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Politique étrangère et de défense
Volet européen de la déclaration de politique étrangère et européenne – le débat des députés
26-11-2014


debat-decla-pol-etrangere-141126Au lendemain de la Déclaration de politique européenne et étrangère prononcée par le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, devant la Chambre des députés, les parlementaires ont pu prendre position au cours d’un débat public, le 26 novembre 2014.

La position du CSV

Laurent Mosar a été le premier à s’exprimer au nom du groupe CSV (chrétiens-sociaux), le député disant partager lors de son intervention le constat central exprimé la veille par le ministre Asselborn, celui d’un monde multipolaire, toujours plus complexe et moins sûr, qui connaît un nombre inédit de crises et de catastrophes.

Pour ce qui est des questions européennes, le député chrétien-social est longuement revenu sur l’évolution de la situation en Ukraine et l’attitude de la Russie dans ce dossier, notant qu’il s’agit de se rappeler l’histoire si l’on veut comprendre les réactions de Moscou. Et de rappeler notamment le cadeau, à l’époque de l’URSS, de la Crimée à l’Ukraine, le non-respect de ses promesses de non-élargissement vers l’Est par l’OTAN ou encore le précédent de la reconnaissance du Kosovo contre l’avis de la Russie. Dès lors, conclure un accord d’association entre l’UE et l’Ukraine, sans discussions avec la Russie, n’était pas "très intelligent" estime-t-il.

Néanmoins, "pour le CSV, la manière dont la Russie a annexé la Crimée est totalement inacceptable et ne peut pas être reconnue internationalement", a-t-il dit. Tout aussi inacceptable est la situation dans l’Est de l’Ukraine où les séparatistes, soutenus par l’armée russe, sont toujours actifs, a-t-il poursuivi. "Il est donc juste que la communauté internationale et l’UE aient fermement condamné ces actions de la Russie", a estimé Laurent Mosar, le député notant qu’il ne s’agit pas d’exonérer le gouvernement ukrainien de ses responsabilités.

Pour le député, l’UE doit pousser l’Ukraine à se réformer alors que l’accord de Minsk, "doit être transposé au plus vite". Par ailleurs, le message doit être clair que, malgré l’association, l’Ukraine n’a pas vocation à adhérer à l’OTAN ou à l’UE, avance le député CSV, qui plaide pour que Kiev soit "un pont entre l’UE et la Russie". Enfin, Laurent Mosar demande que tout soit fait pour renouer le dialogue, se disant peu amateur des sanctions économiques qui ont, selon lui, "renforcé politiquement le président Poutine qui s’en sert pour justifier tout ce qui va mal dans son gouvernement". Le député salue donc la volonté de l’UE de ne pas prendre le chemin de nouvelles sanctions et plaide même pour ne pas les renouveler lorsqu’elles arriveront à terme.

Le député CSV est également revenu sur le conflit israélo-palestinien, soulignant une situation "inhumaine et inacceptable" dans la bande de Gaza, "une prison géante à ciel ouvert". L’UE et le Luxembourg doivent donc pousser pour la reconnaissance d’un Etat palestinien "viable économiquement" et condamner la politique de colonisation, avance Laurent Mosar. Mais cela uniquement en cas de reconnaissance de l’Etat d’Israël par les palestiniens, le député chrétien-social condamnant les "attaques terroristes du Hamas". Les initiatives de reconnaissance unilatérale de l’Etat palestinien par certains Etats membres seraient selon lui "contreproductives", l’UE devant en la matière "parler d’une seule voix".

Pour ce qui est de l’Union européenne en tant que telle, Laurent Mosar note que dans le monde globalisé dans lequel l’UE évolue, il y a une vraie difficulté à définir un projet commun alors que la tendance est au contraire au repli et à la concurrence entre Etats. Le député CSV note néanmoins qu’à ses yeux l’Europe est sortie renforcée de la crise en étant "beaucoup plus réaliste" alors que la paix ne peut plus être considérée comme un acquis définitif. D’ailleurs l’image négative de l’UE serait avant tout de la responsabilité des politiques qui en "nationalisent tous les bénéfices et en européanisent tous les problèmes".

