La présentation du plan d’investissement de la Commission européenne censé permettre la mobilisation de plus de 300 milliards d’euros pour les trois années à venir, le 26 novembre 2014, par son président, Jean-Claude Juncker, n’a pas manqué de susciter les réactions de nombreux groupes d’intérêts, notamment des organisations patronales et des représentants de travailleurs.
Ainsi la principale fédération faîtière patronale européenne, BusinessEurope, a-t-elle salué le plan comme "une première étape importante [pour] de nombreuses entreprises à travers l'Europe", soulignant néanmoins que son succès dépendrait du franchissement d’autres étapes "plus ambitieuses", selon sa présidente, Emma Marcegaglia, citée dans un communiqué.
L’organisation patronale, qui avait publié la veille ses doléances en vue du plan Juncker, estime notamment que la Commission "a correctement identifié bon nombre des principaux obstacles à l'investissement privé à long terme". L'Europe aurait en effet "besoin d'améliorer la prévisibilité et la qualité de la réglementation des entreprises de l'UE, d'assurer une dépense publique plus efficace et d’améliorer les options de financement à long terme", relève encore le communiqué.
La proposition d'un nouveau Fonds européen pour l'investissement stratégique (FEIS) est également saluée par BusinessEurope, sone directeur général, Markus J. Beyrer, estimant que "l’utilisation d'une petite quantité de fonds publics en vue de mobiliser ceux du secteur privé peut être un moyen efficace de s’assurer que nous choisissions les projets qui stimulent la productivité et la croissance".
La réaction est identique du côté de la Fédération bancaire européenne (FBE) qui voit la création du FEIS comme "une première étape importante" dans l’agenda de l'Union en faveur de la croissance et l'emploi, tout en appelant les décideurs politiques à coupler cette création avec "des mesures additionnelles qui inspirent la confiance des entreprises et des investisseurs, entre autres un cadre économique et réglementaire stable et prévisible", lit-on dans un communiqué diffusé par l’organisation.
Selon la FBE, il est essentiel de créer un environnement européen favorable dans lequel les fonds peuvent être répartis de manière efficace" ce qui implique "non seulement les prêts bancaires, mais aussi d'autres mécanismes, comme une plus grande intégration des politiques entre les États membres de l'UE, un meilleur accès aux marchés de capitaux et l'utilisation de banques nationales et multilatérales de développement". Des progrès plus rapides et plus visible dans l'intégration budgétaire et financière sont ainsi jugés "essentiels" pour restaurer la confiance des entreprises et des intentions d'investissement.
De son côté, Eurochambres, l'association des chambres européennes du commerce et de l'industrie, s’est félicitée d’une approche du plan qui consiste à mobiliser une partie de fonds publics (16 milliards d'euros provenant du budget de l'UE et 5 milliards de la BEI) pour créer un effet de levier afin d'attirer jusqu'à 15 fois plus de fonds privés. "Il s'agit d'un signal important aux administrations publiques européennes sur la façon d'optimiser l'impact de ressources budgétaires publiques sous pression", estime-t-elle, ravie que soit mis un terme à "la culture de la subvention", rapporter l’édition datée du 28 novembre du bulletin de l’Agence Europe.
Enfin, le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général (CEEP), souligne dans un communiqué que si l’orientation et l'ambition du plan sont justes, sa mise en œuvre constituera le véritable test. Si le CEEP salue la mise en place du FEIS et le fait que les contributions des États membres ne seront pas prises en compte pour le calcul du déficit dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance, la concrétisation du plan "ne pourra prendre forme que si chaque État membre s’engage à contribuer au régime de garantie au cours du Conseil européen de décembre", prévient-il.
L’accueil du plan d’investissement a été en revanche plus mitigé notamment de la part de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui, si elle salue sur le principe "de toute tentative d’accroître les investissements qui favoriseraient la création d’emplois" doute "que les 21 milliards d’euros de M. Juncker suffissent à lever les 315 milliards d’euros espérés".
"La Commission européenne semble compter sur un miracle financier comme celui de la multiplication des pains", estime ainsi la secrétaire générale de la CES, Bernadette Ségol, citée dans un communiqué de la CES. "Lever 315 milliards d’euros serait déjà un exploit mais comblerait moins de 40 % des insuffisances d’investissement accumulées chaque année depuis le début de la crise", rappelle-t-elle, notant que le retard d’investissement annuel de l’UE depuis la crise est estimé à 280 milliards d’euros selon des chiffres du groupe de réflexion Bruegel.
"Il est inutile de retenir son souffle et de s’attendre à un impact significatif sur la croissance ou le chômage. Il faudra en faire bien davantage pour relancer l’économie en Europe. J’appelle avec insistance les gouvernements européens à accentuer leurs efforts d’investissement", a-t-elle dit.
Pour sa part, la Social Platform, organisation qui fédère près d’une cinquantaine d’ONG active dans le domaine des droits fondamentaux, a regretté l’absence d’une dimension sociale forte dans le plan Juncker, soulignant que "le modèle social européen ne survivrait pas sans un engagement sérieux à investir dans des politiques sociales ambitieuses et intégrées", lit-on dans un communiqué. "Il manque toujours un investissement dans les politiques sociales qui vont au-delà création d'emplois et de l’accès à l'emploi. L'investissement social est vital pour la prospérité sociale et économique, et pour parvenir à une croissance qui ne soit pas seulement intelligente, mais aussi inclusive", estime Heather Roy, présidente de Social Platform.
Enfin, l’organisation Counter Balance, une coalition européenne d'ONG dans les secteurs de l'environnement et du développement spécialisées dans le fonctionnement des banques publiques d’investissement, met pour sa part en cause un modèle dans lequel le risque serait transféré des investisseurs privés vers les institutions publiques et les contribuables européens. "La crise de la dette souveraine était la conséquence d'un équilibre injuste en matière de prime à la prise de risque. Les grandes banques ont pris les profits pendant que les risques étaient supportés par les contribuables. Au lieu de rééquilibrer cette injustice, le plan 'Juncker' vise à généraliser ce principe à toute l'économie", a ainsi déclaré son directeur, Xavier Sol, cité dans un communiqué.