Le 16 février 2015 à Bruxelles, la deuxième réunion de l’Eurogroupe pour discuter avec le nouveau gouvernement grec représenté par son ministre des Finances, Yanis Varoufakis, sur la situation dans son pays et les conditions d’une extension du programme d’aide au-delà du 28 février 2015, a abouti à une impasse. Elle faisait suite à une première réunion extraordinaire le 11 février 2015 de l’Eurogroupe regroupant les ministres des Finances de la zone euro qui avait également échoué.
A l’issue de la réunion, le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a plaidé pour une prolongation du programme d’aide international qui expire le 28 février. "On a simplement besoin de plus de temps", a-t-il dit lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion de l’Eurogroupe. Il a mis en garde contre le fait que des "délais" (parlementaires) s’imposent. "Il est très clair que le prochain pas doit venir des autorités grecques (...) et au vu du calendrier, on peut utiliser cette semaine, mais c'est à peu près tout", a-t-il insisté.
Au sein de l’Eurogroupe, qui est, selon lui, d’avis qu’une prolongation du programme est la meilleure solution, il y aurait une "légère sensation de déception", a indiqué le ministre des Finances néerlandais. "On n’a toujours pas trouvé un terrain d’entente solide" sur l’ajustement du programme, a-t-il déploré, ajoutant que les autorités n’étaient d’accord qu’avec 70 % du programme, et pas avec les autres 30 %.
La prolongation du programme d’aide permettra de faire usage de plus de flexibilité et d’introduire des changements ou de remplacer des mesures, mais seulement si la Grèce respecte certains engagements, a souligné Jeroen Dijsselbloem. Elle ne devrait pas supprimer des mesures (d’austérité) sans se concerter avec les institutions, honorer les engagements financiers envers les créanciers et assurer la stabilité du secteur financier, a-t-il précisé. Les objectifs resteront la consolidation du budget, la réforme de l’économie et la stabilisation des banques. "C’est ce que le gouvernement grec doit accepter et travailler avec nous", a-t-il conclu. Si un accord est trouvé, une réunion extraordinaire de l’Eurogroupe aura lieu vendredi, 20 février, a-t-il indiqué.
Le lendemain de la réunion, avant de se rendre au Conseil ECOFIN prévu de longue date, Jeroen Dijsselbloem, cité par la DPA, déclarait qu’il continuait à espérer que la Grèce ferait des concessions. Pour lui, "la balle est dorénavant dans le camp des Grecs, mais nous ne pouvons pas les contraindre à quoi que ce soit."
Le ministre grec, Yanis Varoufakis, a fait lui, plusieurs déclarations à l’issue de la réunion. Il a dit que son pays refusait un ultimatum que les autres pays lui avaient adressé, tout comme il refusait la prolongation du programme d’aide à son pays. Pour lui, "le programme d’aide ne peut pas être conclu de manière positive, parce qu’il fait partie du problème et pas de sa solution". En même temps, il s'est dit confiant sur la possibilité de trouver un accord. "Je n'ai aucun doute que dans les prochaines 48 heures, l'Europe va réussir à nous soumettre (un document) afin que nous commencions le vrai travail et mettions sur pied un nouveau contrat" pour la Grèce. Yanis Varoufakis a exclu que son pays sortirait de l’union monétaire : "La Grèce est membre de la zone euro et le restera."
En ce qui concerne le déroulement de la réunion, l’AFP rapporte qu’il a expliqué lundi soir avoir été tout près de signer un accord préparé par la Commission européenne reconnaissant la gravité de "la crise humanitaire" en Grèce et proposant "une extension de quatre mois de l'accord de prêt" avec ses créanciers. Cet accord, dont la Grèce aurait accepté qu'il soit assorti de "conditionnalités" aurait permis de signer "un nouveau contrat" pour Athènes et la zone euro, a souligné le ministre. En échange, le gouvernement de gauche radicale était prêt à "se retenir d'appliquer pendant six mois son propre programme", à la seule condition "de ne pas se voir imposer de mesures créant de la récession", a indiqué Yanis Varoufakis. Il a cité parmi ces mesures une hausse de la TVA ou une baisse des retraites les plus maigres. "Malheureusement, ce document a été remplacé" avant la réunion de l'Eurogroupe, a-t-il affirmé, ce qui a provoqué la fin de non-recevoir d'Athènes." Malgré toute notre bonne volonté, il nous était impossible de signer ce document", proposant lui une extension du "programme en cours" prescrit à la Grèce, a poursuivi le ministre. Ce projet de texte prévoyait certes une "certaine flexibilité" mais selon le ministre, il s'agissait d'une promesse trop "nébuleuse".
L’agence DPA fait état quant à elle d’un entretien en tête-à-tête entre Jeroen Dijsselbloem et Yanis Varoufakis, qui est resté sans résultats et s’est déroulé, selon des sources proches du gouvernement grec, dans un mauvais climat.
Le 17 février 2015, le ministre des Finances luxembourgeois Pierre Gramegna a déploré sur les ondes de RTL que les négociations n’aient pas abouti. "On a eu l’impression que les positions se sont durcies par rapport à la semaine dernière, ce qui était un peu étonnant, car ces derniers jours, des groupes techniques se sont réunis, afin d’essayer de rapprocher les deux positions", a indiqué Pierre Gramergna. "La situation est telle que nous devons distinguer le court terme du long terme, et que nous devons trouver des solutions pour les prochaines semaines et les prochains mois", a-t-il poursuivi. "Mais malheureusement, il y a encore des grandes divergences", a-t-il regretté.