Le député chrétien-social a encore brièvement évoqué deux sujets ayant trait à l’UE, à savoir les accords commerciaux internationaux, dont le TTIP négocié avec les USA, ainsi que les révélations "Luxleaks" qui ont mis en évidence certaines pratiques fiscales du Grand-Duché à l’égard de plusieurs multinationales. Sur le TTIP, Laurent Mosar a estimé qu’il ne fallait pas "diaboliser ces accords sur le principe", ceux-ci pouvant "insuffler une nouvelle dynamique", notamment "en termes d’emploi". Il s’agit ainsi de ne pas "aller dans ces discussions avec un préjugé défavorable" tout en étant critique et en assurant la protection des normes européennes.

Sur les révélations "Luxleaks", le député CSV s’est dit d’accord avec le ministre Asselborn sur le besoin de davantage de transparence, mais qui ne soit pas limitée au niveau de l’UE mais bien portée au niveau mondial. Et de souligner que le CSV est "en faveur de la concurrence fiscale dans l’UE" et juge que la fiscalité "doit rester une compétence souveraine exclusive" car "il n’est pas acceptable que Bruxelles décide à l’avenir du niveau des impôts des uns et des autres ici au Luxembourg", a-t-il conclu.

La position du LSAP

Le député Marc Angel, qui a pris la parole pour le groupe socialiste (LSAP) a lui aussi dit partager le constat du ministre des Affaires étrangères sur l’éloignement des espoirs de voir un monde en paix. Les mises en cause du droit international, notamment la politique agressive de la Russie, ne facilitent pas les relations entre pays et sont "un signal négatif pour les petits pays".

Revenant plus en détail sur la situation ukrainienne, "un conflit militaire très proche" le président de la commission parlementaire des Affaires étrangères à la Chambre a noté son "impact sur le sentiment de sécurité des citoyens". Selon le député, la crise qui frappe ce pays depuis plus d’un an suscite ainsi de nombreuses craintes en raison de ses conséquences imprévisibles, alors que le cessez-le-feu censé être en vigueur n’est une réalité "que sur le papier" et que les informations quotidiennes dans les médias sur des mouvements de troupes et d’armes. "Il faut veiller à ce que les relations entre l’UE et la Russie reviennent au plus vite à leur niveau d’avant la crise géorgienne" de 2008, plaide Marc Angel. Pour le député socialiste, les frontières des Etats baltes "doivent être sûres" et il s’agit de se partager le continent avec la Russie, dans le sens d’y vivre ensemble en paix.

Marc Angel plaide également pour que le nouveau gouvernement ukrainien engage rapidement  "des réformes politiques et économiques", notamment en matière de lutte contre la corruption, de décentralisation, d’Etat de droit et de stabilité, jugeant qu’il "faut des pistes de solution avec tous les acteurs", y compris les séparatistes. L’accord de Minsk n’est qu’une partie de la solution selon lui, mais il s’agit d’une bonne "base pour reprendre le dialogue". Et d’appeler lui aussi à ce que l’Ukraine soit un "pont entre l’UE et la Russie".

Au sujet du débat entourant la reconnaissance d’un Etat palestinien, Marc Angel a dit partager l’avis de Jean Asselborn "qui souhaite donner une chance à la recherche d’une position commune au sein de l’UE", jugeant "clair que la reconnaissance unilatérale par certains Etats ne règle en rien la situation". Cependant, "s’il ne devait vraiment y avoir aucun progrès, le Luxembourg pourrait et devrait prendre le chemin d’une reconnaissance unilatérale de l’Etat palestinien", a-t-il encore dit.

