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Transports
Survol de centrales nucléaires françaises par des drones - Le monde politique luxembourgeois réagit au niveau national et européen pour souligner les risques de sécurité et appeler les autorités compétentes à réagir
08-12-2014 / 09-12-2014


minidroneLe député européen luxembourgeois des Verts, Claude Turmes, a diffusé le 8 décembre 2014 un communiqué dans lequel il s’inquiète des dizaines de survols d’installations nucléaires françaises, dont Cattenom, par des drones et exige, au nom de son groupe politique, que l'Union Européenne se saisisse de la question pour établir un cadre réglementaire harmonisé en Europe sur les procédures d'achat et d'utilisation des drones à des fins civiles.

Les faits

Claude Turmes rappelle que depuis le mois d'octobre 2014, plusieurs dizaines de survols d'installations nucléaires françaises par des drones ont été observés au-dessus des installations de Bugey, Marcoule, Saint-Alban, Creys-Malville, Blayais, Nogent-sur-Seine, Cattenom, Chooz, Dampierre ou Gravelines. Certaines ont été survolées à plusieurs reprises. "Ces survols sont illégaux car la loi française dispose que les aéronefs ont l'interdiction de pénétrer dans un périmètre de 5 km aux alentours des centrales (1,000 m en altitude)", met en garde le député.

Il rappelle que bien que trois individus aient été arrêtés à proximité de la centrale de Belleville-sur-Loire qui se trouvaient en possession d'un drone, ces derniers ont été mis hors de cause par les autorités judiciaires et relâchés après une garde-à-vue prolongée. Bref, "les autorités n'ont à ce stade procédé à aucune autre arrestation et ne parviennent pas à identifier les responsables."

Les exigences des Verts européens

Le 5 décembre 2014, une question parlementaire a été soumise à la Commission européenne afin d'éclaircir les points mentionnés ci-dessus. D'autre part, un courrier a été adressé à Bernard Cazeneuve, ministre français de l'Intérieur, afin de lui faire part des  demandes des Verts liées à la sécurité nucléaire (notamment des piscines), à la transparence, et à la coopération avec les pays frontaliers dont le Luxembourg et de lui recommander d'agir avec la plus grande diligence sur ces questions.

Claude Turmes déplore qu’aucune information n'ait été communiquée publiquement ni par les firmes EDF et AREVA, ni par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). D’où l’exigence des Verts "que les autorités françaises pallient ce manque de transparence en informant la population des risques posés par ces survols et des mesures de protection prises pour garantir la sécurité des installations nucléaires."

Le communiqué de Claude Turmes cite la ministre de l'Écologie et de l'Énergie qui a déclaré que "les survols de centrales aujourd'hui ne font peser aucun risque sur ces centrales" en raison de la taille et du poids des aéronefs concernés. "Pour autant, si ce raisonnement est valide pour les réacteurs dont les parois épaisses sont conçues pour résister au crash d'un petit avion, il n'en va pas de même pour les piscines où repose le combustible usé, qui présentent un plus haut degré de vulnérabilité", conteste-t-il. Et d’ajouter : "D'autre part, les survols de drones peuvent représenter une menace indirecte s'ils constituent des ‘repérages’ en vue d'attaques ultérieures. Nous demandons à ce que les autorités compétentes prennent toutes les mesures adéquates pour s'assurer que les piscines sont protégées au même titre que les réacteurs."

"La sécurité des centrales françaises est un problème européen"

Claude Turmes insiste finalement sur le fait que "de nombreuses centrales françaises se trouvent à proximité des frontières du pays". Dont la centrale de Cattenom qui se trouve à quelques kilomètres du Luxembourg, et il en va de même pour l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et la Suisse. "Par conséquent, le problème de la sécurité nucléaire française est un problème européen", en conclut-il, et "en cas d'accident, les conséquences seront désastreuses pour de nombreux pays, y compris le Luxembourg".

Partant de là, les Verts européens demandent "que la Commission européenne prenne des mesures pour coordonner l'action des États membres relatives à la sécurité des installations nucléaires à travers des processus appropriés, notamment en repensant l'articulation entre la sûreté et la sécurité nucléaire et en impliquant l'ENSREG (groupe des régulateurs européens de la sûreté nucléaire)."

La nécessité d’une réglementation sur l'achat et l'utilisation des drones

L’autre problème qui se pose est l'absence de réglementation européenne sur les drones. Certains Etats membres ont adopté des textes, d’autres non. Il y a donc nécessité pour les Verts européens que "l'Union Européenne se saisisse de la question pour établir un cadre réglementaire harmonisé en Europe sur les procédures d'achat et d'utilisation des drones à des fins civiles, en ligne avec la communication sur des normes plus strictes pour les drones, adoptée le 8 avril 2014. ".

