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Perturbateurs endocriniens – Une consultation publique sur la définition de ces substances chimiques a reçu plus de 27 000 réponses, la plupart provenant d’un collectif d’ONG
03-02-2015


Un perturbateur endocrinien est une substance chimique qui peut rférer avec le fonctionnement du système endocrinien (Source : Commission)Une consultation publique lancée par la Commission européenne sur les perturbateurs endocriniens a reçu plus de 27 000 réponses, dont la majorité a été soumise dans le cadre de deux campagnes contre les perturbateurs endocriniens menées sur Internet, a indiqué la Commission le 3 février 2015 dans un communiqué. Plus de 25 000 réponses provenaient via deux associations : la grande majorité a participé à la consultation via le site du collectif d’ONG EDC Free Europe (qui regroupe une quarantaine d’ONG environnementales et de santé, dont Greenpeace, Health and Environnement Alliance HEAL ou le Bureau européen de l’environnement). Près de 4 500 personnes ont participé via l’association française Cyberacteurs. La consultation était ouverte du 26 septembre 2014 jusqu’au 16 janvier 2015.

EDC Free Europe, qui avait également adressé une lettre au président de la Commission Jean Claude-Juncker en novembre 2014 à ce sujet, avait dénoncé le "caractère technique" de cette consultation qui ne viserait pas le public et avait créé un formulaire "simplifié". Elle avait reproché à la Commission d’avoir "retardé l'action sur les produits chimiques perturbateurs hormonaux en raison du lobbying intensif de l'industrie".

Le contexte

Pour rappel, les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques d'origine naturelle ou artificielle étrangères à l'organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien. Plusieurs rapports mettent en évidence leur impact sur la santé : certaines substances peuvent perturber le système endocrinien, causer des cancers et nuire la santé reproductive des hommes. L’ONG HEAL chiffre l’impact des perturbateurs endocriniens sur les budgets de santé à 31 milliards d’euros.

La Commission s’était engagée à présenter pour décembre 2013 des mesures de détermination des perturbateurs endocriniens, mais le dossier n’a toujours pas abouti, poussant certains Etats membres à prendre leurs propres initiatives, dont la France qui a élaboré sa propre stratégie nationale visant à réduire l’exposition de la population et de l’environnement aux perturbateurs endocriniens.

La consultation dans le détail

Dans le questionnaire de la consultation, la Commission proposait quatre options pour définir les critères permettant d'identifier quelles substances chimiques ont des propriétés de perturbation endocrinienne. Pour rappel, ces quatre options sont présentées plus dans le détail dans la feuille de route de la Commission publiée en juin 2014.

  1. Les critères provisoires restent en place - on les retrouve dans les règlements relatifs aux produits phytopharmaceutiques (voir règlement 1107/2009) et des produits biocides (règlement 528/2012) ;
  2. Utilisation de la définition du Programme international de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur la sécurité des substances chimiques (IPCS) qui inclut une identification des dangers ("hazard identification") ;
  3. Utilisation de la définition de l'OMS/PISSC et introduction de catégories supplémentaires en fonction de la solidité des preuves ("confirmé, suspecté ou potentiel") ;
  4. Utilisation de définition de l’OMS/PISSC en incluant le degré d’activité ("potency") en tant qu’élément de "caractérisation du danger" ("hazard characterisation").

La troisième option est celle préférée par le collectif EDC Free Europe

Pour EDC Free Europe, la troisième option est la "meilleure option pour protéger la santé publique", selon sa fiche "Leurs questions, nos réponses", dont s’inspire également Cyberacteurs.

Le collectif estime que l’ensemble de trois catégories de perturbateurs endocriniens ("confirmé, suspecté ou potentiel") est "très transparent et reflète les différents niveaux de preuves scientifiques disponibles", que cette option permet de "classer correctement une substance chimique donnée en fonction de la situation des données" et qu’elle "facilite également la réglementation de ces produits chimiques selon les différentes lois régissant leurs différents usages". "Il sera crucial de ne pas placer la barre de la preuve trop haute" lors de la catégorisation des substances chimiques, met en garde EDC Free Europe. Le collectif juge qu’il y a "trop de cas dans les évaluations réglementaires actuelles où une inquiétude concernant une substance est minimisée en raison de doutes sur la `pertinence chez l’humain’ sans justification scientifique valide".