Pour ce qui est de l’Union européenne en tant que telle, le député socialiste a dit espérer que l’UE retrouve le chemin de la méthode communautaire et a salué la mise en place d’une nouvelle Commission européenne "plus politique". Marc Angel s’est également dit "heureux" du "nouveau souffle" donné aux négociations d’adhésion avec la Turquie, comme annoncé quelques jours plus tôt lors de la visite officielle du ministre turc des Affaires européennes au Luxembourg. Saluant encore les 5 ans du traité de Lisbonne et ses évolutions positives en matière de coopération accrue avec les parlements nationaux, le député socialiste a aussi tenu à rappeler que "nous sommes aussi Bruxelles", d’où l’importance d’un travail conjoint entre le gouvernement et la Chambre sur les dossiers européens, a-t-il plaidé.

Enfin, sur la question du TTIP, le député a rappelé la tenue d’un large débat à la Chambre le sujet le 11 juillet 2014, tout en soulignant que les parlementaires continueraient d’y être attentifs, notamment sur la question controversée du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE ou ISDS en anglais).

La position du DP

Pour le groupe DP (libéraux), la députée Anne Brasseur s’est également intéressée plus particulièrement à une crise ukrainienne qu’elle juge "innommable". Egalement présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), la députée a estimé que cette crise relevait également "de notre faute", l’UE et les autres membres du Conseil de l’Europe (CE) n’ayant pas aidé l’Ukraine, pourtant membre du CE, à se réformer, notamment au niveau judiciaire. "Le conflit a débuté avec l’annexion de la Crimée, or, on n’en parle presque plus aujourd’hui, c’est pourtant inacceptable", a-t-elle souligné.

Anne Brasseur s’est dite d’accord sur le besoin de dialogue plutôt que de nouvelles sanctions contre la Russie, "car même si ce dialogue est difficile, ce serait encore pire sans", la députée insistant pour "maintenir les canaux de discussion, entre autres parlementaires, ouverts". En matière de politique étrangère européenne, jugée "jusqu’ici pas assez forte", la députée libérale a dit espérer "enfin une nouvelle dimension grâce à la nouvelle Commission européenne". "Il faut une voix de l’UE, aussi en tant que médiatrice", plaide-t-elle. La députée a d’ailleurs appelé à "une solution européenne" sur la question de la migration également, jugeant que les problèmes graves et les drames qui se jouent aux frontières extérieures de l’UE exigent une réponse solidaire. "On ne peut pas abandonner ces pays", a-t-elle dit

La députée du DP est par ailleurs revenue sur les dernières élections européennes marquées par "une participation décevante", des "tendances populistes" et "la montée des partis racistes". Selon Anne Brasseur, cette situation exige "dans tous les pays une alliance des partis démocratiques, malgré leurs différences, contre les discours de haine" qui représentent "un danger pour la démocratie".

Enfin, la députée libérale est brièvement revenue sur les révélations "Luxleaks" qu’elle considère comme "une affaire injustifiée" et "une attaque contre Jean-Claude Juncker  et contre la nouvelle Commission européenne" qu’il s’agirait ainsi "d’affaiblir", tout comme "on veut affaiblir le Luxembourg". "On doit ici se tenir ensemble", dit-elle, jugeant par ailleurs que "l’UE est en de très bonnes mains" entre celles de Jean-Claude Juncker.

La position de Déi Gréng

Pour le groupe Déi Greng (écologistes), le député Claude Adam a expliqué que les défis internationaux deviennent de plus en plus grands, par exemple les inégalités, le terrorisme et la criminalité organisée, qui souvent dépassent la sphère d’action étatique. Pour lutter contre ces phénomènes, le député vert souligne le besoin d’institutions et d’organisations internationales fortes. Il prend l’exemple de l’ONU, qui dispose selon lui de moyens trop limités, "surtout le Conseil de sécurité, qui ne correspond plus aux réalités 21e siècle".

