Entrée en fonction le 1er novembre 2014, la nouvelle Commission européenne poursuit l’offensive engagée par sa prédécesseure contre les décisions anticipatives en matière fiscale (tax rulings) pratiquées par certaines autorités fiscales nationales à l’égard de certaines entreprises, dont notamment au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Irlande.
La Commission a publié le 14 novembre 2014 une version non confidentielle de sa décision du 11 juin 2014 d’ouvrir une enquête approfondie pour des soupçons d’aides d’Etat présumées contre les Pays-Bas pour ses pratiques fiscales envers la chaîne américaine de cafés Starbucks. Le 30 septembre 2014, elle l’avait déjà fait pour deux décisions visant dans un contexte identique les pratiques de l’Irlande envers Apple et celle du Luxembourg envers Fiat Finances and Trade.
Pour mémoire, les soupçons de la Commission à l’encontre de ces trois Etats membres remontent à plus d’un an. Ils portent sur la compatibilité avec les règles de l'UE en matière d’aides d’État de certaines pratiques fiscales en vigueur dans certains Etats membres, en particulier les tax rulings, dans le cadre de la planification fiscale agressive pratiquée par les multinationales, "afin de garantir des conditions de concurrence équitables".
Nombre de multinationales utilisent ces stratégies de planification "pour réduire leur charge fiscale globale, en tirant profit des spécificités techniques de systèmes fiscaux, réduisant ainsi considérablement leur assujettissement à l'impôt", érodant ainsi les assiettes fiscales des États membres déjà soumis à des contraintes financières, souligne la Commission. Si ces décisions "ne posent pas problème en tant que telles", elles peuvent impliquer des aides d’État "au sens des règles de l’UE" si elles "sont utilisées pour conférer des avantages sélectifs à une entreprise ou à un groupe d’entreprises déterminés", juge-t-elle.
Si la Commission n’y fait aucune référence dans son court communiqué, la publication de sa décision se situe en plein contexte de l’affaire Luxleaks qui a mis en lumière un large recours au ruling fiscal par les multinationales dans l’UE, en particulier au Luxembourg. Cela a notamment poussé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à venir s’expliquer lors d’un débat houleux au Parlement européen, le 12 novembre.
Dans son courrier adressé aux autorités néerlandaises le 11 juin 2014, la Commission informe les Pays-Bas de l’ouverture d’une procédure pour aides d’Etat présumées à destination Starbucks Manufacturing BV, une filiale de Starbucks implantée aux Pays-Bas qui torréfie le café pour d'autres branches du groupe.
La Commission considère, "à titre préliminaire", que le ruling des autorités fiscales néerlandaises en faveur de Starbucks relatif aux "prix de transfert" de l’entreprise (les prix des transactions effectuées entre sociétés d'un même groupe) relève bien d’une "aide d’Etat", peut-on lire dans le document de 40 pages. Concrètement, la Commission "s'interroge sur l'exclusion de certains coûts" et sur des "ajustements discutables qui permettent à Starbucks Manufacturing BV de diminuer la base sur laquelle est calculé son impôt sur les sociétés aux Pays-Bas". Elle considère ainsi "à ce stade" que la mesure en cause "semble constituer une réduction des charges qui devraient normalement être prises en charge par les entités concernées dans le cadre de leur activité".
Il s'agirait donc d'un avantage accordé par les autorités fiscales néerlandaises au détriment d'autres sociétés, juge la Commission, qui demande par ailleurs aux Pays-Bas de lui fournir de nouveaux documents pour déterminer du caractère de cette aide d’Etat présumée.