Par contre, l’option 4 est jugée la "pire" des options car elle serait "scientifiquement infondée" et "préférée" par les entreprises de l’industrie chimique qui "veulent réduire efficacement le nombre de substances chimiques interdites sur le marché". EDC Free Europe estime que certains perturbateurs endocriniens seulement seraient identifiés à travers la prise en compte d’un degré d’activité. "En s’appuyant sur des tests sélectifs pour la puissance, on peut à tort laisser passer certains produits chimiques non identifiés", argumente le collectif. Il critique le fait que "les effets ne sont pas examinés de façon adéquate sur les faibles doses", mais seulement à des niveaux élevés et que les effets recherchés ne sont "pas représentatifs pour les plus sensibles". Le collectif met en avant qu’il peut y avoir une exposition "à de nombreux perturbateurs endocriniens provenant de différentes expositions simultanées" qui pourraient "agir ensemble" et conduire à "des effets cocktails nocifs".

En revanche, la première option se traduirait par une "non-prise en considération de certains perturbateurs hormonaux", souligne EDC Free Europe qui estime qu’une définition des perturbateurs endocriniens est nécessaire "pour d'autres lois de l'UE, ainsi que pour toute autre utilisation". Le collectif critique le fait que les critères provisoires actuels "permettent d’ignorer les perturbateurs endocriniens qui ne provoquent pas de cancer ou qui n’ont pas d’effet néfaste sur la reproduction, mais qui affectent le cerveau ou le métabolisme, et peuvent donc contribuer aux troubles mentaux, au diabète ou à l'obésité".

La deuxième option constitue une "approche manichéenne", estime EDC Free Europe, parce qu’elle prend seulement en compte les perturbateurs endocriniens "confirmés" et pas les perturbateurs endocriniens "potentiels". Cela "entrave l’examen complet et efficace de l'état de la science", dénonce le collectif, selon lequel "cette définition tronquée exclurait également toutes les substances chimiques qui nécessitent une étude plus approfondie pour déterminer si elles sont ou non des perturbateurs endocriniens".

L'Association européenne pour la coordination de la représentation des consommateurs pour la normalisation (ANEC), a également préparé une réponse qui favorise la troisième option. L’utilisation de la définition de l'OMS/PISSC et l’ajout de deux catégories ("suspecté" et "potentiel") à la catégorie "confirmé" est "la seule option qui peut être soutenue par l’ANEC", y lit-on. Cette approche est "en ligne avec les classifications courantes", estime l’ANEC.

Réaction de la Commission et de l’industrie

"Une analyse sur le fond" de cette consultation "sera menée et rendue publique ultérieurement", a commenté le porte-parole de la Commission pour la Santé, Enrico Brivio, cité par l’afp. "Aucun calendrier n'a encore été fixé", a-t-il précisé, alors que la Commission est accusée par un nombre croissant de parties prenantes de jouer la montre. "La Commission européenne mène une étude d'impact globale pour analyser les différentes options de définition des critères pour identifier les perturbateurs endocriniens", a rappelé Enrico Brivio.

L’Association européenne pour la protection des cultures (European Crop protection Association, EPCA) a en revanche déclaré dans un communiqué qu’elle favorise la quatrième option. Les critères permettant d’identifier les perturbateurs endocriniens devraient être basés sur l’évaluation des risques, en prenant en compte tant le danger que l’exposition, a expliqué le directeur Jean-Charles Bocquet. "Contrairement à ce que pensent les ONG, on n’a pas eu l’intention de ralentir le processus" de définition, a-t-il dit dans une interview à Euractiv du 16 janvier 2015. "Avant d’exclure une substance, il faut une analyse risques-avantages, ce qui n’est pas le cas dans la législation actuelle", plaide-t-il, en soulignant qu’une substance qui a été classifiée comme perturbateur endocrinien sera retirée.

L’EPCA exprime son opposition à la troisième option, en estimant qu’une catégorisation des perturbateurs endocriniens "n’est pas exigée" par la législation européenne et qu’elle "n’a pas de base scientifique", comme on peut lire dans la réponse de l’EPCA à la consultation. De plus, une catégorisation conduira à la création de "listes noires" susceptible au risque de "mauvaise interprétation, d’abus" ou de régulation supplémentaire "injustifiée", craint l’EPCA. Des substances qui ne sont pas des perturbateurs endocriniens risquent alors d’être qualifiées de "perturbateurs endocriniens suspects", malgré le fait qu’ils ont été pleinement évalués en termes de santé humaine et environnementale sous le règlement relatifs aux produits phytopharmaceutiques, souligne l’EPCA.