Claude Adam explique que les Verts sont en faveur de la construction et de l’extension de la politique étrangère et de sécurité commune européenne (PESC). Ils prônent une meilleure mise en œuvre du Traité de Lisbonne et un approfondissement de l’intégration des Etats-membres dans l’UE. Les Verts sont en outre en faveur de l’élargissement de l’UE et encouragent donc la poursuite des négociations avec la Serbie, le Monténégro, et la Turquie tout en veillant à ce que les critères d’adhésion soient pris au sérieux par les Etats candidats. Pour la Turquie, Claude Adam souligne l’importance de "ne pas lui faire de cadeaux" sur les valeurs européennes, la transparence, l’ouverture, internet et les libertés religieuses. En outre, il faut que la Turquie soit en mesure de mieux contrôler ses frontières avec les zones de crise, dont la Syrie et l’Irak. Selon Claude Adam, l’UE joue un rôle de plus en plus important dans le monde, entre autres en ce qui concerne la promotion de valeurs liées aux droits de l’Homme. A travers ses agissements, l’UE devrait assumer "une fonction de modèle" pour le reste du monde.

Pour lui, la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE au deuxième semestre 2015 sera fondamentale. Le Luxembourg devrait y montrer qu’il a un "un rôle de médiateur" important dans l’UE. Pour ce faire, il devrait faire jouer ses atouts tels que le plurilinguisme. Claude Adam rappelle les objectifs les plus importants fixés par le trio de présidence (Luxembourg, Italie, Lettonie), comme la lutte contre le chômage (surtout le chômage des jeunes, une croissance intelligente dans le cadre d’Europe 2020, la stabilité financière, etc.) Selon lui, la politique de migration sera aussi fondamentale, tout comme la politique européenne de climat et d’énergie. L’Europe devrait devenir plus indépendante de l’importation d’énergies, spécialement dans un contexte de tensions avec la Russie. Pour ce faire, elle devrait produire plus et mieux utiliser les énergies renouvelables. Pour lui, le Luxembourg aura un rôle important à jouer dans le cadre de la conférence sur le climat à Paris en 2015.

En ce qui concerne l’affaire "Luxleaks", Claude Adam estime qu’il est important de promouvoir plus de justice fiscale dans l’UE. "Un accord double imposition ne peut devenir accord de double non-imposition", a-t-il expliqué. Il souligne la nécessité d’un effort européen commun. Selon lui, le Luxembourg a tout intérêt à s’y engager, car "ce n’est pas dans l’intérêt de sa place financière d’avoir des échos négatifs dans les médias internationaux".

Claude Adam cite le mur de Berlin pour indiquer qu’ "aujourd'hui, le nombre de ces murs a augmenté, il y en a plus de 50 entre pays". Une partie de ceux-ci servirait à combattre l’immigration. Les Verts encouragent l’UE à revaloriser sa politique de migration. Selon eux, il est important "d’ouvrir la  porte pour l’immigration légale en Europe", surtout pour des gens qui ont demandé la protection internationale. Il serait tout aussi important d’investir dans les infrastructures d’accueil. Il déplore le nombre de victimes en Méditerranée et indique que "les déplacés internes ne doivent pas être oubliés" dans la mise en place des politiques de migration. Selon lui les véritables sources de migrations sont la guerre, la misère et la faim.

Pour ce qui est de la situation en Ukraine, Claude Adam estime que l’occupation russe viole le droit des peuples, mais que les négociations doivent se poursuivre et que les sanctions doivent être rationnelles. Il estime que la politique actuelle menée en Ukraine est "un chemin entre 2 extrêmes qui seraient de rien faire ou de remilitariser". Selon lui, le gaz est une arme politique puissante de la Russie face aux pays de l’est. Dans ce contexte, il juge fondamental le projet de gazoduc "South Stream".

