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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
Distinguée par un réseau européen de promotion des femmes, Viviane Reding a fait le bilan de ses initiatives pour plus d’égalité entre femmes et hommes
17-10-2014


L'eurodéputée Viviane Reding lors d'une conférence de presse sur ses actions pour l'égalité des femmes et des hommesLe 17 octobre 2014, l’eurodéputée luxembourgeoise (PPE) et ancienne vice-présidente de la Commission européenne Viviane Reding a fait le bilan de ses actions et initiatives pour plus d’égalité entre femmes et hommes, lors d’une conférence de presse à la Maison de l’Europe à Luxembourg. Le réseau European Women’s Management Development (EWMD), un réseau de promotion des femmes européennes pour le management, lui a décerné le prix "She made a difference", à l’occasion de son 30e anniversaire. Le réseau estime que l’ancienne commissaire à la Justice s’est engagée "en faveur de l’égalité des hommes et des femmes dans un contexte politique et en faveur du développement des femmes dans les postes de direction".

Viviane Reding est entre autres l’initiatrice d’une proposition de directive visant à introduire des quotas de femmes dans les conseils d'administration des 5000 entreprises européennes cotées en bourse. Adopté le 14 novembre 2012 par le Collège des Commissaires européens, la proposition vise à porter à 40 % la proportion du sexe sous‑représenté aux postes d’administrateurs non exécutifs dans les sociétés cotées en bourse, à l’exception des petites et moyennes entreprises. Il s’agit de "briser le plafond de verre"  auquel les femmes sont confrontées pour accéder aux postes de décision dans les plus grandes entreprises européennes.

Adoptée à une large majorité (459 voix pour, 148 voix contre et 81 abstentions) au Parlement européen le 20 novembre 2013, cette proposition de directive doit être approuvée par le Conseil où elle est bloquée par plusieurs pays. L’un de ces Etats membres est l’Allemagne où une partie des conservateurs, notamment la branche bavaroise du parti chrétien-social, la CSU, veut reporter le projet de quotas de femmes à la direction des entreprises, ce que la chancelière Angela Merkel a refusé de façon catégorique. 

"Il y a une grande majorité de pays au sein du Conseil EPSCO qui soutiennent la directive, mais il y a encore une minorité de blocage. Dès que l’Allemagne aura levé son blocage, il y aura une majorité pour la directive", a expliqué Viviane Reding lors d’une conférence de presse. " Il y a donc de grandes chances que la Commission Juncker l’adopte", a-t-elle affirmé.

Une question de mentalité et de nécessité économique

Pour Viviane Reding, le problème de sous-représentation est avant tout un "problème de mentalité", l’ancienne commissaire jugeant qu’elle a contribué à une réorientation. "Il y a eu des actes, timides, mais on va dans la bonne direction". Elle estime qu’elle a fait évoluer les choses rien qu’en "mettant le sujet sur la table". "Souvent en Europe, en mettant le doigt sur la plaie, on réussit à produire un changement", dit-elle.

Elle rappelle qu’il faut soutenir les femmes qui, selon elle, "ont peur" d’un monde dominé par les hommes. Elle a évoqué ses propres expériences, notant que des femmes qui étaient souvent mères devaient faire face à un monde politique qui n’était pas adapté à leurs besoins. "A cette époque, les réunions commençaient à huit heures du soir et se terminaient vers minuit. Quand les femmes ont plus d’influence, les réunions commencent plus tôt, sont plus courtes et plus efficaces", affirme-t-elle.

Selon Viviane Reding, la société n’a pas d’autre choix que de promouvoir l’égalité des genres. "L’Europe ne peut plus se permettre de renoncer au talent de femmes bien éduquées", estime-t-elle, soulignant que 60 % des universitaires diplômés sont des femmes. Pour l’ex-commissaire, ce n’est pas une question de féminisme, mais une "nécessité économique" : "Ces femmes représentent un potentiel qui ne doit pas rester en friche, il faut en profiter, sinon on devra importer des talents". Elle admet "ne pas aimer les quotas", mais qu'elle "aime ce que les quotas font, ils ouvrent des portes".

La part des femmes dans les conseils d’administration a atteint 18,6 % en 2014

En 2012, dix Etats membres avaient adopté des instruments juridiques de promotion de la parité hommes-femmes au sein des conseils d’administration des sociétés. Depuis 2010, quand la nouvelle stratégie pour l’égalité entre femmes et hommes fût adoptée, des progrès ont été réalisés quant à la représentation des femmes dans les conseils d’administration des plus grandes sociétés cotées en bourse, selon un document intitulé "L’Europe brise le plafond en verre", publié le 24 septembre 2014 par la Commission :  Leur part a augmenté de 2 % par an pour arriver à 18,6 % en avril 2014 (contre 11,9 % en octobre 2010). Selon la Commission, c’est grâce à une "pression politique et réglementaire" que la progression a été accélérée : le taux d’augmentation a été quatre fois plus important que lors de la période précédente lors de laquelle le taux n’était que de 0,5 % par an.  

