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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
A deux sièges de la majorité absolue, le parti Syriza obtient une victoire écrasante lors d’élections législatives grecques jugées "historiques" : premières réactions dans l’UE et au Luxembourg
25-01-2015


Les Grecs étaient invités à élire 300 députés le 25 janvier 2015. Cette élection législative fait suite à la dissolution du Parlement, provoquée en décembre par le refus de plus de deux cinquièmes des députés d'élire à la place du président de la République, Carolos Papoulias, dont le mandat expire en mars, le candidat proposé par le gouvernement d'Antonis Samaras (Nouvelle Démocratie), à savoir  l'ex-commissaire européen Stavros Dimas.L'emblème du Parlement grec

Les 300 députés du Parlement grec sont élus via un mode de scrutin mixte pour une durée de quatre ans : 238 sont élus dans les 56 circonscriptions du pays, et 12, généralement des personnalités, le sont à partir de "listes d'Etat". Ces 250 sièges sont donc répartis à la représentation proportionnelle entre tous les partis ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés. 50 sièges sont par ailleurs attribués au parti ayant obtenu le plus de voix.

A deux sièges de la majorité absolue, le parti de gauche radicale Syriza remporte les élections et va devoir consulter pour constituer un gouvernement de coalition

Sur les 9,9 millions d’inscrits, 63,87 % se sont rendus aux urnes ce dimanche, un taux de participation en légère hausse par rapport à juin 2012 où un peu moins de 62,5 % des électeurs s’étaient déplacés pour voter.

Selon les résultats connus au lendemain du vote, qui portaient sur 99.8 % des bureaux, la coalition de gauche radicale, Syriza, devient la première force du pays, avec 36,64 % des suffrages et 149 élus. Syriza gagne 78 sièges par rapport aux élections de juin 2012. Ce parti de gauche conduit par Alexis Tsipras était donné vainqueur dans les sondages, ce qui avait provoqué d’incessantes discussions dans l’UE dans les semaines précédant le scrutin. Il était déjà entré en force au Parlement européen lors des élections européennes de mai dernier, contribuant fortement aux changements dans les équilibres politiques de l’hémicycle.

L’enjeu pour Alexis Tsipras était d’obtenir 151 députés, c’est-à-dire la majorité absolue. Ce qui lui aurait permis de constituer un gouvernement dans de voir chercher des partenaires de coalition. A deux jours des élections, son objectif était en effet d’avoir "les mains libres pour négocier" une éventuelle restructuration de la dette grecque, lui qui dit respecter "les institutions européennes et les traités qui découlent de ces institutions mais pas la troïka qui ne fait pas partie de ce traité". Pour mémoire, la troïka rassemble les créanciers institutionnels de la Grèce, à savoir la BCE, la Commission européenne et le FMI.

Comme il n’a pas obtenu  cette majorité absolue, Alexis Tsipras va disposer d’un "mandat exploratoire" de trois jours pour tenter de trouver des alliances fermes avec d'autres partis, à hauteur d'au moins 151 députés au total. Si cette procédure échoue, le président grec confiera le même mandat de trois jours au parti arrivé deuxième, et en cas de nouvel échec, au parti arrivé troisième.

Le parti arrivé en deuxième position est le parti du Premier ministre sortant, Antonis Samaras, à savoir Nouvelle Démocratie. Ce parti conservateur a obtenu 27,81 % des suffrages, et comptera 76 députés au parlement grec, soit 53 de moins qu’auparavant.

C’est le parti néo nazi Aube dorée qui arrive en troisième position, avec 6,28 % des suffrages, en léger recul par rapport à juin 2012. Il perd un siège au parlement où il comptera toutefois 17 députés.

Quatre autres partis ont dépassé le seuil de 3 %.

Il s’agit en premier lieu du parti "La Rivière" (To Potami), parti pro-européen de centre gauche nouvellement formé, qui a obtenu 6,05 % des suffrages et comptera donc lui aussi 17 députés. Une consultation de ce parti était envisagée par Alexis Tsipras au lendemain du scrutin.

Le parti communiste de Grèce (KKE) arrive en cinquième position, avec 5,47 % des suffrages et 15 députés, soit trois de plus que lors de la législature précédente.

Le parti des Grecs indépendants (ANEL), un parti de droite souverainiste, arrive en sixième position avec 4,75 % des suffrages, soit 13 députés. Ce parti avait obtenu 20 sièges lors des élections de juin 2012. Panos Kammeno, dirigeant de ce parti, s’était dit "prêt à collaborer" et devait être le premier à rencontrer Alexis Tsipras dans la matinée du 26 janvier 2015.

