L'Eurogroupe s'est engagé lors d’une réunion extraordinaire le 20 février 2015 à prolonger le programme d’aide international de la Grèce de quatre mois, mais sous de strictes conditions. Le gouvernement grec doit présenter pour la soirée du 23 février une liste de réformes qui devra être approuvée par ses créanciers. Le premier feu vert devra être donné lors d'un Eurogroupe téléphonique le 24 février.
Le 19 février, la Grèce avait envoyé au président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, une demande d’extension de six mois du programme d’aide, qui expire le 28 février. Le pays s’y était engagé à "s’abstenir de toute action unilatérale qui pourrait compromettre les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière". Cette demande faisait suite à une échéance donnée par l’Eurogroupe après une deuxième réunion informelle. Au total, trois réunions de des ministres des Finances de la zone euro ont eu lieu en dix jours pour trouver un accord avec le gouvernement grec.
"Il y a de la flexibilité dans ce programme et nous en ferons le meilleur usage", a déclaré Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion. "J’ai demandé une prolongation de six mois, mais notre décision est finalement de prolonger le programme d’aide de quatre mois", a-t-il expliqué, ajoutant que "quatre mois, c'est le délai approprié en termes de financement et compte tenu des défis à relever". Cette prolongation permettra d’avoir plus de temps pour négocier entre l’Eurogroupe, les institutions et la Grèce sur un "arrangement ultérieur" dans lequel "le Fonds monétaire international (FMI) continuera à jouer son rôle", a-t-il estimé.
L’accord permettra de "mettre en œuvre une partie des changements" que le gouvernement grec souhaite, tout en respectant les engagements pris par l’Etat grec, a souligné le commissaire européen chargé des Affaires économiques, Pierre Moscovici, lors de cette même conférence de presse.
L'objectif est de "conclure" le programme d'assistance financière "sur la base" de l’arrangement actuel "en faisant le meilleur usage de la flexibilité qui sera examinée conjointement par les autorités grecques et les institutions", indique une déclaration commune de l’Eurogroupe publiée après la troisième réunion en moins de dix jours pour les 19 ministres de la zone euro. La Liste des réformes sera évaluée par les "institutions", la nouvelle appellation de la troïka des créanciers (UE, BCE et FMI), qui diront si cela est "suffisant". Cette liste "sera précisée et validée avec les institutions d'ici à fin avril".
"Seule l'approbation par les institutions" de la mise en œuvre de ce programme "étendu permettra le versement de la dernière tranche" du Fonds européen de stabilité financière (EFSF), à savoir 1,8 milliards d’euros, et la cession au pays des intérêts réalisés par la BCE sur ses obligations (1,8 milliards), sous réserve d'un nouvel "accord de l'Eurogroupe", note le texte. A cette somme, devrait s'ajouter une tranche d'aide du FMI, qui reste engagé avec la Grèce jusqu'en 2016. Au total, la prochaine tranche d’aide s’élèvera donc à 7,2 milliards d’euros.
Selon la déclaration, le Fonds hellène de stabilité financière (HFSF), qui dispose de quelques onze milliards d’euros selon l’Agence AFP, "continue à être disponible" pendant la prolongation du plan, mais "ne peut être utilisé que pour la recapitalisation et les coûts de résolution" des banques.
Selon l’Eurogroupe, le gouvernement grec s’est engagé "à mener un processus de réformes structurelles en profondeur destiné à améliorer durablement la croissance et les perspectives d'emploi, assurer la stabilité et la solidité du secteur financier et à promouvoir la justice sociale". Il s'engage "à mettre en œuvre des réformes attendues depuis longtemps pour s'attaquer à la corruption et à l'évasion fiscale, à améliorer l'efficacité du secteur public", à ne pas prendre de mesures qui auraient un "impact négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière".
L’Eurogroupe a par ailleurs donné la possibilité à la Grèce de réduire l'objectif d'excédent budgétaire primaire, c'est-à-dire hors service de la dette. Pour 2015, où cet excédent devait être de 3 % du PIB, "les institutions prendront en compte les circonstances économiques". Cette décision a été qualifiée de "sage" par le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis. Le document ne mentionne pas 2016 et les années suivantes, pour lesquelles l'excédent devait être de 4,5 %.
