Le contexte

Dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) en 1984, les quotas laitiers avaient été mis en place en vue de limiter la production laitière (lait de vache) qui était jusque-là fortement excédentaire et qui entraînait les prix du lait à la baisse dans l’Union européenne (UE).  Ces quotas consistent en une politique de droits à produire. Des quotas nationaux de production sont fixés, qui sont ensuite répartis par les Etats membre entre les différentes entreprises productrices. En cas de dépassement des quotas, les Etats peuvent percevoir auprès des agriculteurs un prélèvement qui peut atteindre jusqu’à 100 % du prix sur les quantités additionnelles produites. Cette politique a subi plusieurs ajustements au fil des années et a permis de diminuer dans le secteur du lait les dépenses communautaires liées pour le stockage d'intervention, pour les restitutions à l'exportation, et pour les aides à la consommation interne.

En novembre 2008, le Conseil a approuvé le principe d’une augmentation progressive des quotas laitiers de 1 % par an pour la période de 2009 à 2013 devant conduire à leur suppression en 2015. Cette décision avait provoqué un effondrement du marché laitier, et face aux protestations du milieu agricole pour exiger un maintien des quotas laitiers, un règlement relatif  aux "relations contractuelles dans le secteur du lait avait été adopté en 2012, en vue de renforcer la position des producteurs dans la chaîne d’approvisionnement. Néanmoins, dans la nouvelle PAC, la date butoir de 2015 pour l’abolition des quotas a été maintenue. Les quotas laitiers vont ainsi disparaître en avril 2015.

"Il est devenu impossible pour les producteurs de mener une activité rémunératrice"

L'EMB souligne dans son communiqué que durant l'année 2014 la production laitière a progressé d'environ 7,5 millions de tonnes par rapport à l'année 2013, ce qui a entraîné une baisse des prix. En Belgique, aux Pays-Bas, en Irlande et en France, les prix ont dégringolé sous la barre des 30 centimes en ce début d'année, indique l’EMB. "Il est devenu impossible pour les producteurs de mener une activité rémunératrice", s'inquiète l'EMB. "Cette situation remet, de plus en plus, en question la viabilité de nombreux élevages", avertit le président du European Milk Board (EMB), Romuald Schaber.

Aux yeux de l’EMB, les producteurs laitiers sont "déjà embourbés dans une nouvelle crise sur le marché du lait", sans qu’aucune amélioration ne soit en vue, sachant que le 1er avril 2015, les quotas laitiers vont expirer. "La situation sur les marchés continuera de se dégrader", prévoit l’organisation.

Les producteurs de lait européens exigent une baisse de la production laitière

L'EMB enjoint ainsi les élus de passer à l'action. "Nous exigeons une baisse immédiate de la production laitière partout en UE", déclare Romuald Schaber, président de l’EMB. "La production doit être réduite de 2 à 3 pourcents afin de réaligner l'offre sur la demande" poursuit-il. Selon lui, les instruments actuels, tels que l’intervention et la constitution de stocks privés, s’avèrent totalement inadaptés à la gestion de "crises graves comme celle vécue aujourd‘hui". L'EMB s'inquiète aussi du fait que les efforts déployés par les producteurs de lait en UE en vue d’un ajustement du marché soient contrecarrés par des importations à bas prix en provenance de pays tiers.

L'EMB plaide pour la mise en place d'un programme de responsabilisation face au marché (PRM). Il s’agit de mesures incitatives permettant aux producteurs de lait d'ajuster leur volume de production en fonction du marché.

"La production laitière en Europe ne peut être pérennisée que si les coûts de production peuvent être couverts à long terme", conclut Paul de Montvalon, membre français du conseil d’administration de l’EMB.

"Dans un contexte où l’offre de lait ne cesse d’augmenter, la fin des quotas risque de conduire à une vraie catastrophe", estime Fredy De Martines, président de la société coopérative luxembourgeoise Fairkooperativ

Les craintes exprimées par l’EMB s’ajoute à celles qui ont été mises en avant à plusieurs reprises dans le secteur agricole national.

Au Luxembourg, les producteurs laitiers s’étaient exprimés dans ce sens le 24 novembre 2014 à l’occasion de la rencontre annuelle du "Buchstellentag" et le 3 octobre 2014, la Centrale paysanne avait mis en garde contre une surproduction dans l’UE et dans le monde qui risque de conduire à une "guerre du lait".

Le président de la société coopérative luxembourgeoise "Fairkooperativ Luxembourg" Fredy De Martines, a déclaré à Europaforum.lu que le secteur du lait luxembourgeois partage les préoccupations exprimées par l’EMB, et la coopérative luxembourgeoise qu’il dirige a participé à l’élaboration du communiqué de l’EMB, une association dont elle est membre. Il indique qu’en 2014, l’offre mondiale du lait a augmenté de 5 à 6 %, alors que la consommation mondiale n’a augmenté que de 1 à 2 points. Ceci a entraîné une chute des prix de près de 30 %, explique-t-il. "Or, dès que les quotas disparaîtront, la production laitière augmentera de plus belle", s’inquiète-t-il.

L’embargo russe empire les choses, poursuit Fredy De Martines, tout comme le fait que la Chine a arrêté d’acheter plusieurs produits laitiers européens. "Dans ce contexte, la fin des quotas va à l’encontre de toutes des lois du marché", estime le Président de la coopérative luxembourgeoise. "Dans un contexte où l’offre de lait ne cesse d’augmenter, la fin des quotas risque de conduire à une vraie catastrophe", estime Fredy De Martines.

Fredy De Martines a annoncé à Europaforum.lu que "Fairkooperativ Luxembourg" organisera une conférence de presse sur les quotas laitiers au Luxembourg en février 2015.