Les eurodéputés ont adopté une nouvelle résolution dans laquelle ils réclament l’étiquetage du pays d'origine d’une viande utilisée comme ingrédient dans les aliments transformés, comme c'est déjà le cas pour la viande bovine fraîche. La résolution a été adopté par 460 pour, 204 contre et 33 abstentions lors d’une réunion en plénière du Parlement européen le 11 février 2015, indique un communiqué du Parlement européen. Une autre résolution allant dans le même sens avait été rejetée par le Conseil en été 2014. Le vote des eurodéputés luxembourgeois a été très partagé avec 3 votes pour, un votre contre et deux abstentions rebelles au PPE. Une majorité des députés du groupe PPE, dont Georges Bach, ont voté contre le texte.
La résolution invite la Commission européenne à faire suite à son rapport de 2013 en présentant de nouvelles propositions législatives qui rendraient obligatoire l'indication du pays d'origine de la viande utilisée dans des aliments transformés. Dans ce rapport, la Commission concluait que 90 % des consommateurs souhaitent vivement que l'origine figure sur l’étiquetage, mais qu’ils ne sont pas prêts à payer le coût supplémentaire qui en résulterait. Les députés mettent en doute cette conclusion, en se référant à une recherche menée par l’association de consommateurs française "Que choisir".
La Commission avait en effet conclu que les consommateurs achètent "actuellement de la viande portant des indications sur l’origine moins souvent qu’ils ne le souhaitent en raison des prix". Or, si les prix augmentaient – entre 5 à 9 % en fonction du niveau d’information requis, le consentement à payer du consommateur diminuerait de 60 à 80 %, avait souligné la Commission dans son rapport. L’association "Que choisir" estime par contre que l’impact sur le prix de l’étiquetage de l’origine sera "minime", de l’ordre de 0,67 % ou de quelques centimes d’euros. Les eurodéputés appellent à mener une évaluation sur l’impact sur le prix en coopération avec les organisations de consommateurs. Cette évaluation ne devrait pas retarder les propositions législatives, précisent-ils.
L'objectif de l’indication d’origine est d'accroître la transparence tout au long de la chaîne alimentaire et de mieux informer les consommateurs européens, indique le communiqué. Les députés soulignent que, selon les estimations, en fonction de l'État membre concerné, 30 à 50 % du volume total de viande abattue est transformée en ingrédients carnés pour denrées alimentaires, essentiellement en viande hachée, préparations carnées et autres produits carnés.
Selon le texte de la résolution, les eurodéputés reconnaissent que l’indication de l’origine "n'empêche pas la fraude, mais qu'un système de traçabilité rigoureux contribue bel et bien à détecter d'éventuelles infractions". Ils soulignent que "des règles plus strictes en matière de traçabilité permettraient également aux autorités d'enquêter plus efficacement sur les cas de fraude alimentaire".
Tous les groupes étaient favorables à la résolution, à part le PPE où une grande majorité (143 sur 208) a voté contre le texte. "Il faudra en effet être attentif à ce que cette proposition, pertinente dans le fond, ne se transforme pas en usine à gaz", a averti Angélique Delahaye (PPE), comme le rapporte l’Agence Europe, en référence à la compétitivité du secteur agroalimentaire. Le groupe de l’ALDE était également divisé : 41 députés ont voté pour, 16 contre le texte.
Déjà en février 2014, le Parlement européen avait demandé, dans une résolution non législative, l’indication du pays d'origine ou du lieu de provenance des viandes fraîches, réfrigérées et congelées des animaux des espèces porcine, ovine, caprine et des volailles. Une résolution non législative de janvier 2014 allait dans le même sens. Mais le Conseil Agriculture avait rejeté en juin 2014 la position du Parlement européen, certains Etats jugeant qu’il était allé trop loin. La résolution de février demandait à la Commission de revoir un règlement d'exécution, afin d’étendre toutes les obligations d’étiquetage valables pour la viande bovine à d’autres espèces de viande. Selon le règlement 1760/2000, l’indication de l’origine est obligatoire depuis le 1er janvier 2002 pour la viande bovine non transformée et les produits à base de viande bovine (comme la viande de bœuf hachée) ainsi que la viande de volaille importée préemballée. Cette indication d’origine concerne "notamment le lieu de naissance, d'engraissement et d'abattage du ou des animaux dont la viande provient".