En ce qui concerne le Proche-Orient, Claude Adam considère que des "extrémismes des deux côtés" entravent le processus de paix, et que "si Israël n’arrête pas de coloniser, la situation va continuer à escaler". Selon lui, l’UE doit continuer à faire pression sur Israël. D’une manière générale, le monde arabe est selon lui de plus en plus "fragmenté" et sujet aux extrémismes. Par ailleurs, il juge que même si des djihadistes parvenaient à recruter au Luxembourg, le Luxembourg ne doit pas "tomber dans une hystérie sécuritaire".

Claude Adam regrette les tendances de négociations plurilatérales comme le TTIP et le TISA. Celles-ci manqueraient de transparence et défavoriseraient "les Etats les plus petits et plus faibles" par rapport aux grands Etats, car ils sont moins aptes à défendre leurs normes sociales et environnementales. Les Verts s’opposent également au "mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats" (RDIE).

La position de l’ADR

Le député Fernand Kartheiser a incité les députés, au nom de sa sensibilité politique ADR, à "regarder l’Europe d’une manière plus réaliste", car l’UE serait de plus en plus "empreinte d’égoïsmes" et de moins en moins d’attention serait accordée aux petits Etats. Selon lui, il est important de "chercher des ponts" pour garder le Royaume-Uni dans l’UE. Il pointe la vague anti-européenne qui caractérise actuellement un grand nombre de pays européens, notamment la France. Selon lui, il est important de "discuter" sur les risques que cela contient. Pour lui, "l’Europe est devenue plus froide et moins solidaire", et la pression qu’elle exercerait sur le Luxembourg serait devenue trop grande, par exemple en ce qui concerne la question du siège des institutions européennes.

Fernand Kartheiser indique que l’ADR est contre l’élargissement de l’UE vers la Turquie, même si elle est un partenaire important. Il estime par ailleurs que les populations de l’UE et de la Turquie ne soutiennent pas cette adhésion.

En ce qui concerne la situation en Ukraine, Fernand Kartheiser explique que la solidarité de l’OTAN ne doit pas être remise en question, mais que la situation en Ukraine doit être considérée d’un point de vue historique. "La guerre froide est finie !", a-t-il clamé, "la Russie est un partenaire stratégique" et "un allié pour certains défis comme l’islamisme". Pour lui, l’UE se trompe d’ennemi. Il admet que la démocratie en Russie "n’est pas parfaite", mais que les tensions avec la Russie ne doivent pas masquer "ce qu’elle et l’Europe ont en commun". En Ukraine, l’UE devrait tenir compte du principe d’auto-détermination. Ceci implique selon lui qu’il faut discuter de l’éventualité d’organiser un deuxième référendum en Crimée dont l’issue serait respectée par l’UE. Pour lui, l’UE a commis beaucoup d’erreurs dans la gestion de cette crise et les sanctions européennes ne seraient d’ailleurs "pas efficaces".

Pour ce qui est du conflit au Proche-Orient, Fernand Kartheiser estime qu’il est important d’analyser la problématique d’une manière plus réaliste. Tout en critiquant la politique de logement israélienne sur les terres palestiniennes, il estime qu’une simple reconnaissance de l’Etat palestinien ne constitue pas une solution miracle pour résoudre le problème du Proche-Orient.

La position de Déi Lénk

Le député de "Déi Lenk" Serge Urbany a critiqué l’attitude du gouvernement face aux négociations du TTIP. Selon lui, ces accords  "servent surtout les intérêts des grandes multinationales" et se caractérisent par "des vagues de libéralisations dans un monde global et dérégulé". Il estime que les affirmations de Jean Asselborn par rapport au TTIP sont "trop floues", et que par ailleurs les accords de libre-échange précédents auraient prouvé qu’ils iraient toujours contre toutes les promesses faites, comme par exemple l’accord de libre-échange nord-américain (Alena), responsable selon lui de la perte d’1 millions de postes de travail.

