et ce notamment dans des pays où la démocratie et l’indépendance de la justice ne sont pas d’usage.
Pour Viviane Reding, la seule question qui doit se poser, c’est de savoir si ce mécanisme est idéal et s’il doit être réformé. Elle reconnaît ainsi qu’il y a eu des abus de la part de certaines grandes entreprises multinationales, et plaide donc pour une réforme du système. Et de ce point de vue elle souligne que pour la première fois, cette réforme a lieu dans le cadre de l’accord avec le Canada.
Les revendications du Parlement européen pour la réforme du RDIE ont en effet été prises en compte (dans le cadre du règlement relatif à la responsabilité financière dans le cadre des futurs différends investisseur-État publié au JO le 28 août et entré en vigueur le 17 septembre 2014, ndlr), rappelle Viviane Reding et le système réformé permet de résoudre un certain nombre de problèmes, a-t-elle expliqué au micro d’André Duebbers. Comme l’a relevé l’eurodéputée, il existe désormais des définitions claires, par exemple de ce qu’est une expropriation, mais aussi un code de conduite pour les arbitres.
Mais Viviane Reding n’entend pas en rester là pour autant, puisqu’elle propose de créer au niveau mondial une cour internationale d’investissement qui pourrait faire jurisprudence. Les juges y auraient un mandat clair, et les conditions d’accès à une telle Cour seraient clairement fixées selon les vœux de Viviane Reding qui a annoncé à la radio qu’un tel sujet avait été abordé la semaine auparavant au Parlement européen en commission du Commerce international.
Pour Claude Turmes, le CETA n’est qu’un ballon d’essai pour le TTIP qui est actuellement en cours de négociations, ainsi qu’il l’avait déjà formulé au mois d’août dernier. L’eurodéputé a pu prendre connaissance du document publié par la Commission, même s’il n’a pas encore eu le temps de parcourir dans son intégralité les 1600 pages de l’accord UE-Canada.
Ce qui lui a tout d’abord sauté aux yeux c’est qu’il s’agit du premier accord signé par l’UE offrant une aussi vaste protection des investisseurs pour les multinationales. Et il craint que n’importe quelle entreprise américaine ayant une société boîte aux lettres au Canada ne puisse désormais faire usage du mécanisme de règlement des différends pour attaquer les Etats membres si la législation devait nuire à leurs intérêts. Or, argue l’eurodéputé écologiste, "la démocratie ne peut pas avoir à craindre les multinationales quand elle légifère", ce serait sinon "la fin de la démocratie et le début de la dictature des grandes entreprises multinationales".
Autre point relevé par Claude Turmes à la première lecture de l’accord, il n’est pas fait mention du principe de précaution qui est pourtant à la base de toute la réglementation européenne sur l’autorisation d’OGM. L’eurodéputé y voit un "terrible recul" devant les multinationales qu’il accuse d’avoir noyauté la Commission Barroso II, sans compter les pressions exercées sur les gouvernements.