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Suite à l’arrêt rendu par la CJUE sur le taux réduit de TVA à la fourniture des livres électroniques, les gouvernements du Luxembourg et de la France tout comme les professionnels de l’édition appellent à un changement de la législation
05-03-2015


Un livre électronique (Source : Pixabay/Unsplash)Les réactions ne se sont pas fait attendre en France et au Luxembourg, après l’arrêt rendu le 5 mars 2015 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui avait condamné ces deux pays pour l’application d’un taux réduit de TVA aux livres électroniques. Pour rappel, cet arrêt indique que la fourniture de livres électroniques ne peut pas être soumise à un taux réduit de TVA car ce taux ne peut que s’appliquer aux biens matériels, selon la directive TVA, et le livre électronique est considéré comme un service.

La ministre de la culture luxembourgeoise Maggy Nagel, a déclaré aux ondes de 100,7 qu’elle souhaite relancer le dossier au niveau européen et que le sujet sera évoqué lors de la rencontre du Premier ministre Xavier Bettel avec le Président français François Hollande, en visite au Luxembourg le 6 mars 2015. Elle a par ailleurs estimé que l’impact sur le budget sera "limité", sans avancer des chiffres concrets.

Jean Diederich, directeur de l’APSI (l’Association des Professionnels de la Société de l’information) a pour sa part dénoncé la fragmentation du marché européen et les obstacles bureaucratiques dans l’UE qui  ne permettraient pas au commerce électronique de franchir les frontières et de gagner du terrain face aux Etats-Unis, malgré la présence de "champions" dans le secteur, notamment en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. Selon 100,7, Jean Diederich juge pourtant que l’adoption d’une directive sur une TVA harmonisée pour le commerce électronique aura peu de chances.

La Fédération des Editeurs européens a pour sa part adressé le 5 mars 2015 une lettre au Conseil européen, à la Commission européenne et au Parlement européen, dans laquelle elle déclare : "Nous croyons fermement que la valeur d’un livre ne dépend pas de son format or de la manière par laquelle les lecteurs y ont accès". Dans la lettre, qui a également été signée par Suzanne Jaspers, vice-présidente de la Fédération Luxembourgeoise des Editeurs de Livres, les éditeurs appellent la Commission à changer rapidement la législation actuelle pour "prendre en compte le progrès technologique" afin de retirer un "sérieux obstacle" au développement du marché du livre électronique.

Interrogé par le Wort, Xavier Buck, président du Luxembourg ICT Cluster, un réseau qui soutient des acteurs divers du domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC) au Luxembourg, n’a pas caché sa déception. "Ce verdict est ridicule et me rend triste", a-t-il dit, estimant qu’il s’agit d’un "revers pour le TIC et pour l’Europe" et que l’UE sera encore plus désavantagé par rapport aux Etats-Unis. Pour lui, un livre électronique "a la même valeur pédagogique" qu’un livre sur papier et, l’idée du TIC est d’améliorer et d’accélérer l’accès au savoir. Il met en garde contre une augmentation des prix du livre électronique qui sera, selon lui, plus cher que le livre sur papier, malgré un coût de production bon marché. Xavier Buck estime en revanche que le taux de TVA très bas de 3 % a renforcé l’attractivité du Luxembourg et attiré entre autres le groupe Amazon.

Les réactions en France

Dans un communiqué conjoint, Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, Harlem Désir, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, Christian Eckert, secrétaire d'Etat chargé du Budget, et Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat chargée du Numérique, ont indiqué qu’ils "prennent acte" de l’arrêt rendu par la CJUE. Ils estiment cependant que "le taux réduit de TVA vise à assurer l’égalité de traitement fiscal des livres, ainsi que l’innovation dans la diffusion des savoirs et de la culture". Les ministres et secrétaires d’Etat appellent en outre la Commission européenne "à faire le plus rapidement possible des propositions dans le cadre de la stratégie pour le marché unique numérique pour introduire dans le droit européen un principe de neutralité permettant l’application du taux réduit pour tous les livres, quel que soit leur support", demande qui a déjà été exprimée par plusieurs Etats membres et pour laquelle le Parlement européen a également pris position à plusieurs reprises.

Le Syndicat national de l’édition (SNE), le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels (SDLC) et le Syndicat des libraires (SDL) ont eux aussi publié un communiqué conjoint le 5 mars 2015 dans lequel ils évoquent un "régime discriminatoire" à l’échelle européenne et "qui va à l’encontre de l’objectif de développer la lecture numérique". Le syndicat appelle la Commission européenne à "prendre rapidement l’initiative de modifier la législation en cause afin qu’elle reflète le progrès technologique". Le communiqué évoque à ce titre le "programme de travail décidé par la Commission, qui indique que ‘les barrières au numérique sont des barrières aux emplois, à la prospérité et au progrès’".

Le Syndicat national de l’édition avait anticipé la décision de la Cour de Justice et avait lancé, dès le 3 mars 2015, avec ses partenaires du livre, une campagne sur internet et les réseaux sociaux contre la discrimination du livre numérique intitulée #CeciNEstPasUnLivre #CeciEstUnLivre. Cette campagne, qui met en scène un professeur expliquant ce qu’est un livre et ce qui ne l’est pas, rappelle que le livre est un "bien culturel par excellence" et "un bien de première nécessité".  

Edwy Plenel, dirigeant du site d’informations Mediapart, avait alors été l’un des premiers à soutenir cette action par le biais de son compte Twitter car, comme le rapporte un article du journal "Les Echos" paru le 5 mars 2015, "la presse numérique est la prochaine cible des foudres de Bruxelles", la France appliquant un taux super-réduit de 2,1 % aux sites d’informations.