Suite à la présentation par la Banque centrale européenne et l’Autorité bancaire européenne (ABE) du résultat de leur test de résistance des banques européennes, l'organisation Finance Watch a publié, le 29 octobre 2014, un communiqué de presse dans lequel elle met en lumière les faiblesses de cet exercice d’évaluation. Elles "risquent de créer une illusion de sécurité autour de ce test", met-elle en garde.
Le test comprenait un examen de la qualité des actifs (AQR), l'évaluation des risques et des tests de résistance pour 130 banques. L’évaluation a mis à jour un déficit de fonds propres de l’ordre de 25 milliards d’euros, pour 25 banques participantes, et un nécessaire ajustement de la valeur des actifs de 37 milliards d’euros. L’incidence globale s’élèverait donc pour les banques à 62 milliards d’euros. A cette somme, s’ajouteraient 136 milliards d’euros supplémentaires identifiés au titre "des expositions non performantes".
Enfin, 81 % des banques avaient réussi le test de solidité imaginant un scénario d’une récession économique, sur fond de crise des marchés financiers et de chute de prix immobiliers. Le ratio minimum pour passer les 'stress tests' avec succès avait été fixé à 5,5 % de fonds propres de qualité optimale. Ce test de solidité a démontré que le scénario envisagé entraînerait une diminution des fonds propres des banques de 263 milliards d’euros, réduisant de 4 points de pourcentage, de 12,4 % à 8,3 %, le ratio moyen de solvabilité (capital de qualité optimale CET 1). Ce ratio tomberait même à 7,6 % lorsque s'appliquent toutes les exigences en capital qui seront applicables à l'horizon 2019.
Dans son communiqué de presse du 29 octobre, Finance Watch fait d’abord savoir qu’elle voit dans la conduite par la BCE et l’ABE de ces tests renforcés, "un pas bienvenu vers une amélioration de la confiance dans le secteur bancaire".
Toutefois, si l’Examen de la qualité des actifs (AQR) a couvert plus de 50 % des actifs pondérés par les risques de crédit et si les conclusions du rapport "devraient aider à nettoyer les bilans bancaires et à renforcer la confiance", Finance Watch pense que "les faiblesses de l’approche illustrent les risques systémiques existant encore et le besoin d’un plafonnement contraignant de l’endettement bancaire à effet de levier".
Parmi les erreurs méthodologiques, l’ONG, qui se donne pour objectif d’aider à mettre la finance au service des citoyens, dénonce le fait que le calcul des fonds propres insuffisants était lié à des exigences de capital fondées sur le risque. Le calcul des actifs pondérés par le risque reposent en majeure partie "sur des modèles internes des banques", qui n’ont été "ni vérifiés ni validés par la BCE", ce qui fait craindre un embellissement de leur situation par les banques. Ce calcul s’est révélé "presque incapable à anticiper la solidité des banques dans la crise financière de 2008 », estime Finance Watch, qui cite la BCE dans son rapport : "La crise a montré que ces exigences seules ne sont pas suffisantes à empêcher ces institutions à prendre des risques excessifs et insoutenables."
La décision de ne pas appliquer complètement les nouvelles règles de capital pourrait pour sa part "affaiblir la transparence et la comparabilité des résultats". L’exercice était mené dans les conditions de l’introduction progressive des arrangements pour le paquet CRD IV/CRR, impliquant le choix de ne pas appliquer les exigences en capital qui seront applicables dans toute l'UE à partir de 2019. Un tel choix a permis de gonfler les fonds propres des banques à hauteur de 126,2 milliards d'euros, comme l’a admis la BCE. Ce dernier montant correspond à l’impact sur le l’impact CET1 des ajustements transitionnels totaux exigés à travers toutes les banques participantes à partir du 1er janvier 2014, dans le cadre du paquet CRD IV/CRR.
Ensuite, Finance Watch déplore qu’ait été retenu le principe d’un bilan bancaire statique, principe qui prend en compte un bilan identique tout au long de la période de crise. "C’était un compromis dans la recherche de simplicité dans la conduite de cette évaluation mais cela néglige les effets décalés d’une crise", dit Finance Watch. Ainsi, en période de "stress", la réponse des banques inclut les liquidations d’actifs qui font varier le bilan mais ne sont pas prises en compte par le test de solidité.