Selon lui, les Européens contribuent souvent aux problèmes sur le continent africain. Le mur que l’UE essayerait de bâtir en Méditerranée via Frontex est pour lui "inhumain" et il serait temps selon lui de reconsidérer la politique européenne menée en Afrique. Les accords de libre-échange avec plusieurs Etats européens seraient d’ailleurs "surtout une chance pour les multinationales européennes qui veulent inonder le marché africain", estime le député, qui note qu’ils contribueront surtout à la pauvreté et au sous-développement sur le continent africain.

Déi Lenk plaident pour l’unité de l’Ukraine. Ils sont contre toute volonté d’annexion de l’Ukraine et contre toute intervention militaire. Selon Serge Urbany, il est important d’entamer "un programme de construction économique" en Ukraine afin de sortir le pays de cette situation.

Pour Serge Urbany, le groupe terroriste autoproclamé "Etat islamique" est le résultat d’une "politique désastreuse d’intervention militaire en Irak pendant des années", et d’une "politique dictatoriale en Syrie". Selon lui, l’UE doit soutenir les Kurdes et retirer le Parti des travailleurs kurdes (PKK) de sa liste des organisations terroristes, comme cela avait été fait pour le parti ANC de Nelson Mandela. Il estime en outre que les mesures contre les combattants étrangers ne peuvent pas porter à une diminution des droits civils au Luxembourg.

Pour ce qui est du Proche-Orient, Serge Urbany estime que la naissance d’un Etat palestinien constitue un préalable à la paix dans la région. Déi Lenk ont introduit une motion qui "invite le gouvernement à faire de la reconnaissance de l’Etat palestinien un instrument" afin de parvenir à la paix au Proche-Orient. Pour lui, le Luxembourg ne peut  attendre ni "de voir ce qui se passera au Conseil de Sécurité", où les USA poseraient leur véto, ni "qu’il y ait une majorité dans l’UE". En réaction, tous les groupes politiques se sont dits favorables à une reconnaissance de l'État palestinien, sans s’accorder sur la façon de procéder. La motion a dès lors été renvoyée en commission des affaires étrangères.

Les conclusions de Jean Asselborn

Dans sa prise de parole à l’issue du débat des députés, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a encouragé les députés à garder trois éléments à l’esprit quand ils discuteront de la reconnaissance de l’Etat palestinien : que la reconnaissance d’un Etat est "une affaire gouvernementale" et non une compétence de la Chambre des députés qui peut seulement inviter le gouvernement à agir dans ce sens ; que cette décision relève de la compétence nationale et non de celle de l’UE, et qu’à l’ONU, "un accord sur la question n’est pas éloigné".

Sur l’Ukraine, le ministre a répété sa mise en garde contre des sanctions supplémentaires contre la Russie qui empêcheraient tout dialogue. Pour lui, la Russie "a été" un partenaire important de l’UE, "et je veux insister sur 'a été', car après la Crimée, ce n’est plus le cas". Sur l’annexion de la Crimée, les positions européennes doivent rester dures selon Jean Asselborn, qui a rappelé les réactions indignées qu’a suscitées la suggestion de l’ancien ministre-président du Land de Brandenbourg et ancien président du SPD Matthias Platzeck que l’on examine l’annexion de la Crimée sous l’angle du droit des peuples.  

Jean Asselborn a ensuite lancé un appel aux députés, aux syndicats et à la société civile que l’on "s’écarte des préjugés qui courent" à l’égard du TTIP. Il ne nie pas qu’il soulève des questions, mais rappelle que le Luxembourg exporte 80 % de ses biens et de ses services. "Sans exportations, nous ne pourrons pas survivre", a-t-il martelé. L’UE doit s’engager au niveau du commerce mondial pour ses normes sociales, écologiques et de santé "afin que d’autres ne nous imposent pas les leurs". C’est pourquoi le gouvernement recherche la discussion avec les syndicats et les ONG. Admettant que "beaucoup a été gâché à cause du manque de transparence", il a mis en avant que le mandat de négociation a entretemps été rendu public et peut être consulté en ligne et que le temps était venu de "discuter tranquillement du TTIP, du CETA et de TISA".