La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, le 17 mars 2015, un arrêt venant interpréter l’article 4 de la directive sur le travail intérimaire (2008/104/CE) concernant les interdictions et restrictions en matière de recours aux travailleurs intérimaires.
L’affaire concernait l’entreprise finlandaise SAF (Shell Aviation Finland Oy) qui livre du carburant aux aéroports du pays. SAF avait conclu, en 2010, un contrat avec une l’entreprise de travail intérimaire Ametro Oy en vue de remplacer ses travailleurs en congés maladie et de faire face aux surcharges de travail. Or, selon le syndicat de salariés AKP, l’entreprise SAF avait recours de "manière permanente et sans interruption" à de la main d’œuvre intérimaire pour effectuer des tâches identiques à celles de ses propres travailleurs alors que l’article 4 paragraphe 1 de la directive prévoit des interdictions ou restrictions concernant le recours aux travailleurs intérimaires pour des raisons d’intérêt général, notamment la protection des travailleurs, les exigences de santé ou de sécurité au travail ou encore la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché du travail.
Dans son jugement, la Cour a estimé que le paragraphe 1 devait être lu en combinaison avec les autres paragraphes du même article. Le paragraphe 2 impose en effet aux Etats membres, après consultation des partenaires sociaux, de réexaminer, conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales, si les restrictions ou les interdictions sont justifiées par les raisons visées au paragraphe 1. Le paragraphe 3 indique que le réexamen peut être réalisé par les partenaires sociaux qui ont négocié la convention considérée.
En conséquence, la Cour a jugé que l’article 4, paragraphe 1 de la directive ne s’adresse qu’aux "seules autorités compétentes des Etats membres en leur imposant une obligation de réexamen afin de s’assurer du caractère justifié des éventuelles interdictions et restrictions concernant le recours au travail intérimaire". Il revient donc aux partenaires sociaux des Etats membres de juger si les interdictions ou restrictions concernant le recours aux travailleurs intérimaires sont justifiées. En d’autres termes, l’arrêt rendu par la Cour octroie aux partenaires sociaux l’autonomie pour encadrer le recours aux travailleurs intérimaires.
La CJUE a également indiqué que l’article 4, paragraphe 1 "n’impose pas aux juridictions nationales l’obligation de laisser inappliquée toute disposition de droit national comportant des interdictions ou des restrictions concernant le recours aux travailleurs intérimaires qui ne sont pas justifiées par des raisons d’intérêt général au sens dudit article 4, paragraphe 1". Les États membres sont donc invités à procéder à un réexamen du cadre juridique en vigueur en la matière.
Cet arrêt a été salué par les syndicats. Veronica Nilsson, Secrétaire confédérale de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui attendait ce jugement de longue date, a déclaré que ce jugement apporte une "sécurité juridique" aux syndicats en ce qu’il "garantit le droit des partenaires sociaux de réguler l’utilisation du travail intérimaire par conventions collectives".