Le nouveau cycle du semestre européen, l’exercice annuel d’élaboration des politiques économiques de l’UE qui consiste à coordonner ex ante les politiques économiques et budgétaires de la zone euro, en lien avec le Pacte de stabilité et de croissance et la stratégie Europe 2020, a été lancé le 28 novembre 2014 avec la publication, par la Commission européenne, de l’examen annuel de la croissance 2015. Le dernier projet de rapport conjoint sur l’emploi, qui accompagne l’examen annuel de la croissance 2015, analyse les évolutions et défis sur le marché du travail et dans le domaine social et présente les mesures prises par les États membres au cours des douze derniers mois pour améliorer les résultats en matière sociale et d’emploi.
Il comporte également la deuxième édition du tableau de bord d’indicateurs clés en matière d’emploi et de situation sociale qui a été créé en vue de renforcer la dimension sociale de l’Union économique et monétaire à travers une meilleure compréhension des évolutions à risque sur le marché de l’emploi et dans le domaine social. Le tableau de bord comporte un certain nombre d’indicateurs clés révélant les tendances sur le marché du travail et dans le domaine social qui pourraient nuire sérieusement à l’emploi, à la cohésion sociale et au capital humain. Les indicateurs principaux sont le niveau du chômage, le taux de chômage des jeunes et le taux de jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation (NEET), le revenu disponible des ménages, le taux de risque de pauvreté, et les inégalités de revenu. Il couvre tous les États membres de l’UE et permet donc des comparaisons avec la moyenne de l’UE.
Le rapport note que le chômage diminue lentement mais reste à des niveaux élevés dans l’UE (24,6 millions de chômeurs en septembre 2014, soit un taux de 10,1 %). L’évolution du chômage dans l’UE varie encore fortement, mais les écarts ont cessé d’augmenter. Le chômage de longue durée continue à progresser : entre 2010 et 2013 son taux est passé de 3,9 % à 5,1 % dans l’UE. Le chômage des jeunes reste très élevé (21,6 % dans l’UE en septembre), mais montre des signes d’amélioration, tandis que la proportion de jeunes (de 15 à 24 ans) qui ne travaillent pas et ne suivent pas d’études ou de formation demeure forte. Le nombre de jeunes qui quittent prématurément le système éducatif diminue graduellement, ce qui permet de progresser vers l’objectif de moins de 10 % d’abandons scolaires d’ici à 2020. De même, des progrès certains sont constatés dans l’UE pour atteindre l’objectif d’un taux de diplômés de l’enseignement supérieur, ou équivalent, d’au moins 40 % à l’horizon 2020. Alors que les taux d’activité sont restés stables dans la plupart des Etats membres malgré la crise, le taux d’emploi de l’UE a baissé. L’évolution de ces deux taux varie selon les sexes, les groupes d’âge, les niveaux d’éducation, les secteurs et les types de contrats.
Selon la Commission européenne, l’emploi devrait connaître une légère amélioration, surtout en raison des hausses prévues du PIB, mais pour atteindre l’objectif de 75 % des hommes et des femmes de 20 à 64 ans en activité énoncé dans la stratégie «Europe 2020», une inversion de tendance serait nécessaire. Le manque de dynamisme des PME en matière d’emploi depuis 2010, considérées comme importantes pour la croissance, montre que des solutions appropriées, notamment pour les problèmes du secteur financier, pourraient avoir des effets importants sur l’emploi.
La Commission note par ailleurs que le marché du travail reste très segmenté dans plusieurs États membres. Dans le contexte d’une mobilité limitée de la main-d’œuvre à l’intérieur de l’UE, l’inadéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail est devenue plus importante dans plusieurs États membres, comme en atteste le nombre de vacances d’emploi qui est resté relativement stable, en moyenne, au cours des dernières années. Pour remédier à ces faiblesses structurelles, la Commission indique que l’offre de compétences répondant aux besoins du marché du travail doit être encore améliorée.
L’évolution des salaires commence à s’orienter vers un alignement sur la productivité, ce qui, selon la Commission, contribuera au rééquilibrage macroéconomique en Europe. La diminution des coûts salariaux unitaires et la modération salariale ne se sont traduites que de manière lente et incomplète par une réduction des prix. Le coin fiscal demeure élevé dans de nombreux États membres. La Commission indique que la lutte contre le travail non déclaré reste un défi dans certains États membres.
La Commission note que l’évolution du revenu disponible brut des ménages en termes réels se caractérise à la fois par des écarts importants et par des divergences croissantes entre États membres de l’UE. Les niveaux d’inégalité ont augmenté dans de nombreux États membres, tout comme le taux de risque de pauvreté et d’exclusion sociale qui ont connu une forte augmentation. L’évolution des niveaux de pauvreté varie considérablement entre les tranches d’âge. Les enfants sont confrontés à un risque croissant de pauvreté ou d’exclusion sociale depuis 2008, car la situation de leurs parents (dont la plupart sont en âge de travailler) s’est dégradée. Les personnes en situation de vulnérabilité et à faible revenu ont continué à rencontrer des difficultés dans l’accès aux soins de santé dans certains États membres.
