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Parlement européen - Fiscalité
Une commission d’enquête sur Luxleaks nuirait à l’image du Luxembourg, de la Commission européenne et à son président Jean-Claude Juncker, estime l’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach (PPE)
16-01-2015


Georges Bach a été réélu au Parlement européen le 25 mai 2014L’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach (PPE) a dit craindre qu’une commission d’enquête du Parlement européen sur Luxleaks nuise à l’image du Luxembourg, de la Commission européenne et à son président Jean-Claude Juncker. Georges Bach estime que le mandat de la commission d’enquête sera d’analyser "spécialement" la situation des pratiques fiscales ("tax ruling") au Luxembourg, a-t-il confié à Europaforum. Il dit craindre que l’image du Luxembourg et de Jean-Claude Juncker sera "mise à mal" par cette commission d’enquête, "focalisée" sur le Luxembourg, et la presse internationale. "Cela va briser le nouvel élan de la Commission alors qu’elle vient de présenter un plan d’investissement et son programme de travail pour 2015", a-t-il regretté, plaidant pour une approche "plus générale et européenne". Il craint que ce soient avant tout les groupes europhobes et eurosceptiques qui vont profiter de la situation pour critiquer la Commission.

Pour la création de cette commission d’enquête, les présidents du groupes politiques au Parlement européen doivent se mettre d’accord sur un projet de mandat, mais le nombre de 188 voix nécessaires a été rassemblé, comme l’ont annoncé les Verts le 14 janvier 2015, notamment grâce à 20 voix du PPE et 31 voix du S&D. Il a critiqué l’eurodéputé vert Sven Giegold, un des initiateurs pour la création d’une commission d’enquête, qui mettrait "toujours l’accent sur le Luxembourg". "Depuis deux ou trois ans, il qualifie le Luxembourg comme un paradis fiscal, alors que le Luxembourg s’est mis en conformité avec les règles européennes", dit Georges Bach. Le président des Verts, Philippe Lamberts, a pourtant souligné que cette commission d’enquête ne ciblerait pas l’ancien Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker ou un pays particulier.

Si seulement 9 % des membres du groupe politique PPE ont signé, comme le souligne Georges Bach, il y a quand-même parmi eux des "personnalités importantes" comme les deux Allemands Markus Ferber, membre de la CSU et premier vice-président de la commission ECON, et Werner Langen, membre de la CDU et de la commission ECON, – les deux faisant parti du Parlement européen depuis 20 ans. Selon un communiqué de Sven Giegold, la moitié des députés allemands ont signé l’initiative pour la création d’une commission d’enquête, contre 34 % des députés français. 16 % des membres du groupe S&D ont par ailleurs signé.

Au sein du groupe PPE, "tout le monde était assez scandalisé, on n’était pas content", a indiqué Georges Bach. Selon lui, c’était surtout des "problèmes nationaux" et des "pressions" locales ou régionales qui ont poussé des députés du PPE à voter pour l’initiative des Verts. Pour Markus Ferber, cité par le Handelsblatt du 16 janvier 2015, la question n’est pas de faire comparaître Jean-Claude Juncker, mais d’accroître la pression sur les gouvernements des Etats membres. Selon un article sur le site du Spiegel du 15 janvier, Jean-Claude Juncker a même été "abandonné" par ses collègues de parti. Pour Georges Bach par contre, il s’agirait plutôt de se protéger contre d’éventuelles attaques de la part du parti anti-euro AFD (pour Alternative für Deutschland) qui mord sur l’électorat de la CDU et de la  CSU, selon ce qu’il a déclaré au Wort du 16 janvier 2015. 

Alain Lamassoure (PPE) dénonce une "opération anti-Juncker"

Georges Bach n’est pas le seul à craindre pour l’image de Jean-Claude Juncker, qui avait déjà fait l’objet d’une motion de censure initiée par les groupes eurosceptiques au Parlement européen et rejetée par une majorité. "C’est une opération anti-Juncker menée par l’opposition démocratique du Parlement, les Verts et la gauche radicale", estime Alain Lamassoure (PPE), cité par le quotidien Les Echos du 16 janvier 2015. " Cela crée un énorme malaise au sein du groupe ", a-t-il ajouté.

Selon le Handelsblatt, certains eurodéputés estiment que les présidents des partis ont "échoué" à s’imposer. "On respecte le droit d’une minorité au PPE qui veulent une commission d’enquête. On va continuer de travailler de manière constructive", a déclaré Manfred Weber, président du groupe (et également membre du CSU) sur son compte Twitter.

Martin Schulz et le président du groupe S&D Gianni Pittella n’auraient pas réussi non plus à empêcher les 31 députés socialistes de voter pour l’initiative des Verts alors que le groupe a tenté d’être uni derrière la Commission européenne, a confié l’eurodéputée luxembourgeoise Mady Delvaux (S&D) au Wort du 16 janvier 2015.

Georges Bach aurait préféré la création d’une "commission spéciale" (une commission temporaire au sein de la commission économique du Parlement européen) et pour laquelle il y aurait eu un accord au sein du PPE. Celle-ci avait également été demandée en novembre 2014 par le groupe ALDE.

Des doutes sur la compétence du Parlement européen à enquêter sur la fiscalité

Georges Bach s’est également interrogé sur la compétence du Parlement européen à enquêter sur la fiscalité, un domaine qui relève de la compétence des Etats membres. Selon le Handelsblatt, le président du Parlement européen Martin Schulz, doutant de la compétence d’une commission d’enquête sur Luxleaks, a contacté le service juridique du PE. En effet, la création d’une commission d’enquête est exclue par les traités si "les faits allégués sont en cause devant une juridiction et aussi longtemps que la procédure juridictionnelle n'est pas achevée", selon l’article 226 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). Or, la Commission européenne a ouvert des enquêtes approfondies dans trois Etats membres, dont le Luxembourg qui faisait jusqu'il y a peu l’objet de deux procédures d’infraction. Selon Les Echos, les grands partis pourraient en outre "tenter de limiter les dégâts, en imposant un mandat restrictif pour cette commission d’enquête".