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Politique étrangère et de défense
Ukraine – Donald Tusk annonce des consultations avec les dirigeants européens sur des "actions supplémentaires" suite aux violations répétées du cessez-le-feu dans l’Est du pays
20-02-2015


image d'illustration sur les sanctions imposees par l'UE à la Russie en raison de la crise ukrainienne (source: conseil de lue)En réaction aux violations du cessez-le-feu dans l'Est de l'Ukraine prévu par les derniers accords de Minsk, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a annoncé le 20 février 2015 avoir lancé des consultations avec les dirigeants européens sur "les prochaines étapes" à prendre par l'UE en la matière.

Dans le même contexte, à travers une tribune publiée le 18 février sur le site éditorial Project Syndicate et dans de nombreux journaux et publications membres, l’ancien ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, a de son côté appelé les Européens à armer l’Ukraine "à titre défensif".

Le contexte

Pour rappel, négocié dans la nuit du 11 au 12 février 2015 dans la capitale Biélorusse entre les présidents français, ukrainien et russe et la chancelière allemande suite à l’intensification des combats dans l’est de l’Ukraine entre rebelles séparatistes prorusses et l’armée régulière ukrainienne, ces accords prévoyaient un cessez-le-feu qui devait entrer en application le 15 février à minuit. Un développement accueilli par un "soutien prudent" des chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen du 12 février alors que les combats se poursuivaient dans la ville de Debaltseve où l’armée ukrainienne était encerclée. Le 18 février, ce nœud ferroviaire stratégique reliant les fiefs séparatistes de Donetsk et de Lougansk était finalement tombé sous le contrôle des rebelles et l’armée régulière avait dû se retirer de la zone.

En réaction, la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, avait condamné "une violation flagrante" du cessez-le-feu, appelant les séparatistes et la Russie à mettre "immédiatement et pleinement en œuvre les engagements convenus à Minsk", lisait-on dans une déclaration écrite diffusée le 18 février. Au micro de la radio RTL le 19 février, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, avait également évoqué "une violation grave" de l’accord tout en estimant qu’il ne s’agissait pas de le mettre entièrement en question. Le ministre avait par ailleurs pointé la responsabilité de la Russie qu’il avait appelée à faire pression sur les séparatistes.

Sur le terrain, l’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses ont finalement annoncé, le 22 février, un accord pour entamer le retrait des armes lourdes de la zone du conflit, au lendemain d'un échange important de prisonniers, ces deux points faisant partie des éléments négociés à Minsk le 12 février.

De nouvelles mesures pour "augmenter le coût de l'agression contre l'est de l'Ukraine"

Face à ces dernières évolutions, le président du Conseil européen a donc annoncé avoir lancé des consultations avec les dirigeants européens sur "les prochaines étapes" à prendre par l'UE dans l’objectif "d'augmenter le coût de l'agression contre l'Est de l'Ukraine", lit-on dans une déclaration écrite diffusée le 20 février 2015.

"Depuis dimanche dernier, l'Union européenne a consacré tous les efforts pour faire fonctionner l’accord de Minsk II, même face aux attaques cruelles sur Debaltseve et d'autres régions menées par les séparatistes soutenus militairement par la Russie", indique ainsi Donald Tusk. Moins d’une semaine après la signature, "il y a eu plus de 300 violations du cessez-le-feu" et "des gens continuent de mourir", poursuit le président du Conseil européen, selon lequel "nous atteignons clairement un stade où les efforts diplomatiques sont vains s'ils ne sont pas soutenus par des actions supplémentaires".

Les consultations engagées porteront également sur "d'autres contributions à une désescalade du conflit, comme la proposition du président ukrainien sur la façon dont l'UE peut aider à améliorer une surveillance du cessez-le-feu", écrit Donald Tusk, en référence à l'appel de ce dernier demandant d'envoyer des forces de maintien de la paix dans l'Est de l'Ukraine, sous la forme d'une mission de police de l'UE. "Seuls les mots qui correspondent aux actes pourront apporter enfin un réel espoir d'une solution politique à ce conflit", conclut-il.

