La Cour des comptes européenne a publié le 5 novembre 2014 son rapport annuel sur le budget de l'UE. En sa qualité d'auditeur indépendant, la Cour a validé les comptes de 2013 de l'Union européenne, comme elle le fait depuis 2007. Elle estime que, durant la période 2007-2013, "la priorité a été donnée aux dépenses à effectuer (tout ce qui n'est pas utilisé est perdu) plutôt qu'à l'obtention de résultats satisfaisants" et le choix de projets bénéficiaires de fonds de l'Union a "d'abord été dicté par la nécessité de débourser les fonds de l'UE disponibles", selon le communiqué.
Le taux d’erreur pour les dépenses estimatif s'est élevé à 4,7 % (contre 4,8 % en 2012 et 3,9 % en 2011). Ce taux ne constitue pas un indicateur de la fraude, de l'inefficacité ou du gaspillage, note la Cour puisqu’il s’agit "d'une estimation des paiements qui n'auraient pas dû être effectués sur le budget de l'UE parce que les montants versés n'ont pas été utilisés conformément aux règles de l'Union". Parmi les erreurs fréquentes, elle cite des aides versées à une entreprise déclarée en tant que PME alors qu'elle est en fait détenue par une grande société, ou des travaux venant s'ajouter à un marché public existant sans que soit donnée à d'autres soumissionnaires la possibilité de présenter leurs offres.
En 2013, les dépenses budgétaires de l'UE se sont élevées à 148,5 milliards d'euros, soit environ 290 euros par citoyen, dont quelque 80 % (principalement l'agriculture et la cohésion) sont gérés avec les États membres. Les dépenses représentent environ 1 % du revenu national brut de l'Union, ce qui équivaut à environ 2 % du total des dépenses publiques de ses États membres. Au Luxembourg, la contribution s'élève à environ 590 euros par citoyen, indique Henri Grethen, représentant du Luxembourg à la Cour des comptes européenne. Ce surcoût est "compensé" par les recettes générées par la présence des institutions européennes au Luxembourg, nuance-t-il, selon ses propos retransmis par le Quotidien dans son édition du 7 novembre 2014.
Tandis que les recettes et les engagements financiers pris en 2013 sont réguliers, la Cour constate un "niveau significatif d’erreur" pour les paiements.
Le taux d'erreur estimatif aurait atteint 6,3 %, note la Cour, si la Commission et les autorités nationales n’avaient pas appliqué des mesures correctrices et de recouvrement. Toutefois, les contrôles internes pourraient être "plus efficaces", estime Vítor Caldeira, président de la Cour, dans son discours, ajoutant que les autorités nationales disposaient de suffisamment d'informations pour corriger un grand nombre d'erreurs relevées par la Cour avant de demander le remboursement à la Commission et que cela aurait permis de ramener le taux d'erreur estimatif établi par la Cour de 6,7 % à 2 % dans le cas du développement rural.
Les domaines les plus exposés aux erreurs étaient celle de dépenses "Politique régionale, transports et énergie" et "Développement rural, environnement, pêche et santé" avec des taux d'erreur estimatifs de 6,9 % et 6,7 % respectivement. Le taux d'erreur estimatif pour l'ensemble des domaines en gestion partagée s'est élevé à 5,2 %, contre 3,7 % pour les programmes de dépenses majoritairement gérés directement par la Commission. En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement de l'UE elle-même, ce taux était de 1 %.
"Les propres résultats de la Cour donnent à penser que la Commission sous-estime les montants réellement exposés à un risque", estime son président, en appelant la Commission et les États membres à "produire de meilleures informations sur les erreurs affectant les dépenses et sur les mesures correctrices qu'ils prennent" et à "traiter le problème à la source". Il reproche aux gestionnaires des fonds de l’UE de s’être préoccupés "en premier lieu de dépenser les fonds disponibles, en second lieu de respecter les règles". Dans ce contexte, il salue les initiatives de la Commission pour "favoriser une culture de la performance".
Le président de la Cour a également évoqué la problématique des retards de paiements (les engagements financiers restant à liquider, dit "RAL") dans le budget qui s’élèveront selon lui à 322 milliards d'euros à la fin de l’exercice et qui augmenteront encore "car, dans le budget 2014, les engagements prévus sont plus élevés que les paiements". Pour Vítor Caldeira, cet "excédent" est "particulièrement préoccupant parce que, pour la première fois, il est prévu que les plafonds de paiement restent globalement stables en termes réels pendant plusieurs années". C’est pourquoi la Cour appelle à "anticiper" anticiper d'éventuelles pénuries de financements pour les programmes de l'UE et recommande à la Commission d’établir une prévision de trésorerie à longue échéance.
La Cour a publié en parallèle un rapport sur les dépenses de l’UE dans les domaines en gestion partagée de l’agriculture et de la cohésion dans le contexte du cadre financier pluriannuel 2007-2013. Il constate que la Cour détecte des erreurs dans "près de la moitié des opérations examinées". Un fait "révélateur de la complexité des règles d’éligibilité et des systèmes de gestion mis en place pour gérer les programmes de dépenses de l’UE", estime le rapport, tout en appelant la Commission et les Etats membres à chercher des moyens de simplifier la "complexité de l’architecture globale de gestion et de contrôle".
Le rapport fait état de l’importance des fonds de l’UE dans les finances publiques des Etats membres. En Hongrie, 95 % des projets sont cofinancés par l’UE tandis qu’en Lituanie, les dépenses de l’UE représentent 27 % des dépenses publiques (à l’exclusion de la santé et de la protection sociale). Le rapport nomme également les principaux bénéficiaires des fonds de l’UE : la Pologne arrive en tête, suivie de l’Espagne, la France, l’Allemagne et l’Italie qui ont reçu chacun entre 70 et 100 milliards d’euros environ.
Selon ce rapport, la Cour des comptes a procédé entre 2009 et 2013 à 25 contrôles au Luxembourg et constaté 19 erreurs, dont 7 dans l’agriculture et 12 dans la cohésion. Un nombre de contrôles relativement élevé par rapport à la taille du pays, estime Henri Grethen. En Belgique, il y a eu 22 contrôles (et 7 erreurs), aux Pays-Bas 28 contrôles (dont 17 erreurs) et en Allemagne 282 contrôles (107 erreurs) sur un total de 2 920 contrôles. "25 contrôles, c'est beaucoup. En comparaison, si l'Allemagne avait été contrôlée à la même échelle que le Luxembourg, ce n'est pas 282 mais environ 4 500 contrôles qu'elle aurait subis", martèle Henri Grethen, cité par le Quotidien. Dans le journal, Henri Grethen affirme que les erreurs répertoriées "demeurent peu importantes en termes quantitatifs", puisque d’un point de vue générale, le Luxembourg "figure parmi les bons élèves" tandis que "d’autres pays posent beaucoup plus de problèmes".
La Cour donne des exemples concrets d'erreurs dans les dépenses du budget 2013 dans son "audit en bref" :