L’Eurogroupe souligne que la Grèce s’engage par ailleurs "à honorer ses obligations financières envers tous ses créanciers, pleinement et dans les temps" et que la zone euro "lancera les procédures nationales en vue d'une décision finale sur l'extension" du programme d’aide. Plusieurs pays, dont l'Allemagne, devront faire adopter par leurs parlements cette prolongation avant le 28 février.
Le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis a qualifié l’accord comme un "pas dans la bonne direction" et évoqué "la fin de l’isolement de la Grèce", lors de la conférence de presse qu’il a tenue à l’issue de la réunion. Samedi 21 février, il a déclaré être "absolument certain que la liste des réformes sera(it) approuvée" par l’Eurogroupe. "Nous ne sommes pas allés aussi loin (...), de sérieuses discussions seront menées ces prochaines semaines sur les moyens de combler le trou budgétaire du pays", a admis Yanis Varoufakis. Selon lui, le gouvernement grec devrait être dispensé d'inclure des mesures que lui demandaient jusqu'alors ses créanciers comme une nouvelle hausse de TVA, de nouvelles coupes dans les retraites ou la poursuite de la dérégulation du marché du travail.
Le commissaire européen et d’origine allemande Günther Oettinger a déclaré au quotidien économique Handelsblatt que si le gouvernement grec souhaite supprimer des mesures d’austérité, il doit les remplacer avec des mesures équivalentes, faute de quoi il sera difficile d’avoir une majorité au Bundestag pour la prolongation du programme d’aide.
Le ministre des Finances luxembourgeois Pierre Gramegna a salué un accord qui prévoit des "garanties et l’ouverture nécessaires" et permet "d’amener davantage de confiance". La Grèce s’engage à rembourser ses créanciers et à ne pas prendre des mesures unilatérales, a souligné le ministre. Il a salué un "ambiance constructive" lors de la réunion et le "succès" des représentants grecs qui étaient "prêts à faire des concessions" alors que ce n’était pas le cas lors des précédentes réunions.
Le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble a salué une "bonne base" et une "bonne décision" lors d’une conférence de presse, alors qu’il avait jugé le 19 février "insuffisante" la demande d’extension du programme d’aide du gouvernement grec qui était "avare de mesures concrètes".
Il a assuré qu’il ne souhaite pas mener la vie dure aux autorités grecques, mais qu’il faut faire "le nécessaire" dans l’intérêt de l’Europe et de la Grèce, en soulignant que l’Eurogroupe a fait des concessions à la Grèce depuis 2010. Le fait que le programme d’aide a été prolongé de quatre mois, donc jusqu’à fin juin, et non pas de six mois, serait dû au fait que, déjà en décembre 2014, l’Eurogroupe aurait voulu une prolongation de six mois (donc jusqu’à fin juin) ce qu’avait refusé l’ancien gouvernement grec en raison des élections anticipées, a expliqué le ministre, en soulignant les avantages du "milieu de l’année" par rapport à la fin août. Les partenaires d'Athènes attendent une liste "cohérente et plausible", a indiqué le 23 février le porte-parole de Wolfgang Schäuble, Martin Jäger. Si c'est le cas, il ne voit "pas de raisons" que l'extension de l'aide ne soit pas validée cette semaine par le Bundestag, a-t-il dit.
"La Grèce et les institutions européennes avaient besoin de stabilité, de calme, de visibilité. (...) Première étape lundi, deuxième étape fin avril, troisième étape fin juin", a résumé le ministre des Finances français Michel Sapin.
Une première voix dissonante s'est fait entendre au sein du parti de gauche Syriza : le député européen et doyen de la gauche grecque Manolis Glezos, 92 ans, a vertement critiqué les concessions faites à la zone euro, et s'est "excusé auprès du peuple grec d'avoir participé à cette illusion".