Le parti socialiste grec (PASOK), dont la liste était conduite par l’ancien ministre des Finances Evangelos Venizelos, a connu un fort recul, n’obtenant que 4,68 % des suffrages. Il perd 20 sièges au parlement, où il sera représenté par 13 députés.

Petit tour d’Europe des premières réactions

Le président du Parlement européen, Martin Schulz (S&D), a déclaré à la radio Deutschlandfunk qu’il ne s’attendait pas à une restructuration de la dette grecque parce qu’il "n’y aura pas de majorité" parmi les Etats membres à ce sujet. Il a en revanche estimé nécessaire d’améliorer les recettes de l’Etat et de favoriser les investissements, notamment à l’aide du plan d’investissement de la Commission européenne, mais surtout de lutter contre l’évasion fiscale afin de "récupérer l’argent qui est là". Il a rappelé que le solde budgétaire grec a pour la première fois enregistré un excédent et plaidé pour qu’on investisse cet argent au lieu de l’utiliser pour la réduction de la dette. Alexis Tsipras, avec lequel il a parlé dans la nuit, est pour lui "un homme pragmatique qui sait quand il faut faire des compromis". Sans majorité absolue, le vainqueur des élections ne pourra pas imposer ses "revendications radicales", estime Martin Schulz.

Le président français François Hollande a été parmi les premiers à féliciter Alexis Tsipras, lui faisant part de "sa volonté de poursuivre l'étroite coopération entre nos deux pays, au service de la croissance et de la stabilité de la zone euro, dans l’esprit de progrès, de solidarité et de responsabilité ", a indiqué la présidence française dans un communiqué.

Le Premier ministre britannique David Cameron s'est en revanche ouvertement inquiété sur son compte Twitter d'une élection grecque qui "accroîtra l'incertitude économique en Europe".

La victoire de Syriza peut favoriser davantage de flexibilité en Europe, comme le demande l'Italie, a affirmé pour sa part le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni. "Il n'y a aucun doute que le résultat grec, s'il est géré politiquement par la Grèce et l'Union européenne avec des négociations flexibles et réalistes, favorisera la demande de mettre un terme à la rigidité que nous, Italiens, avons toujours réclamée", a expliqué le ministre sur la chaîne Rai 3. "Deux mots clés sont importants aujourd'hui en Europe: le respect pour la démocratie quand un pays vote et choisit cette direction, et la flexibilité", a-t-il ajouté.

L’Allemand Günther Oettinger, commissaire européen chargé de l’économie numérique, a rappelé au micro de Deutschlandfunk que la Grèce a besoin d’un nouveau financement à partir de mars et qu’il y a déjà eu des négociations entre l’ancien gouvernement et la troïka (UE-BCE-FMI). "On ne va pas détériorer ni changer les conditions de cette offre" qui sera la base de négociation avec le nouveau gouvernement, a-t-il dit. "La Grèce a besoin de l’Europe et de financement", a ajouté Günther Oettinger, précisant que l’UE "ne peut pas changer sa position à cause d’une élection" et que cela pourrait envoyer un mauvais signal à d’autres Etats membres comme l’Irlande, le Portugal, l’Espagne ou Chypre. Selon lui, "tout ce qui était possible" a déjà été fait en matière de réduction des taux d’intérêts et de durée des crédits. Günther Oettinger a rappelé qu’une sortie de la Grèce de la zone euro n’est pas envisagée par l’UE et que ce serait un "risque pour les deux côtés".

Quant au président de la banque centrale allemande, Jens Weidmann, il a pour sa part exhorté Alexis Tsipras à "ne pas faire de promesses illusoires" à ses concitoyens. La Grèce a besoin du financement et celui-ci sera seulement accordé si la Grèce respecte les conditions, estime-t-il.

La BCE ne pourrait pas accepter une restructuration de ses titres grecs et le nouveau pouvoir à Athènes devra payer ses dettes et ne surtout pas agir de manière unilatérale, a estimé Benoît Cœuré, membre du directoire de l'institution.  Le nouveau gouvernement "doit payer, ce sont les règles du jeu européen, il n'y a pas de place pour un comportement unilatéral en Europe", a-t-il affirmé au micro de la radio française Europe 1. "Cela n'exclut pas un rééchelonnement", a-t-il par ailleurs dit, ajoutant qu'il "y aura une discussion" sur la dette grecque, conduite par les gouvernements. "Il faut que l'Europe montre qu'elle peut s'adapter à un changement de gouvernement, même radical, dans un pays membre", a-t-il estimé, tout en insistant sur la nécessité pour Athènes de "continuer les réformes pour que l'économie grecque s'en sorte".