Néanmoins, aucun progrès n’a été réalisé quant aux femmes PDG : le taux s’établit à 3,3 % en avril 2014, égal à octobre 2011. Entre ces deux périodes, il a même reculé jusqu’à 2,5 % (en octobre 2012). Dans 12 Etats membres, dont le Luxembourg, aucune femme ne préside un conseil d’administration selon une liste publiée sur le site de la Commission. Au Luxembourg, qui compte 10 entreprises cotées en bourse, 10 % des membres des conseils d’administration sont féminins. Le taux le plus élevé est réalisé en Lettonie (31 % sur 30 entreprises), suivie de la France (30 % sur 36 entreprises), la Finlande (29 % sur 23) et les Pays-Bas (25 % sur 22 entreprises). Le taux le plus bas est réalisé en Malte (3 % sur 21 entreprises), suivie de Chypre, l’Estonie et la République tchèque (avec 7 %), du Portugal et de la Grèce (9 % chacun).

C’est surtout dans les pays de l’Est et du Nord qu’on retrouve un taux élevé de PDG femmes : l’Islande qui n’est pas membre de l’Union, arrive en tête avec 27 % sur 11 entreprises, suivie de la Serbie, membre à l’adhésion à l’Union, la Serbie (avec 23 % sur 13 entreprises). Dans l’Union, la Pologne arrive en tête (21 %), suivie de la Slovaquie (20 %), la Lettonie (17 %), la Bulgarie (17 %), la Roumanie et l’Autriche (chacun 10 %), la France et la Croatie (8 % chacun), l’Espagne (6 %) et la Slovénie et Chypre (chacun 5 %). Dans les autres Etats membres, le taux est en dessous de 5 %, dont l’Allemagne avec 3 % (sur 30 entreprises). Les femmes y représentent 22 % des membres des conseils d’administration.

La Commission note que la part des femmes dans les conseils d’administration a augmenté dans 23 des 28 Etats membres, notamment en France (+ 18 %), en Italie (+ 14 %), en Slovénie (+ 13,5 %), les Pays-Bas (+ 10 %), le Royaume-Uni (+9,4 %) et l’Allemagne (+ 9 %). Elle précise que la plupart de ces "améliorations importantes" étaient due à des débats publics ou des actions législatives.

Pas de clivage politique Nord-Sud, mais des différences de société

Viviane Reding a expliqué qu’en Europe, il n’existe pas un clivage politique entre le Nord et le Sud en ce qui concerne l’égalité des chances et la promotion des droits de la femme. "Les pays du Sud sont prêts à faire des lois, même s’ils ne les appliquent pas toujours. Chez nous, c’est plutôt les pays du Sud, tels que la France, l’Italie, l’Espagne, qui sont allés en direction de quotas durs.", a-t-elle expliqué.  D’après la députée européenne du CSV, ce qu’on peut constater, ce sont des différences de société entre les pays du Nord et ceux du Sud.  Les pays du Nord permettraient mieux de "combiner"  la vie privée avec un engagement professionnel et politique, tandis que ceci serait nettement plus compliqué pour les femmes vivant dans les pays du sud.

Le Luxembourg a présenté en septembre 2014 une stratégie sur un meilleur équilibre entre hommes et femmes dans la prise de décision

Le Luxembourg, comme la plupart des Etats membres, ne seront que peu concernés par la directive, notamment en raison du fait du nombre réduit de sociétés cotées en bourse – elles sont une vingtaine au Luxembourg, une trentaine en Allemagne et en France. Le Luxembourg a néanmoins adopté des mesures nationales de promotion de la présence des femmes dans l’échelon supérieur des entreprises.

La stratégie du Gouvernement sur un meilleur équilibre entre hommes et femmes dans la prise de décision présentée le 16 septembre 2014 par la ministre de l’Égalité des chances a fixé l’objectif d’une présence de 40 % du sexe sous-représenté dans les conseils d’administration du secteur public d’ici 2019 et de 40 % du sexe sous-représenté sur les listes électorales. Parmi les objectifs figure aussi une intervention volontariste de la part du gouvernement dans les conseils d’administration des établissements publics et dans les conseils d’administration des sociétés dans lesquelles l’Etat détient des participations.