Selon le règlement d’exécution 1337/2013, ces règles seront également valables à partir du 1er avril 2015 pour l’étiquette des viandes fraîches, réfrigérées et congelées des animaux des espèces porcine, ovine, caprine et des volailles, mais à l’exception du pays de naissance.
"Après le scandale de la viande de cheval, il nous appartient de restaurer la confiance du consommateur. Nous demandons à la Commission de déposer une proposition législative pour un étiquetage obligatoire du pays d’origine, afin d’améliorer la transparence et d’apporter une information complète aux consommateurs" a déclaré le président de la commission de l’Environnement, Giovanni La Via (PPE), rapporte le communiqué du Parlement. "Nous devons cependant veiller à ce que cela n’entraîne pas de charges supplémentaires pour les petites et moyennes entreprises, qui sont nombreuses dans le secteur" a-t-il ajouté.
Seulement 53 sur 208 députés du groupe PPE ont voté en faveur du texte. Les Luxembourgeois Viviane Reding et Frank Engel, rebelles à leur groupe, se sont abstenus. Pour l’eurodéputée allemande Renate Sommer, l’indication obligatoire de l’origine entrainerait une hausse de prix importante des produits transformés, puisque les fabricants devraient indiquer l’origine "pour chaque pièce de lard qui se trouve dans une tranche de saucisse", met-elle en garde dans un communiqué, et ajoute que cela entrainerait une charge importante pour les fabricants puisque les ingrédients "peuvent changer chaque jour".
Pour Matthias Groote (S&D), il y a une "crise de confiance" auprès des consommateurs. Il rappelle dans un communiqué la réticence des Etats membres dans ce dossier, mais juge que l’heure est venue d’agir. L’indication volontaire s’est avérée insuffisante et aurait induit les consommateurs en erreur, indique-t-il. "90 % des citoyens trouvent important que soit mentionnée l'origine des viandes comme composantes d'aliments. Il faut croire que les responsables de la Commission font partie des 10 % restants", a ironisé Marc Tarabella (S&D), selon ses propos rapportés par l’Agence Europe. Il a reproché à la Commission de "refuser l'étiquetage obligatoire en prétextant des surcoûts colossaux pour les consommateurs, alors que la vérité est tout autre: un hachis parmentier à 3,14 euros coûterait 3,16 euros". L’eurodéputée luxembourgeoise Mady Delvaux s’est également exprimée sur sa page internet en faveur de la résolution.
L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts) s’est félicité du vote au Parlement européen, rappelant que 90 % des consommateurs souhaitent connaître l’origine d’une viande. Les consommateurs européens ont "le droit à une information correcte", a-t-il souligné dans un communiqué, dans lequel il appelle la Commission à présenter une proposition législative concrète. Le scandale de la viande de cheval de 2013 "nous a montré l’importance d’avoir accès à des informations fiables sur l’origine d’une viande dans un plat préparé ou dans d’autres produits", a-t-il dit. Dans près d’un tiers de produits avec un étiquetage "Made in", la viande proviendrait d’une région différente de celle indiquée, insiste-t-il.
Lynn Boylan (GUE/NGL) a demandé à la Commission de représenter les intérêts des consommateurs au lieu de défendre l’industrie alimentaire. Elle a rejeté les affirmations de la Commission selon lesquelles l’indication du pays d’origine augmenterait le prix de 50 % et souligné que les associations de consommateurs avaient prouvé le contraire. "Il ne faut pas oublier que la Commission avait les mêmes arguments lors de l’introduction d’une indication pour la viande non transformée", rappelle-t-elle dans un communiqué.
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) s’est également félicité du vote, estimant que le Parlement européen a saisi une "occasion en or", indique un communiqué. Le droit des consommateurs de savoir d'où provient la viande de leur burger ou de leur tranche de jambon a enfin été reconnu, dit le texte. Le BEUC cite un article du Guardian selon lequel des tests au Royaume-Uni ont récemment révélé des types de viande non déclarée dans des plats d’agneau à emporter. "Il est grand temps de prendre des mesures pour assurer que les fabricants indiquent ce que contiennent leurs produits", a déclaré Monique Goyens, directrice générale du BEUC.
La fédération allemande du commerce des aliments (BVLH) est contre l’indication de l’origine, rapporte dpa. Le BVLH estime que cette indication est moins importante pour le consommateur que le goût, la qualité et l’apparence du produit et cela "ne justifie pas" des coûts supplémentaires que cela entrainerait.