"Il est absolument clair que nous ne pouvons approuver aucune réduction de la dette qui toucherait les titres grecs détenus par la BCE. Cela est impossible pour des raisons juridiques", a également averti Benoît Cœuré dans une interview au quotidien économique allemand Handelsblatt. "Ce n'est pas à la BCE de décider si la Grèce a besoin d'une réduction de sa dette", a-t-il ajouté. La BCE détient actuellement 27,2 milliards d'euros de dette grecque négociable, soit environ 42 % du total.  

Les réactions des groupes politiques au Parlement européen

Le groupe du Parti populaire européen (PPE, chrétiens-démocrates) n’a pas publié de communiqué officiel sur les résultats du scrutin grec mais son président, l’eurodéputé allemand Manfred Weber, a notamment considéré, via une publication sur le site de microblogging Twitter le 25 janvier 2015, que "la voie des réformes devait être poursuivie en Grèce" et qu’ "il apparaîtra vite et de façon claire que M. Tsipras fait des promesses vides". Une allusion au fait que le chef de file de la coalition de partis de gauche Syriza a fait entre autres campagne sur la promesse de mettre fin à la politique d’austérité en Grèce.

"L’Europe est prête à se montrer solidaire avec la Grèce si les engagements convenus sont respectés", appuie par ailleurs le président du PPE dans un second message posté un peu plus tard sur la même plateforme.

Le groupe des socialistes et démocrates (S&D) au Parlement européen a pour sa part salué la victoire des partis de gauche en Grèce qui "ouvre la voie à une large coalition progressiste", lit-on dans un communiqué diffusé le 25 janvier sur le site du groupe. "Le peuple grec a clairement choisi de mettre un terme à l'austérité imposée par les diktats de la troïka et il demande au nouveau gouvernement de mener des politiques équitables et plus justes socialement", a appuyé l’eurodéputé italien et président du groupe, Gianni Pittella,

"La renégociation de la dette grecque, et en particulier l'extension des modalités de remboursement de son plan de sauvetage, ne devrait plus être considérée comme un tabou", a-t-il poursuivi, notant que "la volonté du peuple grec devrait être respectée par toutes les institutions européennes et les États membres". Le président du groupe S&D a par ailleurs "exhorté Alexis Tsipras à former une coalition pro-européenne forte et viable" et mis en avant la volonté de son groupe politique "à coopérer pleinement avec le nouveau gouvernement progressiste, dont il est attendu qu’il lutte sérieusement contre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et la corruption".

Du côté du groupe parlementaire de l’Alliance des démocrates et des libéraux (ALDE), son président, l’eurodéputé belge Guy Verhofstadt, a félicité le leader de la coalition "To Potami - la Rivière", Stavros Theodorakis, allié au parti libéral grec Drasi. Avec quelque 7 % des voix lors du scrutin grec, Guy Verhofstadt estime que "le succès de To Potami, qui offre une alternative stable aux partis établis de la gauche et de la droite, prouve qu'il y a, au sein du peuple grec, une demande pour une force politique pro-européenne et favorable aux réformes", lit-on dans un communiqué diffusé le 25 janvier sur le site du groupe.

Le président de l’ALDE, qui assure que "l'avenir de la Grèce se situe dans la zone euro et dans l'Union européenne", dit espérer que To Potami jouera maintenant "un rôle clé" au sein du gouvernement de coalition. "Avec leur programme réformiste, ils offrent un réel espoir pour l'avenir en Grèce. C'est le seul parti qui sera en mesure de dompter les tendances eurosceptiques tant de la gauche que de la droite", affirme Guy Verhofstadt.

Le groupe de la gauche radicale au Parlement européen (GUE/NGL) s’est pour sa part félicité d’"une victoire électorale historique" et d’un "excellent résultat". "La population grecque n’est plus prête à souffrir seule pour les erreurs de l'UE et a voté contre une doctrine d'austérité en échec", lit-on dans un communiqué diffusé par le groupe le 25 janvier. "Nous souhaitons beaucoup de succès Alexis Tsipras dans les négociations avec un partenaire de coalition potentiel avec lequel un changement de politique pourra être initié", a estimé la présidente de la GUE/NGL, l’eurodéputée allemande Gaby Zimmer, jugeant que "cette élection est la première étape sur la voie d'une Union européenne sociale. C’est un triomphe pour la gauche en Europe qui signale la fin de l'ère de la troïka".