L’ancien ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, appelle à armer l’Ukraine "à titre défensif"

Dans une tribune publiée le 18 février sur le site éditorial Project Syndicate et dans de nombreux journaux et publications membres – notamment dans l’édition du 23 février du quotidien grand-ducal  Luxemburger Wort –, l’ancien chef de gouvernement (1991 - 1994) de la Suède et ex-ministre des Affaires étrangères (2006 - 2014), Carl Bildt, appelle les Européens à armer l’Ukraine. Il s’agirait de fournir non seulement davantage d’équipements non létaux (drones, véhicules blindés, équipements médicaux…), "mais aussi des missiles légers antichars à titre défensif", plaide-t-il.

Pour précision, le débat n’est pas neuf et fait l’objet de positions très tranchées dans l’UE : au début du mois de février, alors que divers médias rapportaient que des responsables de l'administration américaine envisageaient de soutenir l'envoi d'armes défensives aux forces ukrainiennes, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, interrogé par le quotidien luxembourgeois Tageblatt, s’était prononcé clairement contre une livraison d’armes au gouvernement ukrainien.

De son côté, si l’ancien ministre suédois relève que pour la grande majorité des observateurs, la diplomatie est la seule voie vers la paix et la stabilité, la prolongation des violences malgré le récent accord de cessez-le-feu "montre qu'il est temps d'envisager les mesures nécessaires pour éviter une solution militaire imposée par le Kremlin", écrit Carl Bildt.

Pour l’ex-ministre, les ambitions stratégiques des séparatistes et de "leurs maîtres russes" assombrissent les perspectives de l'Ukraine. "Non seulement la Russie fournit aux séparatistes un armement lourd et sophistiqué et déploie des unités spéciales pour les aider, mais elle leur envoie semble-t-il des 'volontaires' pour entraîner une armée séparatiste qui pourrait passer à l'offensive [et] leur permettra au minimum d'assurer leur domination dans la région du Donbass", assure-t-il. Et de poursuivre : "Ils seraient alors en position de contrôler un petit Etat d'une Nouvelle Russie qui s'étendrait tout le long de la côte de la mer Noire jusqu'à inclure Odessa. Et selon toutes probabilités, certains rêveraient même d'une marche finale sur Kiev".

Selon Carl Bildt, pour éviter ce scénario, un "dialogue politique franc avec le Kremlin" est d'une "importance cruciale", de même que la prolongation des sanctions économiques "pour faire comprendre à la Russie que le prix à payer pour son agression va être de plus en plus élevé". Mais, estime-t-il, "s'en remettre exclusivement au dialogue diplomatique et aux sanctions pour parvenir à une paix durable relève sans doute d'un optimisme excessif".

Une stratégie d'ensemble devrait donc viser, selon lui, à renforcer l'Ukraine sur tous les plans, à savoir politique, diplomatique et économique. "Mais si les groupes séparatistes soutenus par la Russie croient qu'ils peuvent contrôler le Donbass et la côte de la Mer noire, les tentatives de reconstruction de l'Ukraine et de son économie ne serviront pas à grand-chose", dit-il. D’après Carl Bildt, c'est justement pour cela que les partenaires extérieurs de l'Ukraine "doivent aussi l'aider à renforcer ses capacités défensives". Les demandes en équipement non létal formulées par le président ukrainien Petro Porochenko lors de la récente Conférence de Munich sur la sécurité "pourraient constituer une indication" en la matière, avance-t-il.

Et l’ancien chef de gouvernement de conclure que la chancelière allemande Angela Merkel et d'autres dirigeants "ont raison de dire qu'il n'y a pas de solution purement militaire au conflit en Ukraine". Pourtant, "une année de négociations et d'accords avortés prouvent qu'il n'y a pas non plus de solution purement diplomatique", relève Carl Bildt, qui juge dès lors que "c'est seulement en éliminant – ou au moins en réduisant drastiquement – la capacité des séparatistes et de leurs soutiens russes à prolonger leur campagne militaire que l'Ukraine et ses partenaires peuvent espérer parvenir à une solution politique durable".