"Il reste beaucoup à faire pour recentrer les banques sur l’économie réelle et pour remédier aux effets de levier excessifs du système", conclut ainsi Paulina Przewoska, analyste senior pour Finance Watch.
Parmi les trois groupes politiques au Parlement européen qui ont publié un communiqué de presse en réaction au test de résistance des banques, les Verts/ALE constituent le seul groupe à critiquer, à l’instar de Finance Watch, la méthodologie employée durant l’évaluation.
Dans un communiqué de presse du 26 octobre, leur coprésident, Philippe Lamberts, a dénoncé des "lacunes majeures" qui vont "entraver les efforts pour une évaluation effective du risque réel dans le secteur".
En conduisant une analyse banque par banque, l’évaluation laisse "le véritable état du système bancaire européen dans l’ombre". Or, "une image trop positive des risques effectifs menace de freiner les efforts pour réguler efficacement les marchés financiers et bancaires", déplore Philippe Lamberts.
Selon ce dernier, l’expertise manque de prendre en compte l’extrême imbrication des banques européennes, qui "se financent les unes les autres", et dont beaucoup sont "trop dépendantes de refinancements instables à court terme".
Ensuite, le fait de baser les tests sur le capital lié au risque a le défaut de se fier à des données fournies en grande partie par les banques, "ce qui les encourage à recourir à des modèles de risque interne qui donne une image plus rose de leurs risques". "Cela laisse aux banques de la place pour valoriser de manière variée leurs risques, ce qui leur permet d’atteindre les exigences règlementaires en capital sans réduire nécessairement l’effet de levier, avec peu de capitaux propres".
Les stress tests auraient ainsi été plus efficaces s’ils avaient été basés sur des exigences en capitaux propres plus complètes (par exemple, en utilisant le ratio d’endettement à effet de levier simple) mais aussi s’ils avaient pris en compte l’interconnexion des banques européennes, juge l’écologiste.
Le lancement de l’évaluation par la BCE a provoqué lui-même une recapitalisation spontanée des banques européennes jusqu’à hauteur de 120 milliards d’euros, ce qui explique les conclusions relativement douces de l’exercice. "Cela en dit beaucoup sur la clémence des superviseurs nationaux envers les banques qu’ils avaient si confortablement sous leur surveillance jusqu’à présent", juge encore Philippe Lamberts.
"Alors que les stress tests ont mis les projecteurs sur les coins les plus sales du secteur bancaire, cela ne devrait pas détourner l’attention du besoin d’une réforme structurelle de l’industrie bancaire. Une séparation claire des activités bancaires est d’une importance capitale pour réduire les risques systémiques en rendant les banques moins complexes, moins interconnectées et plus solides en cas de tourmente financière", conclut-il.
Le groupe Socialistes et démocrates (S&D) a au contraire estimé qu’il ressortait de ce test que "le système bancaire européen est globalement solide et financièrement en bonne posture". "Sur ces bases, les banques doivent à présent revenir à leur mission originelle et fournir aux économies des moyens financiers pour soutenir la croissance. Cela permettra aux entrepreneurs et aux ménages d’investir dans l’avenir", dit son communiqué de presse.
"Notre Groupe s’inquiète de la situation financière des 24 banques européennes qui ont échoué à l’examen. Toutefois, nous sommes confiants que ces banques stabiliseront très rapidement leur situation financière", a dit Gianni Pittella, le président du Groupe S&D.
Par la voix de Sylvie Goulard, rapporteur parlementaire pour l'Union Bancaire, le groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE) se réjouit d’une évaluation qui indique que l’Union bancaire prend forme. "C'est une nouvelle étape vers l'intégration européenne, rendue possible grâce à la pression exercée par le Parlement européen", dit l’eurodéputée, dans un communiqué.
"Cet exercice a été pris au sérieux par les parties prenantes et permettra à l'Europe, en quête de croissance, de restaurer la confiance en son système financier" a-t-elle également déclaré.