Quant à la possibilité d’un accord dans les plus brefs délais, Pierre Gramegna a indiqué qu’ "un accord ne peut être trouvé, même pour le court terme, que si des données et des chiffres sont enfin mis sur la table". Or, ceci n’est pas le cas pour le moment, selon le ministre. "Le gouvernement grec fait des propositions qui sont relativement générales", a-t-il indiqué. "Il a également déjà annoncé des mesures unilatérales, et ceci complique le tout", a-t-il poursuivi.
Pierre Gramegna a par ailleurs indiqué que "tout le monde [à l’Eurogroupe, NDLR] comprend les difficultés du peuple grec" et respecte "le gouvernement grec et le résultat des élections en Grèce". "Mais les Grecs doivent aussi respecter les engagements qu’ils ont pris", a-t-il souligné. Ceci ne voudrait toutefois pas dire "qu’il n’y a pas de flexibilité du côté de la zone euro", car "dans le cadre du programme actuel qui est en train d’expirer, tout le monde est prêt de trouver la flexibilité nécessaire pour que les négociations puissent aboutir". Le problème résiderait dans le fait que le gouvernement grec "se montre très extrême" en voulant quitter ce programme. Or, selon le ministre, "cela ne peut pas se faire en quelques jours ou en quelques semaines". Dans ce contexte néanmoins, "tout le monde est prêt à se réunir à tout moment afin de trouver une solution avec les représentants grecs", étant donné "qu’il y a urgence". "Je veux garder espoir", a dit le ministre. "Il est extrêmement important que nous trouvions une solution", a-t-il conclu.
Le 16 février 2015, à l’issue de la réunion de l’Eurogroupe, Pierre Gramegna avait également déclaré que "depuis la semaine dernière, il y a eu peu d’avancées" dans les négociations avec la Grèce.
Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, s’est dit peu optimiste et "très sceptique" avant la réunion, en raison du fait que "le gouvernement grec n’a pas du tout bougé". "Ce n’est pas une question de négocier, mais c’est à la Grèce de prendre une décision", a-t-il précisé. "Tant que la Grèce ne veut aucun programme, je ne vois pas la nécessité de réfléchir à une autre option", a-t-il indiqué. Plus tôt à la radio allemande Deutschlandfunk, il avait reproché aux nouvelles autorités grecques de jouer à une "grande partie de poker" et qu’elles agissent de manière "irresponsable". "Le problème est que la Grèce a vécu au-dessus de ses moyens pendant longtemps et que personne ne veut plus (lui) donner de l'argent sans garanties", a-t-il encore dit.
Le commissaire aux Affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’Union douanière Pierre Moscovici a parlé d’une "discussion constructive, positive, mais malheureusement pas conclusive". Il a insisté sur le fait de "passer des mots aux actes" tout en adoptant une "logique plus simple, une approche coopérative", en faisant preuve de "logique et non d’idéologie". Il s’est montré optimiste en évoquant la possibilité d’un accord d’ici à la date butoir du 20 février donnée par le président de l’Eurogroupe. Il attend donc une "demande formelle d’extension du programme" de la part du gouvernement grec qui permettra de travailler ensuite sur le fond dans le cadre des engagements pris et des règles de flexibilité, et ouvrira à une période pour travailler à un nouveau programme. Il tient cependant à ce que les choses soient "précisées" car "les discussions techniques des derniers jours n’ont pas permis de préciser où pourraient se situer les 70 % et les 30 %."
Michel Sapin, ministre français des Finances et des comptes publics, insiste sur le fait qu’il a défendu la même position que le président de l’Eurogroupe et le commissaire Moscovici. Pour lui, il n’y a "qu’une voie, une voie raisonnable qui tienne compte aussi du vote du peuple grec", qui "respecte la démocratie". Il s’agit d’une "extension technique avec des flexibilités, donc la possibilité de changer des éléments du programme précédent". Il s’agit pour lui d’une "voie sûre, sereine, qui apporte la tranquillité nécessaire pour négocier un nouveau programme". Il importe maintenant aux autorités grecques de dire si elles souhaitent emprunter cette voie ou non. Choisir cette voie est, selon le Ministre, "le mieux pour la Grèce et le mieux pour l’Europe."
L’échec de la réunion de l’Eurogroupe a été accueilli dans le calme par le marché de la dette en zone euro. Le rendement à 10 ans de la Grèce est cependant monté en flèche au cours de la matinée sur le marché secondaire où s'échange la dette déjà émise, alors que les taux grecs s'étaient largement détendus la semaine auparavant, reflétant l'optimisme des investisseurs quant à une issue positive sur la Grèce. Les dettes du reste de la zone euro continuaient pour leur part à garder leur calme. Les taux d'emprunts à 10 ans des pays de l'Europe du Sud montaient légèrement, celui de l'Espagne évoluait ainsi à 1,614 % contre 1,584 % la veille, celui de l'Italie à 1,68 % (contre 1,666 %) et celui du Portugal à 2,446 % (contre 2,384 %). Celui de l'Allemagne s'établissait à 0,332 % (contre 0,334 %) et celui de la France à 0,654 % (contre 0,657 %).