Plusieurs groupes politiques au Parlement européen n’avaient cependant pas encore diffusé de réactions officielles à l'heure de la rédaction de cet article. Ainsi, ni le groupe des conservateurs et réformistes (ECR), ni celui des Verts/ALE, ni le groupe eurosceptique EFDD,  n’avaient encore pris position.

Les réactions au Luxembourg

Le ministre des affaires étrangères luxembourgeois Jean Asselborn a évoqué dans la soirée du 25 janvier 2015 un résultat "clair" : ce sont "tant les partis de gauche que de droite" qui "ont perdu des voix". La question qui se pose désormais est de savoir "pourquoi Syriza a été élu aussi massivement", a-t-il expliqué à la rédaction du Tageblatt.

Dans cette interview publiée dans le Tageblatt le 26 janvier 2015, il explique que "les Grecs ne sont pas anti-européens, et ils ne veulent pas sortir de l'euro". Cependant, "force est de constater qu’un tiers de la population grecque souffre extrêmement", souligne Jean-Asselborn. Selon le chef de la diplomatie luxembourgeoise, les mesures d’austérité adoptées en Grèce auraient particulièrement frappé les populations les plus vulnérables et la classe moyenne, tandis que les oligarques n’auraient guère subi des pertes.

"L'Union européenne est un projet de paix, et c’est aussi un projet social pour la paix", a répondu le ministre au journaliste qui lui demandait quel était maintenant le rôle de l’UE. Au sujet du désir affiché par Alexis Tsipras de négocier une restructuration de la dette, Jean Asselborn précisait que "si  les Grecs mettent en place un gouvernement pro-européen", ce que le ministre escomptait au moment où il donnait cet entretien, "nous mènerons des discussions".

" L’Europe doit donner de l’espoir aux gens qui vont mal, et non le contraire", a encore déclaré le ministre, cité par le Luxemburger Wort dans son édition du 26 janvier 2015. Il avait en tête "les tendances dans des pays comme la France, l’Italie et l’Espagne" et concluait que "la victoire de Syriza représente un sérieux avertissement à la structure partisane traditionnelle que nous devons prendre au sérieux", a conclu le ministre des Affaires étrangères. "Il est temps de réagir", ajoutait-il, ainsi que le rapporte le Tageblatt. "L’Europe doit représenter à nouveau pour les pays qui traversent une crise un espoir d’en sortir", estimait-il en ne perdant pas de vue qu’il faut à cette fin "adapter la politique". Si l’on pousse les mesures d’austérité à l’extrême, on joue avec le feu", mettait en garde le ministre.

Dans un communiqué de presse du 25 janvier 2015, l’eurodéputé vert (verts/ALE) Claude Turmes a dénoncé les plans d’austérité en Grèce qu’il juge "catastrophiques". "Le programme d’austérité imposé par la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne a fait de la crise de la dette aussi et surtout une crise sociale et humanitaire", a pointé l’eurodéputé vert. "En ce sens, le vote d'aujourd'hui est une indication claire de l'humeur de la population grecque et devrait être un signal d’alerte pour la politique à Bruxelles et dans toutes les capitales d'Europe", a souligné Claude Turmes.  "J’espère que le prochain gouvernement grec poursuivra une voie progressiste et pro-européenne, qui visera à s’attaquer sérieusement à la corruption dans le pays et à le sortir de la crise sociale", a poursuivi l’eurodéputé vert. Or, selon lui, cela ne sera possible que "si les partenaires européens et surtout la troïka se rendent finalement compte qu'il faut mettre fin à l'austérité exagérée qui a ruiné les systèmes sociaux et de santé grecs". Claude Turmes a souligné l’importance d’une politique d’investissements dans l’UE "pour lutter efficacement contre les maux sociaux croissants en Grèce et dans d'autres régions d'Europe".

"Ceux qui se réjouissent aujourd'hui de la victoire de Syriza trinqueront demain si la Grèce refuse de rembourser", a indiqué le député du CSV Laurent Mosar sur son compte Twitter le 25 janvier 2015.

Le même jour, le secrétaire parlementaire du parti de gauche radicale "Déi Lenk", David Wagner, a commenté le résultat des élections grecques en déclarant au "Tageblatt" que "l'Europe est enfin arrivée au 21e siècle". A ses yeux, ces élections grecques sont "le début d'un nouveau cycle de résistance aux marchés financiers".