Alors que le nouveau Premier ministre grec, Alexis Tsipras, et son ministre des Finances, Yanis Varoufakis, achèvent une première tournée auprès de leurs homologues européens pour évoquer une renégociation de la dette grecque, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le 4 février 2015 qu’elle suspendait un régime de faveur accordé jusqu'ici aux banques grecques.
Le Conseil des gouverneurs de la BCE "a décidé de lever la dérogation touchant les titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique", explique l’institution monétaire dans un communiqué diffusé le 4 février. "La dérogation a permis à ces instruments d’être utilisés dans les opérations de politique monétaire de l'eurosystème en dépit du fait qu'ils ne remplissaient pas les exigences minimum de notation de crédit". Concrètement, ce canal de financement permettait aux banques grecques d'emprunter de l'argent auprès de la BCE en apportant comme garanties des obligations d'Etat grecques.
Ce régime de garanties inférieures aux exigences habituellement requises avait été accepté par le BCE à condition que le gouvernement grec suive le programme de la troïka, les créanciers institutionnels d'Athènes (BCE, Commission européenne, FMI). Or, "il n'est pas possible à l'heure actuelle d'anticiper une issue positive" du programme d'aide qui devait notamment être conclu à la fin du mois de février, écrit l’institution monétaire européenne dans son communiqué, qui souligne que sa décision est "conforme aux règles existantes de l’eurosystème".
L'institution précise néanmoins que "les besoins de trésorerie des contreparties de l'eurosystème qui ne disposent pas de garanties suffisantes peuvent être satisfaits par la banque centrale nationale concernée, au moyen d'une assistance de liquidité d'urgence (ELA) conformément aux règles existantes". Ce mécanisme d'urgence permettra ainsi aux banques grecques de recevoir des fonds de la Banque de Grèce en cas de crise de liquidité.
Le ministère grec des Finances a de son côté tempéré la portée de la décision de la BCE, en assurant dans un communiqué diffusé le 5 février (uniquement en langue grecque) que celle-ci n'avait "pas de répercussions négatives" sur le secteur financier du pays qui restait "totalement protégé" grâce aux autres canaux de liquidités toujours disponibles. Cette décision "met la pression sur l'Eurogroupe pour progresser rapidement vers la conclusion entre la Grèce et ses partenaires d'un accord qui bénéficie à chacun" sur l'avenir de la dette grecque et des réformes économiques du pays, ajoute le ministère dans son communiqué.
Une réunion extraordinaire de l’Eurogroupe – qui rassemble les ministres des Finances des Etats membres de la zone euro – consacrée à la situation en Grèce a justement été confirmée pour le 11 février à Bruxelles. "Les ministres procèderont à un échange de vues sur la voie à suivre après la nomination du nouveau gouvernement grec et considérant que l'aide financière à la Grèce au titre du FESF (Fonds européen de stabilité financière) expire à la fin du mois de février 2015", lit-on sur la page internet du Conseil consacrée à cette réunion.
Le 5 février, le taux d'emprunt grec sur le marché obligataire en zone euro a terminé à 9,691 %, repassant en cours de séance au-dessus du seuil des 10 %, tandis que l'indice vedette de la Bourse d'Athènes clôturait en baisse. Il a ainsi lâché 3,37 % à 819,50 points, après avoir essuyé peu après l'ouverture des reculs de plus de 9 %.
A Athènes, des critiques se sont multipliées contre l'annonce de la BCE, interprétée comme une tentative de faire pression sur le gouvernement issu du parti de la gauche radicale Syriza qui avait largement remporté les élections législatives du 25 janvier 2015. L’AFP rapporte ainsi que sous les mots d'ordre "on ne nous fait pas chanter", "nous ne nous soumettons pas", quelque 5 000 personnes se sont réunies devant le parlement grec le soir du 5 février en réponse à un appel à manifester lancé spontanément sur les réseaux sociaux.