Le député vert Henri Kox intervient au niveau national

Le 8 décembre 2014, le député vert Henri Kox est intervenu dans le même contexte au niveau national. Il a adressé au ministre des Affaires étrangères et au ministre du Développement durable une question parlementaire – qui n’a pas encore pu recevoir de réponse – dans laquelle il voudrait savoir

  • s’il y a eu des contacts avec les autorités françaises au sujet des nombreux survols illégaux de drones,
  • si le gouvernement a été rapidement et pleinement informé par les autorités françaises sur le nombre et le types de drones, sur les risques posés par ces survols illégaux - notamment aussi en ce qui concerne les piscines de combustibles usés - et sur les mesures de protection additionnelles mises en place ou envisagées afin de garantir la sécurité des installations,
  • si le soutien des services luxembourgeois a été sollicité pour surveiller les alentours de la centrale de Cattenom et
  • quelle est la réglementation luxembourgeoise en matière de mise sur le marché de drones.

L’état de la réglementation nationale

La réponse du gouvernement datée du 9 décembre 2014 et rédigée sous la signature de la secrétaire d’Etat à la Sécurité intérieure, Francine Closener, à une question parlementaire du député ADR Fernand Kartheiser, livre finalement les derniers éclaircissements sur l’état de la réglementation nationale.  

Au Luxembourg, une zone classée Seveso II est soumise à des restrictions de survol permanentes, l’usine Dupont de Nemours dans la Zone Sandweiler-Contern.

La loi qui règlemente la navigation aérienne prévoit des restrictions ponctuelles de survol de certaines zones en cas de circonstances exceptionnelles et après l’évaluation de différentes menaces ou risques.

La police grand-ducale n’a pas encore fait de constat qu’un drone a constitué une menace pour la sécurité. La Direction de l'Aviation Civile (DAC) n’a pas non plus reçu de plaintes sur l’utilisation de drones à des fins d’espionnage ou criminelles.

L’élaboration d’un cadre règlementaire spécifique pour les drones – immatriculation, suivi de leur navigabilité, règles d’utilisation, etc. – fait néanmoins partie des priorités de la DAC. La secrétaire d’Etat précise qu’un tel cadre doit être, selon l’EASA (European Aviation Safety Agency), "avec les lignes directrices qui sont en train d’être élaborées au niveau européen".

Pour rappel : un débat a eu lieu au Conseil le 8 octobre 2014

Les ministres européen des Transports ont mené le 8 octobre 2014 lors de leur réunion du Conseil à Luxembourg un débat d'orientation sur l'utilisation future de drones au sein du marché européen de l'aviation, sur la base de la communication de la Commission d’avril 2014.

Selon les conclusions diffusées par le Conseil, les ministres ont exprimé leur accord avec l'objectif d'une intégration progressive des drones civils dans l'espace aérien normal, soulignant la nécessité de mettre l'accent sur la sécurité en premier lieu. Ils ont également souligné l'importance de la protection de la vie privée. Un grand nombre de délégations ont indiqué que les règles de protection des données actuelles seraient suffisantes à ces fins, et certaines délégations ont mentionné le besoin de flexibilité des règles nationales.

La plupart des Etats membres ont soutenu une approche européenne harmonisée pour permettre à un certain nombre de drones de voler dans l'espace aérien civil et de permettre à cette industrie à croissance rapide d’exploiter son plein potentiel. Un certain nombre de délégations a ajouté que les différents types de drones existants doivent être pris en compte, par exemple en autorisant les drones les plus simples en premier.

De nombreux États membres ont estimé que l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) serait la mieux placée pour élaborer des normes techniques et de sécurité ainsi que des permis et certificats. Plusieurs délégations ont en outre mentionné la nécessité d'être prêt à répondre à tout risque d'interférence dans les fréquences radio que pourrait causer une utilisation large de drones.

Le secrétaire d’Etat luxembourgeois, Camille Gira, avait pour sa part souligné la position du Luxembourg pour lequel les aspects de sécurité, mais aussi de la protection des données et de la vie privée sont cruciaux, lit-on dans un communiqué. Camille Gira a par ailleurs soutenu les efforts de la Commission et l’a invitée à prendre en compte l’expérience et les avis de l’industrie impliquée dont la société luxembourgeoise de satellites SES. Camille Gira avait en outre annoncé que le Luxembourg est intéressé à travailler sur ce dossier sous présidence luxembourgeoise, en espérant le dépôt d’une proposition législative d’ici là, en étroite coopération avec la Lettonie et les Pays-Bas qui assurent la présidence du Conseil avant respectivement après le Luxembourg.