Lu Luxembourg fait partie des 6 Etats membres de l’UE ou le taux de chômage a augmenté par rapport à 2013. En octobre 2014, il s’élève à 6 %, 4 points en moins que la moyenne de l’UE. Le chômage de longue durée se situe à 1,8 %, plus de 3 points en moins que la moyenne européenne. Le taux de chômage des jeunes y est faible (15,6 %, 6 points en moins que la moyenne de l’UE) et a diminué. Au Luxembourg, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur, ou équivalent, est parmi les plus élevés (supérieur à 50 %). Le taux d’activité a augmenté le plus au Luxembourg (il s’élève à 75,4 %), en Lituanie, en Hongrie, en Pologne, en République Tchèque et à Malte. Le Luxembourg connaît avec Malte la croissance la plus forte du taux d’emploi, elle y atteint un score de 71,1 %. Selon la Commission, ce sont surtout les personnes plus âgées qui ont profité de la croissance du taux d’emploi au Luxembourg.
Plusieurs États membres ont engagé des réformes en tenant compte des recommandations spécifiques par pays formulées dans le cadre du semestre européen 2014. La Commission indique que les premiers effets positifs transparaissent, par exemple, dans une hausse des taux d’activité. Or, elle estime que des mesures spécifiques doivent être mises en œuvre pour renforcer l’intégration des chômeurs de longue durée dans le marché du travail, par exemple en liant davantage les régimes d’allocation de chômage à des mesures d’activation. Les États membres devraient en outre poursuivre et renforcer les initiatives visant à résoudre le problème de la segmentation des marchés du travail en simplifiant leur législation du travail.
Aussi, certaines réformes des systèmes fiscaux ont été entreprises afin de réduire les facteurs qui peuvent dissuader d’accepter un emploi pour inciter les entreprises d’engager des jeunes et des chômeurs de longue durée. Plusieurs États membres ont adapté les mécanismes de fixation des salaires pour favoriser l’alignement de l’évolution des salaires sur la productivité et de soutenir le revenu disponible des ménages, en mettant particulièrement l’accent sur les salaires minimaux. Quelques États membres ont étudié les possibilités de création d’emplois liées à des incitations à l’embauche (temporaire), ainsi qu’à des subventions salariales ou des allégements de charges sociales pour les nouvelles embauches.
Les États membres ont en outre avancé dans la mise en œuvre des garanties pour la jeunesse. Selon la Commission, des efforts supplémentaires sont nécessaires, notamment en ce qui concerne les services publics de l’emploi, les interventions actives et ciblées sur le marché du travail ainsi que l’enseignement et la formation professionnels. Elle encourage les États membres à créer un environnement favorable permettant aux entreprises de proposer des contrats d’apprentissage, de manière à faciliter la transition de l’éducation à l’emploi.
Pour faire face à l’évolution rapide des exigences en matière de compétences, certains États membres ont élaboré des mesures visant à améliorer l’offre de compétences et à promouvoir la formation des adultes. Un certain nombre de pays ont pris des initiatives en vue d’améliorer leur système d’enseignement primaire, secondaire et supérieur, tandis que d’autres se sont penchés sur la stratégie globale en matière d’éducation.
Des réformes des systèmes de protection sociale ont été mises en place pour «activer» efficacement les personnes qui sont en mesure d’accéder au marché du travail, pour prendre en charge celles qui en sont exclues et protéger les individus contre les risques survenant tout au long de la vie. Aussi, les États membres ont doublé leurs efforts pour mieux cibler les personnes les plus exposées au risque de pauvreté. Plusieurs États membres ont renforcé leurs politiques sociales de protection du bien-être des enfants et des personnes âgées ou ont relevé le niveau de certaines prestations, tandis que d’autres ont pris des mesures spécifiques de lutte contre la pauvreté infantile. Dans plusieurs pays, l’âge de la retraite est en train d’être relevé et les différences entre hommes et femmes en la matière sont en cours de réduction. Certains États membres incitent les travailleurs à prolonger leur vie active et à améliorer leurs droits à pension en différant leur départ à la retraite. En outre, des États membres réexaminent leurs dépenses de santé, dont ils cherchent à améliorer le rapport qualité-prix et l’efficacité.
La Commission note que des réformes ont été engagées dans tous les secteurs mentionnés, mais que leur état d’avancement et leur portée varient en fonction des domaines d’action et des États membres. Des efforts supplémentaires et une mise en œuvre rapide seraient nécessaires pour garantir que ces réformes aboutissent à des résultats concrets sur le terrain.
Les résultats du tableau de bord font donc apparaître des divergences socioéconomiques persistantes. Des différences restent visibles au niveau des taux de chômage (en général et chez les jeunes) et de la proportion de jeunes qui ne travaillent pas et ne suivent ni études ni formation; en outre, la baisse des revenus des ménages et l’accroissement des inégalités et des taux de pauvreté sont manifestes dans la plupart des États du sud de la zone euro, bien que ces indicateurs aient connu aussi une évolution similaire dans certains autres États membres. Au stade actuel, en particulier pour les indicateurs liés au chômage, les écarts ne semblent pourtant pas se creuser davantage, même s’il reste à déterminer dans quelle mesure les tendances observées jusqu’à présent sont en train de s’inverser.
La Commission note dans son projet de rapport qu’en cas de choc économique, les problèmes d’emploi et les difficultés sociales risquent de s’accentuer au sein de l’union monétaire en partie en raison de l’éventail limité d’outils d’ajustement disponibles. De même, l’absence de mise en œuvre de mesures efficaces pour relever les grands défis concernant l’emploi et la situation sociale peut indirectement avoir des effets négatifs dans d’autres États membres et dans l’Union européenne tout entière. La Commission recommande ainsi aux Etats membres de veiller à ce que les défis se posant sur le plan social et en matière d’emploi soient relevés suffisamment tôt et de manière efficace.
Le rapport sera approuvé par le Conseil des ministres de l’emploi et des affaires sociales de l’UE, puis présenté au Conseil européen en vue d’alimenter le semestre européen et la surveillance.